Europe – L’indispensable fermeté de Bruxelles face à la Pologne

LE MONDE | 11.01.2016
Editorial du « Monde » C’est une première : mercredi 13 janvier, la Commission européenne réunit le collège des 28 commissaires pour se pencher sur le respect de l’Etat de droit au sein d’un Etat membre de l’UE.
Cette procédure a été instituée en 2014 pour éviter à Bruxelles de se retrouver dans l’embarras de l’affaire hongroise lorsque, ces dernières années, le premier ministre populiste Viktor Orban a défié les autorités européennes, impuissantes à réagir.
 » Il s’agit de rappeler au pouvoir en place à Varsovie que l’appartenance à l’UE implique aussi le respect des valeurs communes « 
Cette fois, le problème vient de la Pologne, et il est plus grave. A un rythme stupéfiant et de préférence nuitamment, le nouveau pouvoir issu des élections du 25 octobre 2015, remportées par le parti conservateur-nationaliste Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, a pris une série de mesures qui ont trait aux fondements mêmes de l’Etat de droit : nomination de cinq juges au Tribunal constitutionnel dans des conditions controversées, nomination d’un chef des services secrets impliqué dans une affaire d’abus de pouvoir pour laquelle il a aussitôt été gracié, remplacement systématique de nombreux hauts fonctionnaires par des loyalistes, prise de contrôle directe par le gouvernement des médias audiovisuels publics. L’opposition accuse le nouveau pouvoir de vouloir transformer le système politique de fond en comble, dans un pays où les institutions démocratiques, rétablies en 1989 après la chute du communisme, sont encore très jeunes.
La popularité du PiS est déjà en baisse. Galvanisée par la rhétorique moralisatrice et idéologique des nouveaux dirigeants, l’opposition mobilise régulièrement des dizaines de milliers de manifestants dans les grandes villes de Pologne : cela a encore été le cas samedi 9 janvier, en particulier à Varsovie, où 15 000 à 20 000 personnes ont protesté devant le siège de la télévision publique.

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Viktor Orban, le premier ministre hongrois, et Jaroslaw Kaczynski, chef de file du PiS, le parti au pouvoir en Pologne. ATTILA KISBENEDEK, JANEK SKARZYNSKI / AFP
Dialogue « constructif » avec Varsovie
Le fait que le drapeau européen soit brandi comme un signe de ralliement par les manifestants doit être perçu comme un encouragement par Bruxelles : il s’agit de rappeler au pouvoir en place à Varsovie que l’appartenance à l’UE, dont la Pologne a considérablement bénéficié économiquement depuis 2004, implique aussi le respect des valeurs communes.
Soucieux de ne pas se montrer aussi passifs qu’avec le Hongrois Viktor Orban – qui coopère aujourd’hui activement avec M. Kaczynski – et de ne pas laisser s’installer le malaise, les dirigeants européens sont, à juste titre, intervenus rapidement. Le vice-président de la commission Frans Timmermans a adressé deux lettres très officielles au gouvernement polonais pour demander des explications. Parallèlement, le président du Parlement européen, Martin Schulz, et le commissaire européen Günther Oettinger ont exprimé leur inquiétude par voie de presse. Le Parlement européen organise un débat sur le cas polonais le 19 janvier. Le Conseil de l’Europe s’est également saisi de l’affaire.
Le gouvernement polonais a réagi aux critiques en se braquant, comme en témoigne la convocation, lundi, de l’ambassadeur allemand à Varsovie par le ministre des affaires étrangères. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a raison de tenter de calmer le jeu en précisant qu’il s’agit d’engager un dialogue « constructif » avec Varsovie et non pas de « taper sur la Pologne ». Mais l’UE ne peut pas se permettre l’émergence en Europe centrale d’un bloc de pays contestant ouvertement le fonctionnement commun des démocraties européennes. Derrière la courtoisie, la fermeté de la Commission doit être sans faille.
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