Jean-Claude Juncker Dr Folamour européen

Le Monde Diplomatique – juin 2016 – Serge Halimi –

Jean-Claude Juncker, the incoming president of the European Commission (EC), presents the list of the European Commissioners and their jobs for the next five years, during a news conference at the EC headquarters in Brussels September 10, 2014. Juncker handed key economic and financial responsibilities to French and British members of a restructured, 28-strong team he unveiled on Wednesday.   REUTERS/Yves Herman (BELGIUM - Tags: POLITICS BUSINESS) - RTR45NRY

Doté d’un avis sur tout, M. Juncker a également jugé le projet de loi El-Khomri, exécré par une majorité de Français : « La réforme du droit du travail, voulue et imposée par le gouvernement Valls, est le minimum de ce qu’il faut faire. » Un minimum ? Oui, estime M. Juncker, quand on le compare aux « réformes comme celles qui ont été imposées [sic] aux Grecs ».
nouvelle-europeLes traités européens composent en effet un Himalaya d’interdits, de règles et de purges (ou « réformes… »). Les administrer avec rigueur n’oblige pas à en saisir le sens. Le président de l’Eurogroupe, M. Jeroen Dijsselbloem, vient ainsi d’admettre qu’il comprenait mal lui-même la signification de ce « déficit structurel » qu’aucun État ne doit excéder : « C’est un indicateur difficile à prédire, difficile à gérer et difficile à expliquer. Une de mes frustrations, c’est qu’il monte et descend sans que je sache réellement pourquoi (2).  »
C’est cependant en raison de statistiques opaques de cet acabit que la Grèce ne cesse d’être punie par les autorités européennes. Elles lui ont imposé le vote d’une loi budgétaire de sept mille pages, trois hausses massives de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la privatisation d’aéroports à des prix bradés, le report à 67 ans de l’âge de la retraite, l’augmentation des cotisations maladie, la fin des protections accordées aux petits propriétaires incapables de payer leurs emprunts… En échange, Athènes vient d’obtenir un prêt principalement destiné à lui permettre de rembourser les intérêts de sa dette extérieure. Le Fonds monétaire international a beau concéder que celle-ci est « insoutenable », l’Allemagne refuse qu’elle soit amputée.
Berlin et la Commission européenne savent pourtant se montrer indulgents. Et pas seulement envers le Royaume-Uni de M. David Cameron (lire « “Brexit”, malaise chez les travaillistes »). Ainsi, aucune sanction n’a été infligée à l’Espagne, dont le déficit budgétaire dépasse allègrement la limite autorisée par les traités. Ni Bruxelles ni Berlin n’ont voulu gêner le gouvernement de M. Mariano Rajoy — membre de la même famille politique que M. Juncker et Mme Angela Merkel… — avant les élections législatives espagnoles du 26 juin.
Imposer des sacrifices cruels à des peuples entiers au nom de règles qu’on ne comprend pas soi-même, oublier ces dernières sitôt que des compères politiques les transgressent : c’est aussi sur ce terreau d’amoralisme et de cynisme que l’extrême droite européenne avance.
(1) Le Monde, 21 mai 2016.
(2) Les Échos, Paris, 29 – 30 avril 2016.
Union européenne : la machine à punir | Réseau International
Union européenne : la machine à punir
Qu’est devenu le rêve européen ? Une machine à punir. A mesure que le fonctionnement de celle-ci se perfectionne, le sentiment s’installe que des élites interchangeables profitent de chaque crise pour durcir leurs politiques d’austérité. Cet  objectif suscite l’adhésion des conseils d’administration et des salles de rédaction. Mais, même en ajoutant à ce maigre lot les rentiers allemands, quelques prête-noms luxembourgeois et bon nombre de dirigeants socialistes français, on n’élargit pas démesurément l’assise populaire de l’actuel « projet européen ».
L’Union ne cesse de rabrouer les Etats qui n’ont pas pour souci prioritaire de réduire leur , y compris quand le chômage s’envole. Comme ils obtempèrent en général sans se faire prier, elle leur impose aussitôt un programme de rectification comportant des objectifs chiffrés à la décimale près, assorti d’un calendrier d’exécution. En revanche, quand un nombre croissant de patients européens doivent renoncer à se faire soigner faute de ressources, quand la mortalité infantile progresse et que le paludisme réapparaît, comme en Grèce, les nationaux n’ont jamais à redouter les foudres de la de . Inflexibles lorsqu’il s’agit de déficits et d’endettement, les « critères de convergence » n’existent pas en matière d’emploi, d’éducation et de santé. Pourtant, les choses sont liées : amputer les dépenses publiques signifie presque toujours réduire dans les hôpitaux le nombre de médecins et rationner l’accès aux soins.

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Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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