Paradis fiscaux : Ce qu’il faut retenir des « Panama papers »

LE MONDE | 10.04.2016|
Le Monde, en partenariat avec 108 médias étrangers et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a eu accès à une très grande masse d’informations inédites : 11 millions de fichiers provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore. Les données, qui constituent le plus gros « leak » de l’histoire, s’étalent de 1977 à 2015. Elles révèlent que des chefs d’Etat, des milliardaires, des grands patrons, des figures du sport, de la culture, de l’économie recourent, avec l’aide de certaines banques, à des montages de sociétés afin de dissimuler leurs avoirs.
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L’affaire des « Panama papers », sur laquelle Le Monde a travaillé pendant des mois avec de nombreux médias internationaux, est une affaire de paradis fiscaux.
Contexte :   « Panama papers » : une plongée inédite dans la « boîte noire » des paradis fiscaux
Plus exactement de sociétés offshore créées dans des pays où les impôts sont très faibles, voire inexistants, par un cabinet panaméen, Mossack Fonseca.
Zoom :   A quoi sert l’offshore ?
En soi, ce n’est pas illégal ; par exemple, la loi française ne l’interdit pas mais c’est très encadré (il faut déclarer le plus souvent et payer des impôts quand même).
Décryptage :   Offshore : ce qui est légal, ce qui ne l’est pas
D’après les données et les entretiens que nous avons menés, il apparaît clairement que l’intérêt du système de l’offshore réside toutefois dans la discrétion qu’il procure à ses clients.
Front national, Société générale, Balkany
Parmi les noms connus, les « Panama papers » montrent comment Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet ont monté un circuit complexe de sociétés offshore pour sortir 316 000 euros d’une société prestataire du Front national, Riwal. D’autre part, le majordome de Jean-Marie Le Pen, Gérald Gérin, a reconnu être le bénéficiaire d’une société offshore aux Iles Vierges britannique, qui a pu servir à dissimuler 2,2 millions d’euros pour le compte de Jean-Marie Le Pen.
Enquête :   « Panama papers » : comment des proches de Marine Le Pen ont sorti de l’argent de France
Côté banques françaises, les documents ont mis en lumière le rôle trouble de la Société générale : malgré ses engagements à ne plus travailler avec les paradis fiscaux opaques, le groupe français est dans le « top 5 » des banques utilisant les services de la firme panaméenne.
Lire :   Les 979 sociétés offshore créées par la Société générale via Mossack Fonseca
Par ailleurs, les fichiers de Mossack Fonseca livrent de précieux secrets sur l’affaire Cahuzac, permettent de croiser la route du désormais célèbre riad des Balkany à Marrakech et montrent que la tentaculaire affaire Guérini, qui a fait trembler le tout-Marseille ces dernières années, a elle aussi fait étape au Panama.
Enquête :   Balkany, Cahuzac, Guérini : les « affaires » françaises passent par le Panama
International : répercussions en Islande, en Argentine, au Royaume-Uni…
Parmi les clients de Mossack Fonseca, le monde de la politique à l’international est bien représenté.
Infographie :   140 personnalités internationales ont utilisé des sociétés offshore
Premier exemple, des membres du gouvernement islandais, dont le premier ministre, qui est propriétaire d’une société offshore non déclarée au fisc, a démissionné mardi.
Lire :   « Panama papers » : en Islande, le chef du gouvernement et deux ministres sur la sellette
En Argentine, c’est contre le président lui-même, Mauricio Macri, qu’une enquête a été ouverte après la révélation de ses liens avec deux sociétés offshore.
Au Royaume-Uni, le premier ministre, David Cameron, est affaibli après avoir admis qu’il avait bénéficié du fonds offshore de son père Ian, mort en 2010, qui avait permis à ce dernier de ne pas payer d’impôt.
Lire :   « Panama papers » : le père de David Cameron avait créé une société offshore
On apprend aussi que le président ukrainien, Pedro Porochenko, a créé une société offshore en pleine guerre du Donbass alors qu’il avait assuré, avant son élection, qu’il ne conserverait que sa chaîne de télévision.
Lire :   En Ukraine, les « Panama papers » dévoilent le douteux mélange des genres de Petro Porochenko
On retrouve aussi les riches amis oligarques de Vladimir Poutine, l’actuel président russe. Au moins 2 milliards de dollars auraient été transférés dans des sociétés écran dans différents paradis fiscaux.
Lire :   « Panama papers » : la finance offshore, « machine à cash » du clan Poutine
FIFA, UEFA et clubs français
Autres personnages publics à apparaître dans les documents panaméens, des personnalités du monde du foot : Michel Platini (ancien président de l’UEFA), Lionel Messi (Argentin, meilleur joueur du monde)…
Lire :   La FIFA cède aux charmes de l’offshore
Les documents ont mis en lumière des contrats douteux signés par le nouveau président de la Fédération internationale de football (FIFA), Gianni Infantino, quand il dirigeait l’UEFA, avec une société offshore dirigée par deux Argentins mis en cause par la justice américaine. Ces révélations ont provoqué une perquisition au siège de l’UEFA, mercredi à Nyon.
Lire :   Le contrat douteux signé par Gianni Infantino, le nouveau patron de la FIFA
Les documents révèlent aussi les sociétés offshores de plusieurs patrons du football français, de Waldemar Kita et son FC Nantes à Dmitri Rybolovlev et son AS Monaco.
Lire aussi :   Les patrons de club de foot français jonglent avec les sociétés offshore
De l’art et de l’offshore
La plongée dans les « Panama papers » permet de constater qu’une partie du monde de l’art (maisons de vente, héritiers, galeristes, etc.) multiplie les sociétés offshore pour dissimuler des œuvres ou des fortunes.
Enquête :   Une partie du monde de l’art collectionne les comptes offshore
Le Monde a ainsi retrouvé la trace de L’Homme assis, un tableau de Modigliani qui avait disparu pendant la seconde guerre mondiale. Il appartient bien à David Nahmad, un riche marchand d’art, qui la détient au travers d’une société offshore, bien qu’il le nie.
Intégralité de l’enquête :   Le Modigliani était bien caché
D’où ces documents viennent-ils ?
Il s’agit d’un lanceur d’alerte, dont l’identité reste protégée, qui a contacté un journal allemand, la Süddeutsche Zeitung. Ce dernier a décidé de partager ses informations avec d’autres médias en raison de l’ampleur de la découverte.
Lire :   Que sait-on de la source des « Panama papers » ?
Le lexique de l’offshore
Actionnaire
Propriétaire déclaré d’une société offshore. Certains actionnaires possèdent réellement le capital de ces sociétés, d’autres ne sont que des prête-noms.
Action au porteur
A la différence de l’action nominative, l’action au porteur est anonyme et permet aux propriétaires réels des sociétés offshore de dissimuler leur identité. Ce type de titre, qui organise une opacité totale sur l’actionnariat, est en train de disparaître. Le Panama est l’un des derniers pays à en proposer.
Action nominative
Par Mathilde Damgé De l’éco, du décryptage et une pincée de data
« Panama papers » : un défi technique pour le journalisme de données
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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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