Le Canard Enchaîné – 18/05/2016 – J.-M. Th. –
Alain Juppé à la mairie de Bordeaux, en 1996 | DERRICK CEYRAC/AFP
Le maire de Bordeaux n’est pas un mou du genou. Caricaturé depuis des mois comme un abominable homme de gauche par les amis de Sarkozy, voilà que Juppé redevient -enfin ! – un vrai homme de droite à l’occasion de la publication de ses propositions économiques. Pour convaincre, il tape sur les tabous et les icônes de la gauche depuis trente ans. Il enterre les 35 heures, surgies après la dissolution de 1997 et son départ en fanfare de Matignon, il jette aux orties l’ISF, que Chirac avait déjà supprimé en 1986 quand il s’appelait IGF (impôt sur les grandes fortunes). Autant de totems par terre, le peuple de droite se pâme.
Juppé raye aussi de la carte 200 000 à 250 000 fonctionnaires nationaux via des départs à la retraite, ce qui est moins que le million de Bruno Le Maire, mais c’est un bon début. Ceux qui restent vont souffrir. Juppé en veut toujours aux régimes spéciaux, qui avaient mis tant de monde dans la rue en 1995 quand il s’y était attaqué. Courageux mais pas téméraire, il y va cette fois plus doucement.
Seuls les nouveaux entrants recrutés à partir de 2018 seront au régime général, ce qui réglera le problème en trente ans, y a plus radical. Mais Juppé s’attaque aussi aux pensions des fonctionnaires. Elles ne seront plus calculées sur les six derniers mois de salaire, mais sur les vingt-cinq meilleures années, comme dans le privé. Aucun gouvernement n’avait osé, l’ancien Premier ministre fonce. Il promet aussi la retraite pour tous à 65 ans. L’âge sera remonté de quatre mois par an à partir de 2018, allegro mais pas trop.
Le maire de Bordeaux n’hésite pas, lui, qui en 2002, avait pris sa retraite d’inspecteur des Finances à 57 ans et demi. Il était l’un des premiers politiques, enfant du baby-boom, à décider de quitter la fonction publique après trente huit ans et trois mois de cotisation et pas un jour de plus. Il s’était dépêché de partir avant que les fonctionnaires ne soient invités à cotiser davantage pour se rapprocher du secteur privé. Il réalisait aussi une belle opération financière en cumulant sa pension de 3 654 euros ^par mois avec ses différentes indemnités d’élu plafonnées alors à 7 800 euros. De quoi voir venir pour ses vieux jours.
Juppé a bien profité des avantages de la fonction publique depuis qu’il est à la retraite. Il promet à ses collègues qu’ils profiterons beaucoup moins que lui. Et, là-dessus, au moins, ils n’ont aucune raison de ne pas le croire.
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