Notre planète info révision : 15 juillet 2016,
La saison de chasse se termine pour les uns et s’ouvre pour les autres… Le blaireau est le prochain sur le calendrier alors que ses populations sont fragilisées par une pression de plus en plus forte. Il fait l’objet d’une chasse cruelle en France alors que de nombreux pays européens le protègent.
Blaireau européen (Meles meles)Crédit : Beeki / Pixabay – CC0
Depuis le Pléistocène (environ 2 millions d’années), le blaireau européen (Meles meles), est présent dans toutes les régions de France métropolitaine à l’exception de la Corse et peut être trouvé en montagne jusqu’à 2000 mètres d’altitude.
Mais, comme tant d’autres mammifères sur le sol français, il est autorisé à la chasse qui s’opère souvent de manière cruelle alors même que « les activités humaines, chasse, piègeages, pratiques sylvicoles, modifications du paysage et des pratiques agricoles réduisent les habitats du blaireau, qui paye également un lourd tribu à la circulation automobile », indique le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité.
Or, le blaireau, outre son nom qui fait l’objet de moqueries, est un mammifère remarquable et utile. C’est la plus grosse espèce de Mustélidés d’Europe. Trapu et court sur patte, il peut atteindre 70 cm de long (90 cm avec la queue, qui mesure 20 cm environ), pour 25 à 30 cm au garrot et jusqu’à une vingtaine de kilogrammes (12 kg en moyenne). Durée de vie : 15 ans environ.
Comme son cousin le castor, le plus grand bâtisseur après l’Homme, le blaireau est un terrassier. Il vit dans un terrier qu’il creuse généralement dans une pente pour évacuer plus facilement les déblais en contrebas. Il est très tolérant et accueille, en plus de sa famille composée généralement d’une demi-douzaine d’individus, des cousins mustélidés (martres, fouines, putois) ou/et des renards.
« En plus de son caractère discret et farouche, il est totalement inoffensif« , insiste Pascal Gérold, animateur-responsable de projets à la maison de la nature de Munchhausen et observateur assidu du mustélidé dans les Vosges du Nord. Le blaireau est un « animal nocturne, sa vue est très basse mais son odorat est plus de 700 fois supérieur au nôtre alors, pour retrouver son chemin la nuit, il le marque avec ses glandes odoriférantes qu’il a entre les doigts de ses pattes« , ajoute-t-il dans le blog de l’Association Nature Alsace Bossue.
Ainsi, il peut être aperçu la nuit et ne présente aucun danger direct pour l’Homme.
Son régime alimentaire est essentiellement composé de vers de terre et végétaux (fruits, céréales, tubercules, champignons). S’y ajoutent également quelques taupes, petits rongeurs et insectes. Il se nourrit de manière très occasionnelle d’un œuf ou d’un oisillon.
Malgré cela, il est chassé et particulièrement en France, souvent de manière cruelle.
Pourquoi le blaireau est-il chassé ?
Des dégâts sur l’agriculture ?
Si la question mérite d’être posée pour l’ensemble des espèces chassées et persécutées en France, le blaireau cause des dégâts très limités aux champs de maïs, sans commune mesure avec ceux que peut occasionner une harde de sangliers (souvent élevés par les chasseurs CQFD). « Bien souvent, le blaireau est accusé de tous les problèmes de façon indiscriminée et concentre les mécontentements. » souligne le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité.
Au contraire, les blaireaux aident les paysans en détruisant de nombreux vers blancs. De plus, la simple installation d’un fil à 15 cm de hauteur empêche l’accès aux blaireaux. Les répulsifs se sont aussi montrés très efficaces.
Des dégâts sur les sols ?
On lui reproche également d’affaiblir la stabilité des sols. Or, les terriers sont la plupart du temps creusés en forêt ! Et s’ils demeurent gênants, il suffit simplement de faire fuir leur propriétaire en déposant des tissus imbibés de répulsif non toxique, et de reboucher les trous. Il n’y a aucune nécessité de tuer l’animal. D’ailleurs, déterrer l’animal serait contre-productif : cela fragilise bien plus le lieu et est préjudiciable aux autres espèces qui y vivent.
« A titre de comparaison, on peut noter que les Pays-Bas, où les digues sont essentielles, ont classé le blaireau comme espèce protégée, montrant ainsi qu’il est possible de concilier l’entretien des digues et l’existence du blaireau », précise le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité.
Un vecteur de maladies ?
Enfin, il serait vecteur de la tuberculose bovine, qui pourtant, est quasiment éradiquée depuis 2001… En outre, au sein de la faune sauvage, « il n’est pas le principal vecteur de cette maladie en France, puisque le cerf, et le sanglier dans une moindre mesure, ont été les plus concernés jusqu’à maintenant » ajoute le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité.
