Nuit debout à fêté ses 70 jours d’existence : une inextinguible soif de comprendre, de débattre, de parler vrai…

Le Canard Enchaîné 01/06/2016 – Jean-Luc Porquet –

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Nuit debout à fêté ses 70 jours d’existence, ce mercredi 8 juin 2016
Bon, ce n’est pas fini, Nuit debout ? Voilà pas moins de deux mois qu’ils occupent la place de la République, et tout ça pour quoi ? Pour du blabla. Il n’en est rien sorti. Pas un programme, pas une idée, pas un leader, du vent. Des paroles à ne plus en finir. Pendant ce temps-là, les travailleurs dorment et, le matin, se retroussent les manches : ils agissent, eux, ils sont dans la vraie vie, ce sont des forces vives, etc. 
Voilà exactement un demi-siècle, dans son « Exégèse des nouveaux lieux communs » (1), Jacques Ellul se moquait de ce mot d’ordre émanant de notre société technicienne avide de « résultats » et d' »efficacité » : « la haine du discours et le souci de l’acte : il n’est pas un discours qui n’y fasse allusion (…). Avant tout, être efficace, n’est-ce pas le mot d’ordre des techniciens, politiciens, militaires, ingénieurs, économistes, communistes et autres actifs, grâce à qui le monde moderne est ce qu’il est ? » 
Et Ellul de faire l’éloge de la parole et du débat, lesquels introduisent doute, complexité, altérité : « Si tu réfléchis aux tenants et aboutissants de tes actes, tu es perdu. Si tu réfléchis à la signification de tes actes, tu es paralysé. Si tu tiens compte de l’homme d’en face, tu ne passeras jamais. Telle est la profonde sagesse exprimée par ce lieu commun…« .
Ce qu’aura apporté Nuit debout, c’est ça : un démenti à ce lieu commun. Une résistance à ce système qui se méfie tellement de la parole libre qu’elle l’encage dans des écrans. Oui, il peut y avoir des débats sans qu’Yves Calvi y distribue le droit de parler. Sans qu’on entende pérorer Yves Thréard. Sans que défilent les mêmes bobines d’experts et d’auto-satisfaits, sans qu’apparaissent le sigle BFMTV, le générique de fin et la page de publicité.
Il y a des chances que Nuit debout soit en train de s’éteindre: et alors ? Les nuitsdeboutistes ne se sont jamais dits immortels. Leur mouvement a essaimé en France et à l’étranger, il a infusé, capillarisé, il peut désormais s’assoupir, muter, renaître sous d’autres formes… L’important, comme le dit un assidu dans Le Monde libertaire (15/5), c’est que beaucoup ont vécu ceci : « on a fait connaissance, on échange des contacts, on transmet de idées, on ressent dans ses tripes la démocratie directe, on s’ébahit de son pouvoir. »
Qu’après le 7 janvier et le 13 novembre est née une inextinguible soif de comprendre, de débattre et de parler vrai; que les postures de matamore, les 49-3 et les coups de gueule prétendument virils paraissent désormais venir d’un monde englouti, dépassé, largué : voilà ce qu’a prouvé, entre autres, Nuit debout.

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Avons-nous conscience de tout de ce que nous permet la parole ? Utilisons-nous toutes les ressources de cette capacité extraordinairement et spécifiquement humaine ? C’est à la réponse à ces questions, moins triviales qu’il n’y paraît, que s’attache Philippe Breton dans ce livre, où il explore les immenses possibilités de la parole, à la fois sur le plan personnel et sur le plan social.
Il montre comment, historiquement, la parole a progressivement constitué un espace de substitution à la violence, à l’exercice sans frein du pouvoir. Et comment les ressources de l’argumentation, mais aussi celles de l’objectivation des passions, ont permis de faire reculer, toujours plus, cette violence. Surtout, et c’est le principal objet de ce livre, il explique comment surmonter les obstacles qui s’opposent aujourd’hui au plein déploiement du pouvoir de la parole.
Ce livre démontre comment chacun, sur le plan personnel, peut se réapproprier sa propre parole et comment le pouvoir partagé de la parole peut mettre un frein à la toute-puissance du pouvoir et à sa violence.
Editeur La découverte  / Collection Poche, numéro 256  Prix  : 8,70 € /
EAN 978-2707152381 /ISBN 9782707152381

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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