Le Tafta n’est pas si mort que ça…

Le Canard Enchaîné – 07/09/2016 – Jean-Luc Porquet –

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Définitivement enterré, ou seulement un peu ? Juste pour voir venir ? A en croire Matthias Fekl, le secrétaire d’État français au Commerce, c’est clair : puisque les Américains « ne nous donnent rien, ou alors des miettes, la France veut l' »arrêt pur, simple et définitif » du Tafta, et elle va le demander officiellement fin septembre (RMC, 30/08). Le Tafta, rappelons-le,est ce projet de traité libre-échange que l’Union européenne et les États-Unis ont commencé à négocier en février 2013. Traité dont on nous a promis qu’il apporterait des milliers d’emplois et  retour de la croissance…
Comment ? Pas en supprimant les barrières douanières déjà quasi inexistantes en matière commerciale, mais en établissant des normes communes entre l’Amérique et l’Europe, lesquelles représentent 45 % de la richesse mondiale. Obama, qui est à l’initiative du Tafta et rêve toujours de le signer avant de quitter la Maison-Blanche, a agité d’emblée cette menace : soit nous nous entendons entre nous, soit la Chine conquérante nous imposera ses normes, forcément à la baisse. Curieux pour le président d’un pays dont les plus mastodontesques entreprises, comme Apple ou Nike, font fabriquer là-bas tous leurs produits : visiblement, les normes chinoises en matière de salaires minables leur conviennent parfaitement…
Des activistes transportent un «poulet chloré», près de Munich, où se tient la Fête de la bière, le 1er octobre 2014, pour protester contre le traité de libre-échange transatlantique (Tafta).Des activistes transportent un «poulet chloré», près de Munich, où se tient la Fête de la bière, le 1er octobre 2014, pour protester contre le traité de libre-échange transatlantique (Tafta). Photo Michaela Rehle. Reuters
Mais quelles normes – sociales, sanitaires, environnementales – veulent donc « harmoniser » Américains et Européens, et comment ? C’est ici qu’on entre dans le flou, le non-dit, l’opaque. Quatorze « rounds » de négociations, comme ils disent, ont déjà eu lieu, et nul ne sait vraiment ce qui se négocie. Normal, c’est comme ça pour tous les traités internationaux, affirment les amateurs de traités internationaux. Anormal, dangereux, complètement antidémocratique, déclarent les autres, écolos, associations, partis ancrés à gauche et à l’extrême gauche – mais aussi partis nationalistes. Pour rassurer tous ces sceptiques, les négociateurs européens ont juste promis qu’ils resteraient fermes sur le poulet au chlore américain : il ne passera pas ! Pour le reste… 

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En mai, Greenpeace avait fait fuiter 248 pages de documents de négociations confidentielles, ce qui avait beaucoup énervé Cecilia Malmström, la commissaire européenne au Commerce. Certes, elle le reconnaissait, pas une seule fois n’y figure, par exemple les termes « principe de précaution », lesquels permettent d’interdire en Europe des produits qui menacent la santé ou l’environnement avant même qu’un consensus scientifique soit trouvé, par exemple sur les OGM ou le bœuf aux hormones. Mais c’est juste pour ne pas fâcher les Américains ! Nous autres Européens y sommes très attachés, au principe de précaution ! Il se trouve dans les textes, mais en filigrane ! c’est ça, négocier. Faut ruser. Faites-nous confiance.
Juste après le niet de Matthias Fekl, la commissaire européenne a réaffirmé que son objectif restait de signer le Tafta « avant la fin du mandat Obama« . Tiens donc. Quant à Hollande, s’il ne dit pas vouloir « cultiver cette illusion« , il s’est montré beaucoup moins tranchant que son secrétaire D’État sur l' »arrêt définitif » des négociations. Tiens donc… Le Tafta serait-il aussi mort et enterré que la centrale de Fessenheim est fermée ? 

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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