Les Britiches ont tous les droits

Charlie Hebdo – 10/02/2016 – Jacques Littauer –
L’Union européenne se couche devant l’Angleterre de David Cameron. Le Royaume-Uni aura ainsi le droit de maltraiter ses migrants. Youpi. Tout ça pour garder des Britanniques qui n’en on rien à cirer, de l’Europe. 
imagesElle a choisi. L’Union européenne préfère jeter les migrants dans la misère plutôt que de prendre le risque de voir partir le Royaume-Uni. Dans son petit jeu avec l’Europe, David Cameron avait mis sur la table quatre sujets de négociation. Tout d’abord, il avait demandé que l’Union européenne « ne fasse plus de discrimination » entre les pays membres de la zone euro et les autres, comme Londres, qui s’estime injustement traitée. En vérité, ce que Cameron a obtenu, c’est d’avoir son mot à dire sur toute décision prise par la zone euro afin de protéger le monstre de la City (à condition de rallier à sa cause d’autres pays). L’euro, non merci, mais dire à ses membres ce qu’ils doivent faire, no problem.
Ensuite, Cameron avait demandé que la compétitivité « soit inscrite dans l’ADN de l’Union européenne« . autrement dit, marre du social et de l’écologique dans la législation européenne. Banco as well. Troisième exigence : que le Royaume-Uni et les pays réfractaires aux décisions prises par les autres puissent « se rassembler pour rejeter les règles européennes qui ne sont pas dans leur intérêt« , dans une logique bien comprise du « je prends ce qui m’intéresse et je laisse le reste ». C’est « yes » aussi.
Mais là où Cameron a fait très fort, c’est lorsque, pour plaire à la frange la plus raciste de son électorat, il a demandé que le Royaume-Uni ait le droit de supprimer les aides sociales durant quatre ans aux immigrés en provenance de l’Union. Une demande qui avait scandalisé à Bruxelles, où l’on est très attaché à l’égalité de traitement, au moins entre ressortissants des pays de l’Union. Un porte-parole avait ainsi déclaré en novembre dernier que les demandes de David Cameron étaient « hautement problématiques, car touchant aux libertés fondamentales de notre marché intérieur« . Mais, apparemment, elles ne sont plus si problématiques que ça, puisque Donald Tusk – l’affreux président polonais du Conseil européen (qui réunit les chefs d’État membres de l’Union), opposé à l’État providence et à l’avortement – vient d’accorder cette possibilité à Londres lors de « circonstances exceptionnelles ». Mais on estime à Bruxelles que ces circonstance sont d’ores et déjà réunies…
16-02-03-brexit_580x2700Et tout ça pour quel bénéfice, au fait ? Pourquoi s’échiner à garder le Royaume-Uni dans l’Union ? Parce que nos généreux cousins contribuent à hauteur de 4 milliards d’euros net au budget de l’Union (sur un total de 140), loin derrière l’Allemagne (14 milliards) et la France (6 milliards) ? Parce que la sortie du Royaume-Uni constituerait « un drame » selon les termes de Manuel Valls ? Mais quel drame au juste ? Celui d’un démembrement de la zone euro ? Le Royaume-Uni n’en fait pas partie. Celui d’une remise en cause des accords de Schengen ? Le Royaume-Uni ne les a jamais signé. Avec la dramaturgie autour du « Brexit », on joue à nous faire croire une fois de plus que l’Union européenne est une union politique, sociale, diplomatique, culturelle… alors qu’elle est à 90 % une zone de libre-échange. En réalité, une sortie ne changerait à peu près rien, sauf pour les étudiants britanniques qui ne pourraient plus bénéficier du programme Erasmus. Le Royaume-Uni continuerait à commercer « librement » avec les pays européens comme il le fait aujourd’hui, les personnes pourraient continuer à circuler sans visa, etc.
1187-AISLINAu lieu de reconnaître cela et de débattre sereinement des avantages et des inconvénients de la présence du Royaume-uni, on fait de son maintien un impératif, quitte à ravager les rares règles européennes un peu sociales, comme celles sur l’égalité de traitement des citoyens de l’UE. Et tout ça sur le dos des plus faibles, les migrants. C’est vraiment très classe. Tout çà pour garder un pays atlantiste, qui a bloqué toute avancée de l’Europe sociale quand celle-ci était encore possible, et qui n’a jamais démontré la moindre solidarité à l’égard des autres pays européens ? Shocking, isn’t it ?
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