Indre – Châteauroux – Témoignages : Fuir la barbarie; en quête d’une vie meilleure

La Nouvelle République 27/08/2016
Six Afghans sont arrivés, le 8 août, à Châteauroux, après des mois de périple pour fuir un pays ravagé par la guerre. Demandeurs d’asile, ils dorment dehors en attendant des jours plus cléments.

AFGHANS 2

Les demandeurs d’asile ont reçu, hier, trois tentes de la part de l’association Droit au logement.
Une couverture soigneusement étendue sur laquelle ils prennent soin de marcher pieds nus, à l’ombre protectrice des arbres qui bordent l’avenue Charles-de-Gaulle, face aux murs du jardin de la préfecture : le petit coin aménagé par Aman, Bilal et les autres se résume vite. C’est ici que dorment, depuis le 8 août, six Afghans âgés de 19 à 26 ans, atterris à Châteauroux, presque par hasard. Tous s’étaient rencontrés en France, deux jours plus tôt, lors de leur arrivée à la Gare de l’Est. « Nous ne nous sentions pas en sécurité à Paris, raconte l’un d’eux. Nous voulions partir dans une petite ville. »
«  A la frontière iranienne on nous a tirés dessus  »
Ils sont donc montés dans un train, en direction du Sud, pour se retrouver à Châteauroux. « Les gens qui étaient dans le wagon avec nous sont tous descendus là. » Alors ils leur ont emboîté le pas, sans vraiment savoir où ils mettaient les pieds. Si ce n’est qu’ils étaient en France, accomplissement de tous leurs espoirs. « Nous serons en sécurité ici. » Loin, très loin du pays qu’ils ont fui, laissant derrière eux leurs familles.
 La plupart y étaient étudiants, comme Bilal, originaire de Kunduz, prise d’assaut par les Talibans, en août 2015. « Toute ma famille a été tuée, raconte-t-il. Je n’ai plus que ma sœur. » Une sœur qui ne sait rien ou si peu de la situation de son frère. « La dernière fois que je l’ai eue au téléphone, c’était quand j’étais en Allemagne, il y a cinq mois. »
La famille de Jahangar n’a pas eu ce « luxe ». Peut-être imagine-t-elle même le pire. Celui-ci n’a plus de nouvelles depuis cinq ans et son départ pour l’Iran, où il a subsisté pendant quatre ans. Quant à Aman, 26 ans, ancien agent d’assurances à Kaboul, les Talibans lui ont enlevé son cousin. Un autre, qui préfère rester anonyme, déplore la perte de son oncle.
Pour fuir cette barbarie, il a fallu une force de caractère hors norme. Le parcours d’Aman, ahurissant, en atteste : Pakistan, Iran, Turquie, Grèce, Macédoine, Serbie, Croatie, Autriche, Allemagne puis enfin la France. Un parcours semé d’humiliations et dangers quotidiens. « A la frontière iranienne, on nous a tirés dessus, raconte-t-il. Je suis parvenu à m’enfuir avec une vingtaine d’autres personnes, en grimpant une petite montagne. »
Les autres, des familles surtout, ont été reconduites. Il y a aussi le récit, désormais tragiquement banal, de ces traversées à bord d’embarcations de fortune, entre la Turquie et la Grèce. Une heure et vingt minutes à osciller entre angoisse et espoir qui lui ont coûté plus de 1.000 dollars réclamés par les passeurs. « Nous étions quarante-cinq dans le bateau et avons chaviré trois fois. Puis nous avons été secourus par des pêcheurs. »
Pourtant, aujourd’hui, tous gardent le sourire, « même si nous sommes tristes », précisent-ils. Faute de solution d’hébergement (lire ci-dessous), voilà près de trois semaines qu’ils dorment dans la rue, loin de la vie qu’ils entendent désormais mener. « Avoir un toit puis apprendre la langue et le mode de vie à la française, trouver un travail. » Vivre.
bertrand.slezak@nrco.fr
Solidarité citoyenne
C’est l’altruisme d’un Castelroussin qui a mené Aman et ses amis jusqu’à l’association Solidarité-Accueil. Sur le quai de la gare, il leur a indiqué les locaux de l’avenue Charles-de-Gaulle, à Châteauroux. Le premier maillon d’une chaîne de solidarité citoyenne, aussi sincère que spontanée, qui se heurte néanmoins à des complications. Aucune place d’hébergement d’urgence n’était disponible. Depuis le 8 août, les six Afghans passent donc leurs nuits à quelques mètres de là, sous l’ombre des arbres qui font face aux jardins de la préfecture. Une présence qui a attiré la compassion de nombre de passants. « De la nourriture, de l’eau, des vêtements, une couverture, une bâche pour nous protéger du soleil, etc., énumère Aman. Les gens nous ont apporté leur aide. Nous tenons à les remercier. »
Demandes d’asile déposées
Certains se sont même proposés pour emmener le groupe à Orléans, où tous ont ainsi pu déposer leurs dossiers avec, à la clé, une attestation de demande d’asile valable un mois, renouvelable, le temps que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) n’instruise la demande.
Depuis hier, ils ont même pu dormir dans des tentes, achetées et prêtées par l’association Droit au logement (Dal 36) qui a décidé d’agir. Selon l’association, la préfecture a pris connaissance de la situation des six Afghans, mais n’a pas pu proposer d’autre solution qu’un appartement à Issoudun. « Ce n’était que pour trois personnes et, de toute façon, ils n’ont pas d’argent pour y aller », remarque Dominique, du Dal 36.
Depuis hier après-midi, une banderole de l’association, accrochée à proximité du campement de fortune, interpelle les passants : « Pas de vie sans toit. Réquisition des logements. »
Bertrand Slézak

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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