LE MONDE | 30.01.2016
Demain, une époque formidable ?
Vous trouvez l’époque mouvementée ? Vous n’avez encore rien vu.
Quand l’un des meilleurs joueurs professionnels de go au monde se fait battre par une machine, le moment est venu de faire une pause, souffler un peu et prendre la mesure de ce qui nous attend.
Nous avions pourtant parfaitement intégré le fait que ce joueur, Fan Hui, champion d’Europe, fût d’origine chinoise. D’abord parce que le go a été inventé il y a trois mille ans en Chine, ensuite parce que, au XXIe siècle, l’ascension de la Chine fait partie de notre environnement économique et géopolitique. « L’Europe appartient au passé, l’Amérique au présent, l’Asie au futur », aime à déclamer le politologue singapourien Kishore Mahbubani. En réalité, tout ça est dépassé. Et face à ce qui se prépare, les Chinois ne sont pas beaucoup mieux outillés que nous.
Si un ordinateur peut battre un champion professionnel de go, imaginez comment il peut pourrir la vie d’un DRH
Ce qui se prépare, ce grand bouleversement qui est là, au coin de la décennie, prêt à déferler, c’est ce qu’un vieux professeur suisse, sorte de professeur Tournesol très fort en marketing, appelle la quatrième révolution industrielle. Avant d’inventer la quatrième révolution industrielle, cet homme, Klaus Schwab, a inventé le Forum économique mondial de Davos ; tout naturellement, il a donc demandé au Forum, pour son édition de 2016 qui vient de se terminer, de se pencher sur les défis et promesses de ladite révolution
Certains acteurs de l’économie numérique pensent qu’il faudra rendre aux individus la propriété de leurs données personnelles qui seront amassées lorsque tous les objets qui nous entourent seront connectés. Garry Knight – http: / /www.flickr.com/photos/garryknig
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Pour mémoire, les trois précédentes sont celles de la vapeur, qui a mécanisé la production, puis celle de l’électricité qui a créé la production de masse, et la révolution numérique, qui a vu les technologies de l’information automatiser la production. La quatrième n’est pas simplement le prolongement de la troisième : l’accélération et l’ampleur du progrès technologique sont telles qu’elles nous font basculer dans une nouvelle ère, l’ère de l’intelligence artificielle, des objets connectés, de la robotique et des big data. Une ère, dit M. Schwab, où « la fusion des technologies efface les frontières entre les sphères physique, biologique et numérique ».
Le Pr Schwab n’a pas fait découvrir l’eau chaude aux cerveaux invités à Davos. D’autres cénacles, comme les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence en 2015, ont exploré les conséquences de ces ruptures technologiques, notamment pour le monde du travail ; bien des études savantes ont été menées. La recherche et les applications liées à l’intelligence artificielle ont donné une nouvelle jeunesse à la Silicon Valley. Cette révolution, pourtant, reste le secret le mieux gardé des élites économiques mondiales. Pourquoi ? Parce que, précisément, si son potentiel les fait rêver, son impact social les stresse terriblement. Ils savent tous que cela va être énorme. Mais quant à en définir les contours, c’est le saut dans l’inconnu. Si un ordinateur peut battre un champion professionnel de go, imaginez comment il peut pourrir la vie d’un DRH.
En cinq ans, 7 millions d’emplois pourraient être détruits et 2 millions créés. Résultat : 5 millions d’emplois en moins