Sine Mensuel – juin 2016 – Michel Warschawski –
« Hallucinant » – c’est par ce mot que le député Benny Begin a réagi à l’annonce de la nomination d’Avigdor Lieberman* à la tête du ministère de la Défense. Pourtant, le fils de Menahem Begin est loin d’être un gauchiste et appartient au même parti que le Premier ministre qui vient de prendre cette décision. Quant à Roni Daniel, cet ancien officier supérieur, experts des questions militaires sur la deuxième chaîne de télévision, et que l’on surnomme le « porte-parole officieux de l’armée », il déclare, les larmes aux yeux, qu’il n’est « pas certain de vouloir voir [ses] enfants continuer à vivre dans ce pays« .
En effet, la nomination d’Advigor Liberman à la plus importante fonction du gouvernement après le Premier ministre prouve le degré de dégénérescence dans le quel se trouve aujourd’hui l’État hébreu. Le nouveau ministre de la Défense a une odeur sulfureuse : c’est lui qui a appelé à faire sauter le barrage d’Assouan en Égypte; lui qui a pris comme slogan de campagne électorale « pas de loyauté, pas de citoyenneté », exigeant des citoyens palestiniens d’Israël une déclaration de loyauté à l’État d’Israël comme État juif pour avoir le droit de vote; c’est lui encore qui exige le rétablissement de la peine de mort – pour les arabes uniquement.
Même Ehud Barak s’est senti obligé de faire une pause dans ses juteuses affaires pour exprimer son opinion sur la nomination, par Benjamin Nétanyahou, de Liberman : « Un sionisme qui aspire à la vie ne peut coexister avec les bourgeons du fascisme que l’on découvre aujourd’hui au gouvernement« , a déclaré l’ex-Premier ministre.
Le général Moshe Yaalon a donc été éjecté du gouvernement au profit de Liberman. Il a pourtant été jusque kà un fidèle allié de Netanyahou. Le tort de cet ancien chef d’état-major est d’avoir osé soutenir le général Yaïr Golan qui, le jour de la commémoration du génocide des juifs d’Europe, avait mis en garde contre les risques d’une dégénérescence éthique similaire à l’Allemagne des années 30. Quand c’est l’armée et le Shin Bet (Le Service de sécurité intérieure israélien) qui deviennent les garde-fous d’un minimum d’éthique, face à un Premier ministre qui est allé rendre visite au père d’un soldat inculpé par le parquet militaire pour avoir liquidé de sang-froid un Palestinien déjà neutralisé, à un Premier ministre qui exige des officiers supérieurs « d’arrêter de pleurnicher » (sic), que dire de plus sur l’état de la société israélienne et de sa direction politique.
Moshe Yaalon est lin d’être Albert Einstein et encore moins mère Teresa. Il reflète par contre l’état d’esprit du corps militaire qui ne laissera en aucun cas Liberman détruire l’armée telle qu’elle est pour en faire une milice fasciste dirigée par l’extrême droite nationaliste. Dès à présent, le ministre de la Défense limogé a annoncé son intention de reconstruire une « droite saine d’esprit » capable de tenir tête au tandem Liberman-Netanyahou.
D’autres se prennent même à rêver d’un coup d’État militaire qui les débarrasserait d’une direction politique qui, semble-t-il mène l’État d’Israël au suicide. « Liberman nouveau roi d’Israël ! » crient ses supporters. il ne fait aucun doute que ce sera le dernier royaume d’Israël, la fin d’une souveraineté juive au Proche-Orient, mais à quel prix !
