Touche pas à mon cumul

Le Canard Enchaîné – 13/01/2016 – C. N. –

C’est ignoble ce qui arrive aux cumulards. Ils avaient juré de faire de la politique autrement, d’abandonner leur mandat de maire et leur vie de pacha à l’Assemblée pour être « président de région à 100 %« , mais on les en empêche ! On les force à rester et à tout garder !

Regardez ce pauvre Christian Estrosi. A peine élu roitelet de Paca, le vertueux Motodidacte aurait bien aimé honorer sa promesse de lâcher ses deux portefeuilles de député et de maire de Nice…  Et le cavalier Hervé Morin ? Il avait dit, la main sur le cœur, qu’il quitterait le Palais-Bourbon sitôt intronisé à la tête de la Normandie… Seulement voilà : dans les deux cas, des recours en annulation de leur élection devant le Conseil d’État sont tombés du ciel. Résultat : tant que ce dernier ne s’est pas prononcé, – et cela peut durer de long mois – les scrutins régionaux ne sont pas définitivement validés. Morin et Estrosi peuvent donc continuer peinards tous leurs mandats, avec les menus avantages qu’ils confèrent. On les plaint, l’attente va être insupportable.

Bizarrement, les petits procéduriers qui leur veulent du mal ont toujours le même profil : de parfaits inconnus, déposant des recours pour des motifs farfelus qui n’aboutissent jamais. Et ces grands contestataires amoureux de la démocratie ont une autre particularité étonnante : ils refusent obstinément de parler à la presse. Chez Etrosi, la farce a même tendance à se répéter. En 2008, un certain Stéphane Rodriguez avait déposé un recours contre l’élection municipale à Nice, qui n’avait eu qu’un effet : permettre au nouveau maire de rester député, patron du Conseil général et de la communauté d’agglomération pendant plus d’un an. a l’époque, questionné par Le Canard Estrosi avait lâché cette phrase magnifique : « Quelqu’un souhaite jouer les prolongations, ça n’est pas très agréable. Et je trouve cela injuste que l’on dépose recours contre moi, alors que ma victoire a été belle et nette. » Rebelote aujourd’hui : cette fois, le méchant plaignant qui joue les prolongations s’appelle Sylvain Boronat, il gère une entreprise niçoise de jardinage et a quelques sympathies pour les Républicains. Mais Estrosi peut plaider non coupable  et noyer le poisson : la FN Marion Maréchal-Le Pen et le député PS Patrick Menucci ont eux aussi, de leur côté, déposé un recours…

Chez l’UDI Hervé Morin, il y a deux recours, dont un sent bon le Sud : il est l’œuvre d’une certaine Isabelle Lourdeau, habitante de Tourgéville, dans le Calvados, que L’Éveil normand (11/1) a pistée. La petite dame se trouve être la maman d’un avocat qui a des amitiés UDI au Conseil régional et dans les collectivités locales de Normandie… Pauvre cumulards, ils ont autant de mandats que d’ennemis !