Une expérience de médiation animale en milieu carcéral!

INREES.com – Inexploré N°28 – Miriam Gablier
Plus de 10 établissements pénitentiaires accueillent des « facilitateurs » accompagnés de leurs animaux, des petites bêtes en tout genre, avec l’idée de provoquer des guérisons. Les résultats sont stupéfiants.
© Sabine Zinck
Michel est incarcéré à la maison d’arrêt de Strasbourg. Première en France : il a le droit de garder une colombe diamant qui fut maltraitée et récupérée blessée. Le détenu met du cœur à la soigner, au point d’apprendre à « parler colombe ». La complicité entre eux est flagrante. Lorsque Michel entre dans la pièce « de jour » où se trouvent les animaux, la colombe vient sur son épaule, le papouille et roucoule sa joie de le voir. « Au-delà des sifflements et des signes d’affection, il y avait même une sorte de communication télépathique entre eux », témoigne Patricia Arnoux, pionnière de la médiation animale dans le milieu carcéral français et à l’initiative du projet. Ainsi, pendant quatre ans, s’est opérée une double reconstruction. Qui, de Michel ou de la colombe, a réellement pris soin de l’autre ? « Nous avons été témoins de transformations extraordinaires et profondément touchantes tant chez ces animaux que chez ces humains que nous avions mis en présence« , poursuit la médiatrice et psychothérapeute. Le lien est si puissant que lorsque Michel est transféré vers un autre établissement qui n’accepte pas les animaux, c’est terriblement difficile pour lui. La colombe, elle, meurt le lendemain.
Des histoires comme ça, il y  en a plein. Un chinchilla agressif et intouchable parce que maltraité est pris en charge par une détenue. Aujourd’hui ? Lui adore les câlins. Elle, se sent fière. « J’ai l’impression de servir à quelque chose, j’ai retrouvé confiance en moi« , rapporte la femme. Un homme couvert de tatouages se contente, pendant l’heure qui lui est impartie avec Sunny, un golden retriever, de s’allonger par terre contre le chien. Il lui murmure qu’il est « son plus beau cadeau » en le caressant doucement. Sunny est ravi. L’homme s’apaise. De nombreuses associations, dont Evi’dence, fondée par Patricia Arnoux, interviennent dans une dizaine d’établissements pénitentiaires.   
Réduire la pression
patricia-arnouxTout commence en août 2008. Il faut chaud dans la maison d’arrêt de Strasbourg qui compte 800 détenus pour 420 places. L’ambiance est tendue. Un suicide dans le quartier des mineurs inquiète  le personnel. Brunelle, directrice de l’établissement, fait appel à l’association Evi’dence. « La magie opère, les visages s’éclairent au passage de Patricia et de ses animaux : chiens, chats, chinchillas, tourterelles, rats entrent en prison, suscitent l’étonnement, l’émotion, le plaisir. Au delà des questionnements, les tensions s’apaisent, les personnes se rencontrent,, les sentiments s’expriment et permettent à la parole d’être libérée« , témoigne Bénédicte Brunelle dans l’ouvrage collectif Des animaux pour rester des hommes. Rapidement, de 2 heures d’intervention par mois, la médiatrice passe à 15 heures par semaine. Dans l’ensemble, le personnel de la prison, mais aussi les soignants, médecins et psychologues, attestent des effets positifs sur les relations entre détenus et avec l’encadrement. Patricia Arnoux et ses animaux accèdent au quartier des femmes, au quartier psychiatrique et pour finir au quartier des hommes. Il devient possible d’assister à des groupes de parole ou à des séances individuelles. Certains détenus prendront en charge des petits animaux maltraités.
Un lien authentique
Comment expliquer ce succès ? « Les détenus sont très instinctifs, ils sentent si vous êtes authentique ou pas Le contact avec l’animal qui ne triche pas et vous prend comme vous êtes est une opportunité incroyable pour établir un lien. Mon rôle ensuite est de continuer avec la parole, dans le non-jugement et l’authenticité de cette relation« , explique la médiatrice. Très vite, les émotions font surface. Tous en viennent à raconter pourquoi ils sont là. « Souvent, ils s’attendent à ce que je ne veuille plus les voir après ça« , sourit Patricia Arnoux. La confiance s’apprivoise, s’installe, des guérisons se font.
Et les animaux ? « L’idée bien sûr, n’est pas d’enfermer le animaux« , précise la médiatrice. Soit ils sont récupérés parce que maltraités et gagnent à ce qu’un humain attentionné prenne soin d’eux. Soit ce sont des « partenaires thérapeutiques » que les facilitateurs amènent ponctuellement. Patricia Arnous a longtemps travaillé avec Sunny.Lorsque mes à la retraite pour des problèmes d’arthrose, ne chien ne comprend pas pourquoi elle ne l’emmène plus. Il se met en travers de la porte d’entrée et lui lance des regards tristes. « Dernièrement, je l’ai repris une fois avec moi. Quand il a senti de nouveau les lieux, vu les coursives, entendu les portes s’ouvrir, il a poussé de petits gémissements. Il était content, impatient, il avançait sans m’attendre« , atteste sa maîtresse. 
Le projet a reçu le prix Initiatives justice et bénéficie de la reconnaissance du ministère de la Justice ainsi que de la Direction de l’administration pénitentiaire. « Je n’ai pas la prétention de faire des miracles, et même si ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, parfois, c’est une vie de sauvée« .

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