« Panama Papers » : la bonne réaction de l’Europe

LE MONDE | 11.04.2016
Editorial du « Monde ». Mobilisation des administrations fiscales nationales. Présentation cette semaine d’une nouvelle directive comptable au sein de l’Union européenne. Réunion mercredi 13 avril à Paris des hauts fonctionnaires chargés des questions fiscales au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). A l’évidence, les gouvernements occidentaux ont décidé de réagir au plus vite aux « Panama papers », cette série de révélations sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux. C’est une bonne chose.

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Une manifestation devant la résidence du premier ministre maltais, à La Valette, le 10 avril. DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS
Une semaine après les informations inédites fournies par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ, dont Le Monde fait partie), tout se passe comme si les gouvernements avaient pris conscience de la portée politique de cette affaire. Il y a les situations particulières, bien sûr. A trois mois du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne (UE), le premier ministre britannique, David Cameron, se serait bien passé de voir son nom associé aux « Papers ». Même si le chef conservateur n’a légalement rien à se reprocher.
Il y a l’entourage de la présidente du Front national, Marine Le Pen, lui aussi familier des pratiques d’évasion fiscale panaméennes. On y verra une certaine logique « idéologique », puisque l’entourage d’un des « héros » du FN, Vladimir Poutine, figure également dans la liste des pratiquants de la fiscalité offshore. Il est vrai que le Front a accepté un crédit d’une banque russe, qui n’a pu lui être accordé qu’avec le feu vert du même M. Poutine.
Une opinion publique « chauffée à blanc »
Mais là n’est pas l’essentiel. Au-delà des situations individuelles, les révélations des « Panama papers » interviennent, en Europe et aux Etats-Unis, dans un climat politique déjà lourd. L’opinion publique est chauffée à blanc contre les « élites ». Des deux côtés de l’Atlantique, tout se passe comme si une partie des classes moyennes – au sens large de cette catégorie – réagissait aux ravages provoqués par la crise financière de 2008-2009.
La révolte contre, pêle-mêle, « le système », « les élites », la mondialisation et ce qui l’accompagne explose à retardement sous des formes politiques diverses – cela va, d’un bord à l’autre du spectre politique, du succès d’une nouvelle gauche (Jeremy Corbyn au Royaume-Uni, Bernie Sanders aux Etats-Unis) au vote protestataire à droite (de Donald Trump à la poussée nationaliste sur le Vieux Continent).
De façon informelle, la grogne monte contre une croissance inégalitaire et le sentiment qu’elle ne profite qu’à une minorité qui échappe au droit commun. A mesure que la globalisation économico-financière facilitait les pratiques d’optimisation fiscale pour les entreprises et les grandes fortunes, la pression fiscale augmentait sur les classes moyennes.
D’où l’importance des initiatives prises cette semaine. La plus importante est la refonte par la Commission européenne d’une directive comptable de 2013. Elle imposera une discipline sans précédent : toutes les grandes sociétés opérant au sein de l’Union vont être soumises à une transparence comptable qui devrait rendre impossible le moindre détournement fiscal.
En la matière, l’efficacité ne peut être nationale, elle passe par des réglementations supranationales. Il n’est pas indifférent, au moment où les démagogues prennent l’Europe comme bouc émissaire, que le bon exemple vienne de Bruxelles. Parfois, plus d’Europe est le bon chemin.
Lire aussi :   Après les « Panama papers », Bruxelles veut renforcer les obligations de transparence des entreprises

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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