Qui veut remettre en cause le principe de précaution inscrit dans la Constitution ?

Le Canard Enchaîné – 25/05/2016 – Jean-Luc Porquet – 
C’est un petit air que des responsables politiques, des scientifiques, des industriels nous jouent régulièrement : le principe de précaution est une catastrophe ! Depuis que Chirac l’a fait inscrire dans la Constitution, en 2005, rien ne va plus. Dans la grande course mondiale à la compétitivité, notre pays est gravement handicapé. A cause de cet affreux principe, nos chercheurs n’osent plus chercher. Nos entrepreneurs n’osent plus prendre de risques. La France n’ose plus gagner. Comme le prône, (entre autres) Sarkozy, il faut retirer purement et simplement le principe de précaution de la Constitution, car il est « devenu un principe d’inaction« . Elle est bien bonne…
pesticidesmortelsJetons un coup d’œil sur trois affaires récentes. Les néonicotinoïdes : voilà une vingtaine d’années que les agriculteurs se sont pris de passion pour ces pesticides très puissants dérivés de la bonne vielle nicotine. Ils tuent tout : les insectes dits « nuisibles », mais aussi les abeilles, les vers de terre, les batraciens,les oiseaux, etc. Les apiculteurs ont été les premiers à sonner l’alarme. Les études scientifiques se sont accumulées. La nocivité des néonicotinoïdes est prouvée – et leur risque d’effets sur la santé humaine suspecté. Que la loi mitonnée par Ségolène Royal sur la « reconquête de la biodiversité », actuellement en discussion à l’Assemblée, prévoie leur interdiction totale : rien de plus logique.Mais le lobby de l’agrochimie s’est très efficacement agité : horreur, notre agriculture va perdre en compétitivité § Le 11 mai, les sénateurs ont fait sauter cette interdiction. Du coup, le gouvernement a édulcoré son projet de loi, lequel ne prévoit plus qu’une interdiction au cas par cas. Le principe de précaution vous salue bien. Et les abeilles aussi.
Et les nanoparticules ? Depuis une vingtaine d’années (là encore), les industriels en mettent partout (dans les rouges à lèvres, les crèmes solaires, les chaussettes anti-transpiration…), en badigeonnant les sucreries pour enfants, en truffent les emballages, en recouvrent les intérieurs de frigo… Partout ! Minuscules (un nanomètre c’est un millionième de millimètre), elles servent à fluidifier, durcir, assouplir. Mais elles sont tellement petites qu’elles « peuvent être inhalées ou pénétrer dans la peau, traverser les membranes biologiques, s’accumuler dans les organes et générer des perturbations cellulaires, des inflammations ou des lésions risquant d’entraîner des cancers »  (« Libération », 21/5). Et alors ? Alors rien. Opacité organisée, étiquetage prétendument obligatoire mais peu respecté. Il est où, le principe de précaution ?
nanoparticules4Les perturbateurs endocriniens. Là encore, ce sont des substances qu’on dissémine partout, bien qu’elles soient soupçonnées d’être à l’origine de nombreuses maladies graves (cancers infertilité, etc.). La France est le premier pays européen à avoir interdit le bisphénol A, en vertu du principe de précaution, qui, pour une fois, a servi. Mais comme vient de le montrer « Le Monde » (21/5), l’Europe bloque depuis 2013 toute réglementation en la matière. C’est Sarkozy qui doit être content.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Agroalimentaire, Industrie, est tagué , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.