Après les OGM, les NBT !

Le Canard Enchaîné – 06/04/2016 – Conflit de Canard –
Avez-vous déjà entendu parler de la nucléase à doigt de zinc ZFN3 ? C’est le dernier cri en matière de génie génétique, des outils destinés à la chirurgie du géome. Des ciseaux à ADN qui permettent de remodeler le génome avec une précision chirurgicale. En utilisant cet outil, l’industrie des semences peut ainsi tripatouiller les gênes d’une plante pour la rendre, au choix, tolérante à un herbicide ou résistante à un insecte.  Vous avez aimé les OGM, vous allez adorer les NBT (New Breeding Techniques), l’acronyme en anglais de « nouvelles technologies de reproduction génétique ».

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Le gros avantage pour les firmes de biotechnologie, c’est que, contrairement aux OGM, il est impossible de faire la différence entre une modification génomique sur un organisme vivant, opérée par une NBT et une mutation naturelle. L’agrobusiness en tire cette conclusion  aux petits oignons : les NBT ne sont pas concernées par la réglementation sur les OGM.
Cela fait maintenant neuf ans que la Commission européenne tergiverse sur la question. En 2001, pourtant, Bruxelles avait défini comme suit ce qu’est un OGM, un organisme « dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement, par multiplication et/ ou par recombinaison naturelle ». Une acceptation qui devrait logiquement englober les nouvelles technologies de reproduction génétique. Sauf que les OGM obtenus par mutagenèse, c’est-à-dire dont le génome est exposé à des agents chimiques ou à des radiations pour les faire muter, ont, eux, été exclus du champ d’application de la fameuse directive, au motif que la mutagenèse est une mutation artificielle qui ne fait qu’accélérer la mutation naturelle. Un précédent qui apporte de l’eau au moulin de l’agrobusiness dans son combat pour faire échapper les NBT aux contraignantes et coûteuses procédures d’homologation des OGM.
ogmD’ici que Bruxelles se décide, on peut compter sur les semenciers pour accélérer leur lobbying. Les tenants des nouvelles technologies de reproduction génétique se sont regroupés dans une organisation baptisée la NBT Platform. En France, le Haut conseil des biotechnologies, créé en 2008 dans la foulée du Grenelle de l’environnement, a rendu un avis excluant les NBT des OGM. Une décision qui a semé la zizanie puisque l’un des membres du comité scientifique a démissionné. Yves Bertheau, directeur de recherches à l’Inra, considère en effet que la manipulation du génome peut avoir des effets inattendus qui méritent examen.
Si l’Europe décide, et c’est bien parti, que les NBT n’ont rien à voir avec les OGM, il n’y aura aucune obligation de les signaler sur l’étiquette : on avalera les yeux fermés.
Vous échangerez bien deux OGM contre une NBT ?

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