Économie : La planche à billets pour relancer la machine…

Charlie Hebdo – 23/03/2016 – Jacques Littauer –
Mario Dragui, le patron de la Banque centrale européenne a annoncé  de nouvelles mesures visant à redonner vie au patient européen. Mais plus personne n’y croit. Si l’on faire repartir l’économie du continent, il est temps de recourir à des méthodes nettement plus imaginatives. 
Les « responsables » économiques et politiques sont perdus. Comment faire pour que cette satanée croissance revienne ? Pour les États, encouragés en cela par la Commission européenne depuis des décennies, il faut d’abord procéder aux « réformes structurelles », c’est-à-dire, par exemple, faciliter les licenciements, dans l’espoir que cela créera des emplois, selon le principe « plus je peux licencier facilement, plus j’embauche ». Pour la BCE, il faut faciliter le crédit en décourageant l’épargne (voir le taux de rapport ridicule du livret A… ). Il convient également de permettre aux banques d’emprunter à des taux nuls, dans l’espoir qu’elles vont reprêter cet argent aux ménages et aux entreprises à des taux d’intérêt très faibles, ce qui va les pousser à consommer et à investir, ce qui, s’il fait beau et que les oracles sont de bonne humeur, finira peut-être par créer quelques emplois.
billet-planche-de-10Mais rien de tout cela ne marche. Ce n’est pas étonnant. La théorie de la flexibilité amie de l’emploi reste donc… Une théorie démentie par les faits, qui nous apprennent que l’emploi a beaucoup mieux résisté depuis le début de la crise en France que dans les très flexibles Espagne et Italie, et qu’il n’existe de façon générale aucun lien entre la difficulté qu’il y a à licencier et les résultats en matière d’emploi. Par ailleurs, toutes les manœuvres de quantitative easing (« assouplissement quantitatif », le nouveau nom sexy de la bonne vieille « planche à billets ») de Mario Draghi, le patron de la BCE, ne peuvent rien face au fait qui si les entreprises n’investissent pas, c’est qu’il n’y a a personne pour acheter ce qu’elles vendent. Or, la première motivation de l’investissement, c’est l’accroissement de la production. Pas demande, pas d’investissement. Or, pourquoi n’y a-t-il pas demande ? Parce qu’il n’y a pas d’argent dans les poches des consommateurs, pardi ! 
HelicopterMoneyD’où cette idée simple : puisqu’il y a, d’un côté , des millions de ménages désargentés et, de l’autre, une BCE qui, comme toutes les banques centrales, dispose du pouvoir très spécial de créer de l’argent à volonté, pourquoi ne pas demander à la BCE d’imprimer des billets et de les distribuer à la populace ? Cette initiative a un nom, elle s’appelle quantitative easing for the people, autrement dit « la planche à billets pour tous ». Et elle bénéficie de jolis soutiens comme ceux des économistes Jean Gadrey, Paul Krugman et Steve Keen, de l’anthropologue David Graeber, de l’écologiste Tim Jackson, ou encore de l’ancien directeur de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke. Tous soulignent en effet que non seulement les politiques actuelles sont incapables de relancer l’économie, mais qu’en plus elles alimentent les bulles financières en soutenant artificiellement le cours des actions, ce dont bénéficient les plus riches, qui les possèdent.
Concrètement, cette distribution d’argent populaire pourrait venir financer les projets dont l’Europe a besoin, comme tout ce qui concerne la production et le transport d’énergies (renouvelables), pour d’entamer enfin la transition écologique, nécessité vitale et seule solution à la crise -comme on se tue à le répéter. Où, encore plus drôle, la BCE pourrait directement créditer le compte de chaque européen d’une somme pouvant atteindre 175 euros par mois (qe4people.eu). De quoi rembourser quelques dettes, acheter des meubles ou des vêtements, ou enfin partir en vacances, et tout ça… grâce à la BCE ! Comment rêver meilleure relégitimation des institutions européennes auprès d’une population qui ne supporte plus leur discours marchandiseur et anti-social ? Mais, bien sûr, pour qu’une telle idée puisse être acceptée, il faudrait commencer par reconnaître que l’argent peut être créé à partir de rien – une sacré révolution mentale et politique.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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