Indre-et-Loire – Le terrible coup de gel qui assomme les vignerons

La Nouvelle République 29/04/2016
Le bilan des dégâts occasionnés par le gel qui a brûlé une partie des vignes en Touraine, mercredi matin, s’annonce très lourd : au moins 100 M€.

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Des bourgeons recroquevillés après la vague de gel qui a sévi dans la nuit de mardi à mercredi. – (Photo NR)
Quand il arpente les rangs de ses vignes de Parçay-Meslay, jeudi matin, Stéphane Deniau, producteur en appellation vouvray ne peut cacher son dépit. « Sur mes onze hectares, j’en ai six touchés à 90 %, trois à 30 %, le reste est sauf. »
En 2012, le gel avait déjà anéanti 40 % de sa récolte. Cette fois, la situation est pire.
Parce que la « gelée noire » qui a sévi dans la nuit de mardi à mercredi, avec un thermomètre à – 4 °C et des pointes en certains endroits à – 6 °, est arrivée à un moment où le bourgeon est encore tendre, pas assez résistant pour faire face à des températures aussi basses. Parce que le dimanche soir, une averse était tombée sur le Vouvrillon, que les sols étaient humides et que le franc soleil du mercredi matin a grillé les bourgeons enveloppés dans leur coque de glace.
« Je vais avoir du mal à faire la soudure cette fois-ci, soupire Stéphane Deniau, qui vend une partie de son raisin à la coopérative et produit 40.000 bouteilles en son nom. Nous avons vécu trois ou quatre années difficiles, les stocks sont épuisés. On risque de ne pas pouvoir fournir nos clients dans deux ans. »
Tous les terroirs de la Touraine ont été touchés, avec plus ou moins d’effets selon les appellations. Près de 100 % de bourgeons « cramés » en noble joué, près des deux tiers sur les appellations montlouis, bourgueil et saint-nicolas-de-bourgueil, 50 % de pertes en AOC chinon…
Dans la vallée du Cher et en Amboisie, la situation serait moins grave. Depuis plusieurs jours, les vignerons passaient des nuits blanches à scruter le ciel et le thermomètre. Certains postaient des photos sur leur Facebook où ils allumaient leurs tours antigel, leurs bougies. Ils se baptisaient les « Nuit debout » de la vigne. « On ne s’est pas fait surprendre, on savait que ça pouvait arriver cette semaine, mais il est inenvisageable de protéger les 10.000 hectares de vignes en Touraine », observait hier Guillaume Lapaque, le directeur de la Fédération des associations viticoles d’Indre-et-Loire.
L’émotion est grande dans le vignoble tourangeau où, depuis mercredi, on évoque le souvenir des tristes années 1991 et 1994. La presse nationale s’est emparée du sujet. Dans le journal d’Europe 1, hier matin, le Bourgueillois Laurent Herlin parlait, des sanglots dans la voix. Sur RMC, à la même heure, son collègue Philippe Boucard disait son désarroi. L’après-midi, radios et télévisions « débarquaient » à Bourgueil pour faire du son et de l’image.
Gelée noire pour nuits blanches
L’addition sera très lourde à payer selon Guillaume Lapaque : « On peut estimer que ce sont entre 100 et 200 millions d’euros de chiffres d’affaires qui se sont envolés. Les vignerons ont perdu la moitié de leur salaire annuel, parce qu’il a fait moins quatre degrés l’espace de deux heures. Mais les problèmes économiques se poseront au printemps 2017, au moment de la vente du millésime. Nous avons une année pour s’y préparer, travailler avec l’État, les banques, la MSA, les comptables et les vignerons, pour trouver ensemble des solutions. »
Sous-traitants divers (embouteillage, fabricants d’étiquettes, agences de communication, banques, etc.) : c’est toute une chaîne économique qui est concernée dans le département par ce gel du mercredi 27 avril 2016, qui restera, à son tour, de triste mémoire.
Pascal Landré

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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