Plus de guerre pour moins de terrorisme ?

Le Canard Enchaîné – 27/07/2016 – Claude Angeli –
Un diplomate critique ainsi les objectifs de François Hollande. Il n’est pas le seul.
A Washington, les 20 et 21 juillet, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de 45 pays étaient réunis pour débattre, entre autres, de la menace terroriste et, en particulier, de la reconquête de Mossoul, occupé sans coup férir par Daech, en juin 2014. « Il fallait en parler« , s’est félicité un conseiller de Jean-Yves Le Drian, mais la comparaison est cruelle pour les participants à ce conclave. En effet, la plupart des États qu’ils représentaient sont absent d’Irak et n’ont aucune envie d’y envoyer un seul soldat.
Mais, comme le demandaient Barack Obama et le Pentagone, tout ce petit monde a accepté de venir à Washington parler de l’avenir de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, et des habitants qui y vient encore, – 1,2 million de sunnites, pour l’essentiel. Quant à l’armée irakienne, sans grande valeur au combat, à en croire les militaires américains et français présents sur place, elle serait bien incapable de mener cette offensive sans l’appui permanent des bombardiers de l’US Air Force.
Militaires sceptiques
En août 2014, la France avait rejoint la coalition internationale, dirigée par les États-Unis, et, depuis, des Rafale et des Mirage participaient aux opérations anti Daech en Irak. Un an plus tard, François Hollande décidait que l’aviation française allait aussi devoir bombarder les positions tenues par l’État islamique en Syrie. Mais cela ne suffit plus aujourd’hui, à notre chef de guerre. Quelques heures après l’attentat de Nice, Hollande l’a proclamé : « Nous allons encore renforcer notre action en Syrie et en Irak. » Avant de confirmer, dans un tweet, en pleine nuit – à l’étonnement de ses proches -, cette décision d' »intensifier » les frappes aériennes*. Le Président sait pourtant qu’un grand nombre de militaires et d’experts, à l’état-major des armées comme dans les services de renseignement, ne croient pas – ou ne croient plus – qu' »ajouter la guerre à la guerre » permettrait de réduire la menace. Et certains d’entre eux évoquent ce « besoin de venger nos morts [destiné à] rassurer la population et [à] dissuader des terroristes de passer à l’acte.

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Mais Hollande persiste et signe. Paris va livrer à l’armée irakienne plusieurs canons Caesar, accompagnés d’instructeurs français, pour le « service après-vente ». Grâce à cette arme, nouvelle pour eux -six coups à la minute et des obus de 155 balancés à 40 ou 45 km -, les artilleurs irakiens vont pouvoir participer, à distance respectable, à la reconquête de Mossoul. Et les conseillers français veilleront, c’est promis, à éviter que des cibles civiles n’aient à souffrir de ce merveilleux canon. Voire.
De toute façon, Daech fera des gorges chaudes de ce cadeau venu de France pour armer des « mécréants ».

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Explosion à Kobane après une frappe aérienne à la frontière turque, le 23 octobre 2014.REUTERS/Kai Pfaffenbach
* Avant l’attentat de Nice, le chef de l’État avait décidé d’envoyer au Proche-Orient, en octobre, le porte-avions Charles-de-Gaulle accompagné, comme c’est l’usage, de plusieurs navires de guerre de protection, dont un sous-marin nucléaire d’attaque. Avec à son bord 28 Rafale, le porte-avions français va, dès l’automne, participer à l' »intensification » des frappes sur Daech, décidée par le Président.

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