L214, pleins phares sur la cause animale

Lagedefairedecembre-2016
L’âge de faire — juillet/août 2016 – Nicolas Bérard –
En deux ans, L214 s’est taillée une réputation nationale en diffusant des vidéos tournées en caméra cachée dans les abattoirs, réussissant ainsi à imposer la question de la cause animale dans le débat public.
« Quand on est sensible à la cause animale depuis longtemps, qu’on voit toutes ces campagnes d’affichage, ces tractages, ces conférences, et que rien ne change, on est content de voir que c’est encore possible de provoquer des réactions et de pousser les autorités à prendre des mesures. » Ce militant de la cause animale s’est promis d’envoyer un chèque de soutien à L214, car depuis quelques années, l’association a réussi à imposer cette problématique dans le débat public. La méthode qui a fait son succès ? Le tournage de vidéos, en caméra cachée, au sein même des abattoirs, afin de révéler la réalité de ce qui se cache derrière nos biftecks. On y voit des abattages sanglants, des cochons asphyxiés au CO2, des poussins passés vivants dans la broyeuse… Largement diffusées sur les réseaux sociaux (la page Facebook de l’association est suivie par près de 500 000 personnes !), reprises par les médias nationaux, ces séquences ont suscité des vagues d’indignation successives. Mieux : elles ont entraîné la fermeture provisoire de certains abattoirs où des méthodes particulièrement cruelles étaient utilisées, et la création d’une commission d’enquête parlementaire.
vache-680px l’origine de cette association, il y a notamment un couple, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, tout deux âgés de 43 ans. Avec d’autres militants de la cause animale, ils ont d’abord concentré leurs efforts sur la lutte contre le gavage des oies et des canards destinés à produire du foie gras. Ils ont ainsi créé, en 2003, le collectif Stop Gavage. « Dès le départ, nous voulions poser la question des animaux élevés pour la consommation alimentaire, explique Brigitte Gothière. Mais c’est un sujet très très vaste : en comptant les poissons, ça concerne plus de mille milliards d’animaux chaque année ! » Par quel bout attaquer cette gigantesque problématique ? La petite équipe choisit le foie gras, « très représentatif de la « chosification » des animaux. L’idée, c’était aussi de devenir des spécialistes de cette question, de creuser à fond le sujet de façon à pouvoir être apte à répondre aux spécialistes qui défendent le foie gras ».
« Sortir de sa zone de confort »
Stop Gavage se fait un nom et parvient à faire bouger quelques lignes, notamment auprès des consommateurs. Mais l’équipe militante souhaite étendre son combat aux animaux en général. « Si on voulait faire vraiment quelque chose de global sur la question animale, on savait qu’il fallait y mettre les moyens. C’est à dire créer une vraie association, avec des gens qui y consacrent tout leur temps. » En 2008, plusieurs militants sautent le pas. Ils quittent leur travail et consacrent leur économies à créer et faire fonctionner L214. Ce nom fait référence à un article de 1976 du code rural, à travers lequel les animaux sont, pour la première fois, considérés comme des êtres sensibles. Huit ans plus tard, l’association est portée par 15 000 adhérents et de multiples dons, qui lui permettent de rémunérer une quinzaine de salariés.
Pour toucher le public – et donc les institutions – L214 se donne pour credo de montrer la cruauté de l’élevage. Sébastien Arsac a pour cela réussi à se faire embaucher dans des abattoirs afin d’y tourner des vidéos. « A côté, il y a toute une recherche documentaire et un travail d’enquête, détaille Brigitte Gothière. On ne veut pas s’attarder sur des cas particuliers, mais sur le cas général. Nos vidéos sont effectivement choquantes, mais ce qui est réellement choquant, en fait, c’est la réalité quotidienne de l’élevage et de l’abattage. »
Dans une société où la consommation massive de viande fait partie des habitudes alimentaires, qui se pose encore la question de l’animal qui a été tué avant de manger une tranche de jambon vendue joliment emballée, sous cellophane ? « On ne choque pas pour choquer, mais pour sortir le spectateur de sa zone de confort. Il faut faire le lien entre la viande et le fait qu’il s’agissait d’un animal qui était en vie, qui n’avait pas envie de mourir, etc. Du coup, c’est aussi donner au consommateur la possibilité de faire des choix éclairés, car pour l’instant, il est conditionné pour acheter de la viande sans se poser de question. »
lapin-france-680px« Cohabitants »
L’association, désormais réputée, peut s’appuyer sur de nouveaux volontaires pour filmer les pratiques d’abattage. Des salariés de longue date des abattoirs ? Des intérimaires ? De jeunes militants se faisant embaucher dans le but précis de filmer ? L214 reste volontairement floue sur la question, car les patrons de ces structures sont devenus méfiants.
En alertant l’opinion publique, l’association a déjà réussi une grande opération de sensibilisation et d’information. Mais ne compte pas en rester là : « Nous voulons accompagner le changement. Ceux qui ont été choqués par nos vidéos doivent pouvoir savoir comment agir pour limiter le nombre d’animaux tués. » A travers son site internet (1), L214 donne donc des conseils à tous ceux qui souhaitent diminuer leur consommation de viande, devenir végétariens ou végétaliens.
Car derrière tout ça, L214, antispéciste (qui refuse qu’une hiérarchie soit établie entre les différentes espèces, l’espèce humaine comprise), souhaite remettre en cause la pratique même de l’élevage. « La question doit se poser aujourd’hui : a-t-on besoin de manger de la viande ? Si nous en avions besoin, le débat ne serait pas forcément légitime, explique Brigitte Gothière. Mais les études sur la nutrition montrent qu’on n’a pas besoin des animaux pour être en bonne santé, et on sait comment faire pour avoir la même quantité de protéines sans en manger. Et parallèlement, nous avons des preuves scientifiques de la dimension sensible des animaux. Nous voulons donc changer la société, changer les mentalités, pour que les animaux soient considérés comme des cohabitants de la planète et non plus comme de simples ressources à notre disposition. »
1- www.l214.com
Des campagnes ciblées pour changer le sort des animauxL214 agit par des actions ciblées, dans les médias et sur le terrain pour changer la condition des animaux élevés et abattus pour la consommation. Par des campagnes de sensibilisation, nous luttons par exemple contre l’élevage en cages des poules pondeuses, le gavage des canards ou l’élevage des lapins en batterie. Nos actions s’adressent notamment aux décideurs politiques ou enseignes de la grande distribution qui tiennent entre leurs mains le sort de millions d’animaux.
Avec ténacité, nous parvenons à changer les choses. Suite à nos actions, Monoprix a retiré les œufs de batterie de sa marque d’enseigne.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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