JO, la grande hypocrisie de l’antidopage

Zéro Hebdo N°1 – 03/08/2016 –
A la suite de la publication d’un rapport accablant mettant en lumière les pratiques russes en matière de dopage, le Comité international olympique (CIO) a bien failli exclure la Fédération de Russie des jeux de Rio. Une grande première dans le monde du sport de haut niveau, et surtout une belle hypocrisie face à la réalité du dopage international.
tiounine_dopage« A la lumière de conclusions fortes du rapport McLaren qui ont été acceptées par l’agence antidopage, le CIO et le mouvement olympique, et étant donné le peu de temps qu’il restait avant les JO de Rio, nous croyons qu’il est approprié et nécessaire pour le CIO de prendre une action forte pour préserver la charte olympique et l’intégrité des JO de Rio. » C’est par ces mots que quatorze agences nationales antidopage ont décide de monter au créneau et de demander l’exclusion pure et simple de la Russie pour les JO de Rio. A la base, le rapport McLaren, qui est au sport de haut niveau ce que WikiLeaks est à la politique internationale, a mis le feu aux poudres. En clair, ce crapport stipule que, lors des Jeux de Sotchi, le comité russe a a réussi à gruger les contrôles grâce à un trou dans le mur d’une salle de tests. Les échantillons compromis passant dans l’orifice vers la salle voisine étaient alors emmenés par un agent des services de renseignements et échangé avec d’autres, bien entendu, exempts de toute trace suspecte. Le système est vieux comme le monde. mais il mérite qu’on s’y attarde quelques instants. Ne serait-ce que pour en comprendre le fonctionnement.
Dopage d’état et soft power
Bien entendu, comme tous les pays qui utilisent le sport comme vecteur de leurs ambitions et de leur visibilité internationale (c’est-à-dire à peu près tous les pays), la Russie n’hésite pas à mettre en place un système de dopage institutionnalisé. Comme l’URSS et l’Allemagne de l’Est avant elle, la Fédération organise le trafic de produits incriminés, met en place la distribution et, le cas échéant, use de ses moyens logistiques et officiels pour couvrir les actions de ses champions. Mais pourquoi dépenser de l’argent et de l’énergie à transformer un sportf en bête de concours digne du salon de l’Agriculture ? Pour la gloire du pays et ce que l’on appelle communément le soft power. En clair, tout ce qui peut, d’une manière ou d’une autre, fortifier la stature et la puissance d’un pays est bon à prendre. Dans le monde de l’info, la Russie a créé RT et Sputnik, deux agences de com déguisées en média. Au rayon de la diplomatie, elle à la tête des BRICS, une organisation internationale réunissant le Brésil, la Russie, l’Inde, la chine et l’Afrique du Sud. Outre les échanges de bons procédés, cette entité lui permet de peser davantage face à l’OTAN. Mais nous nous égarons. Le système de dopage institutionnalisé par Moscou entre pleinement dans cette politique de soft power et ne saurait être annihilé par un rapport, qui plus est si celui-ci est occidental.
La vaste blague de l’agence mondiale antidopage 
Vouloir sanctionner la Russie pour son système de dopage qu’elle a sciemment mis en place, c’est bien. En faire autant pour les autres nations qui se permettent ce petit jeu, c’eût été encore mieux. Héla les jeux olympique ne sont plus qu’un château de cartes politico-financier. Les valeurs de l’olympisme flottant encore dans la cuvette des toilettes du CIO, ne restent que les raisons d’État, le PIB et l’influence des pays hôtes. On en est là. Mais parmi les pires grugeurs, il aurait été intéressant de punir le Kenya et ses coureurs de fond chargés comme des mules, la Chine et ses robots athlètes, les États-Unis et ses stars plus trafiquées qu’une bagnole volée… sans oublier la Jamaïque et ses sprinters taillés comme des bobsleighs. La liste est longue. Et lorsqu’on passe en revue tous les pays incriminés dans cette vaste entreprise à se foutre du monde, on comprend très vite l’enjeu de cette unique procédure : ne pas vider le village olympique de ses athlètes, préserver le spectacle et les apparences… puisqu’au fond, il n’y a que ça qui compte réellement. Derrière les strass et les paillettes, le rideau est bien épais. Et il y a fort à parier que ce statu quo écœurant a encore de beaux jours devant lui. Rien ne saurai entamer le joli roman écrit au jour le jour parles institutions internationales.

Dopage

Et les athlètes propres, dans tout ça ?
eeeef5c9-575e-45f5-8519-62dbbc08abc9On allait les oublier ceux-là. Dans le panier, certains athlètes russes auraient sans doute perdu sur les deux tableaux si la sanction avait été confirmée. Jamais testé positifs à la moindre substance dopante, des sportifs de haut niveau défendent dans leur coin un petit idéal de performances propres et d’éthique. Mais étant russes, ils sont balancés sans ménagement dans le même sac que les autres. Ils n’iront jamais critiquer ouvertement l’action de leur gouvernement et de leur comité olympique. La manœuvre serait trop risquée… et pas que sportivement. Alors ils se sont tournés vers les tribunaux pour faire respecter leurs droits. Parmi eux, la reine Yelena Isinbayeva, la plus grande perchiste de l’histoire, s’est retrouvée un temps prise en otage dans ce jeu de dupes. « Les athlètes qui ont outrepassé les règles doivent être suspendus, aucun doute là-dessus, mais ceux qui sont resté propres doivent pouvoir participer aux Jeux. Je ne laisserai personne m’enlever un droit que j’ai entièrement mérité » déclarait-elle au micro des médias russes. Mais le spectacle et les apparences priment. Désolé Yelena. fer de lance de la contestation de la procédure, elle a toujours clamé son innocence et de mandé à ce que (fort logiquement) les cas soient traités individuellement. A 34 ans, elle espère finir sa carrière sur un nouveau sacre olympique. Malheureusement, l’affaire et les remous qu’elle a entraîné ont beaucoup perturbé la préparation de la championne.

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