Auvergne-Rhône-Alpes : la A45, un beau projet coûteux et inutile

Charlie Hebdo – 17/08/2016 – Fabrice Nicolino –

Le pompon à Wauquiez, potentat d’Auvergne-Rhône-Alpes. Il vient de refiler 140 millions d’euros de bon argent public à Vinci, pour construire une nouvelle autoroute. Et quel bijou ! Parallèle à l’A47 gratuite, elle doit la doubler sur 40 kilomètres entre Saint-Étienne et Lyon. Elle sera payante. ZAD en vue…

Pas besoin d’être devin pour comprendre qu’on va s’amuser. Plus encore qu’à Notre-Dame-des-Landes ? Ce n’est pas impossible. Car le projet d’autoroute A45 touche au cœur même de nos imaginaires et de notre si vaste connerie. Or l’autoroute va rarement sans la bagnole, et la bagnole c’est sacré. Qu’est-ce donc que l’autoroute A45 ? Un projet né au début des années 1990 – on va y revenir plus loin – qui prévoit de doubler sur 40 kilomètres, entre Saint-Étienne et Lyon l’autoroute gratuite existante l’A47. Cette dernière serait saturée, voire dangereuse. Coût estimé, dont on sait combien il aime à doubler : 1,2 milliards d’euros, soit environ 30 millions du kilomètre. Entre deux et trois fois plus qu’une autoroute ordinaire, avec plein de tunnels, d’échangeurs et de viaducs. Vidalies, notre bravissime secrétaire d’État aux Transports est archi d’accord et il a désigné Vinci comme concessionnaire en avril dernier. Pour cinquante-cinq ans…

Mais le plus fanatique de la bande n’est autre Laurent Wauquiez, que Charlie ne se lassera jamais de présenter comme un immense personnage, digne des livres d’histoire. Wauquiez, qui a gagné Auvergne-Rhône-Alpes aux dernières élections, a fait voter à la cravache son conseil régional le mois passé : Vinci qui espérait 100 millions d’euros, recevra en réalité 140 millions d’un excellent argent public. Au total, et vu que l’avenir économique des péages de l’A45 est jugé incertain par le philanthrope Vinci, ce dernier recevra 845 millions d’euros de subventions publiques.

Il existe malgré tout des refusants. Les plus drôles sont sans doute les élus Républicains de Lyon – Georges Fenech en tête -, qui maintiennent toute leur affection politique à Wauquiez, mais le mettent en garde en toute simplicité contre « une erreur historique« . Plus sérieuse est l’opposition d’une constellation d’élus de petites communes – 110 au total -, réunis dans l’association Alternatives au contournements autoroutiers de Lyon (Alcaly). Enfin, les vaillants du collectif NON à l’A45 , qui proposent sue leur site une montagne de documents.

Bannière du site http://www.non-a45.org/

Que dire de plus qu’eux ? Pour Wauquiez et ses nombreux obligés, ce qui a été sera, à jamais. La bagnole et le pétrole, c’est l’éternité. L’effarante crise climatique, qui oblige à tout repenser, dont évidemment les transports ? Les autres options, qui permettraient d’éviter cette maudite construction ? Ils s’en tapent. Faut faire cracher le béton et les bénéfices de Vinci. En 1992, j’ai voulu rencontrer Jacques Bourdillon. Ce fier ingénieur des Ponts et Chaussées venait de pondre un copieux rapport, « Les réseaux de transport français face à l’Europe ». L’heure était grave, car, disait-il l’Europe prenait sur nous une insupportable avance. Il fallait s’équiper de nouvelles infrastructures, comme des ponts, des ports, des routes, des rocades et des autoroutes. Et claquer 1 560 milliards de francs en quinze ans, soit plus de 100 milliards par an. Soit  15,38 milliards d’euros. Par an. 

Constatant l’absence dans le document d’un supplément consacré à « l’environnement », pourtant évoqué dans l’introduction, je m’interrogeait. Et je l’interrogeait. Sa réponse de 1992 : « Oui, c’est vrai, j’ai marqué ça dans mon rapport. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps d »écrire ce fascicule. » Jacques Bourdillon ne travaillait plus, alors, au ministère  de l’Équipement, où il avait fait carrière. On le trouvait désormais rue du Général Camou, dans de plaisants locaux à deux pas de la tour Eiffel. Ceux de Scetauroute, bureau d’études au service des sociétés d’autoroutes, dont il était devenu le salarié.

M’est avis qu’il ne faut pas chercher plus loin l’origine de cette si pimpante autoroute A45. Le reste, c’est de la guirlande.