Malheureusement, les populations de blaireaux sont en diminution dans la plupart des régions françaises : au faible renouvellement de l’espèce, s’ajoutent l’extension urbaine, la chasse et la mortalité liée au trafic routier, de plus en plus important.
Ainsi, le blaireau est une espèce très fragile, ce qui explique qu’il est protégé dans la plupart des autres pays : Espagne, Grande-Bretagne, Luxembourg, Italie, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Grèce, Irlande, Portugal… Explique l’association RAC. Mais pas en France où les chasseurs continuent de détruire ce petit mammifère inoffensif, avec des méthodes particulièrement cruelles.
Une chasse cruelle
Le blaireau est chassé en le déterrant. Cette chasse est pratiqué de la mi-septembre au 15 janvier. Mais dans 74 départements français, sur simple volonté du préfet, il peut commencer dès le 15 mai, période où les blaireautins sont encore dépendants de leurs mères et du groupe social. Chassé 9 mois et demi, le blaireau n’a aucun répit !
Partout en France, des week-ends de « déterrage de blaireaux » sont organisés. Les animaux stressent pendant des heures, acculés au fond de leurs galeries, entre les aboiements des chiens et les cris des chasseurs. Les jeunes blaireaux sont dépecés par les chiens et les survivants sont achevés à coup de talon ou de pelle. Les adultes, y compris les femelles en gestation, sont sortis de leur terrier avec des pinces métalliques et sont ensuite tués avec une dague ou à coups de barre à mine. Le coup fatal étant rarement le premier…
Frédéric Daniel a assisté à une chasse de blaireaux et nous livre son témoignage : « Je me promenais à VTT sur un chemin en pleine campagne dans une petite commune dans les Pays de la Loire. C’était un samedi matin d’octobre. Mon attention a été attiré par des aboiements et des cris de chasseurs qui excitaient les chiens. La scène se déroulait dans une clairière à la lisière d’un bois sur un vieux talus de remembrement. J’ai pu observer pendant un moment ce qui se passait, de loin aux jumelles, discrètement. Les chasseurs s’affairaient à creuser, équipés de pelles, pioches et barre à mine. Je crois qu’un blaireau a été capturé et tué pendant que j’observais, bien que je n’ai pas pu voir distinctement. Cette scène m’a dégoûté, je ne suis pas resté plus longtemps.
Je suis revenu sur place quelques jours plus tard. De longues tranchées parcouraient le talus, parfois profondes de 1,50 m. Le talus était complètement ravagé, toute la colonie avait été éliminée. Depuis, les tranchées ont été rebouchées, plus rien n’est visible.
Les chasseurs était ici de façon complètement légale, ce déterrage étant effectué en période autorisée.
Beaucoup de gens ne connaissent pas la vénerie sous terre, cette pratique qui consiste à aller chercher les animaux là où ils sont, dans leur terrier, ce qu’il ne leur laisse que peu de chance de s’échapper. Cette chasse se déroule généralement loin des regards et des habitations, en plein coeur de la campagne.«
Des vidéos : Attention : certaines images peuvent heurter les personnes qui ont encore un coeur
Les chasseurs prétendent qu’il s’agit de régulation. Mais pour Frédéric Daniel qui a lancé une pétition, « la vérité est plus simple : le déterrage des blaireaux est un loisir« . Si l’on connaît le peu d’effet des pétitions, celle-ci a déjà recueilli près de 90 000 signatures et il est encore temps de la signer.
Selon l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS) et l’association MELES qui ont également lancé une pétition, en France, au moins 165 000 blaireaux seraient exterminés chaque année par ce seul mode de chasse.
Moindre réconfort : un certain nombre de chasseurs ne pratiquent pas ce mode de chasse qui les répugnent.
Au final, le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité dénonce cette chasse : « ni le risque d’infection tuberculeuse en France ni les dégâts qui seraient causés aux cultures ne justifient un abattage massif de blaireaux. La règlementation devrait proscrire et pénaliser les méthodes d’abattage inhumaines, encourager l’exploration de voies alternatives à l’abattage, et, dans le cas de la tuberculose, permettre la vaccination des blaireaux même dans les régions où la prévalence de la maladie est encore faible. »
Ainsi bat le coeur de la France, au rythme des coups de fusil, de pioches et de pièges qui accaparent et polluent nos campagnes et nos forêts, détruisant méthodiquement et cruellement ce qu’il reste du vivant, simplement pour le plaisir, ce sentiment qui permet tout, avec la bénédiction de la grande majorité de nos élus qui ne cherchent que des soutiens électoraux et n’ont cure de l’intérêt général et de la biodiversité.
Christophe Magdelaine / notre-planete.info
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Autre association de défense des blaireaux
Blaireaux – ASPAS : Association pour la Protection des Animaux Sauvages
Agissez – Signez la pétition pour la protection du blaireau :Blaireaux – ASPAS : Association pour la Protection des Animaux Sauvages
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