Le nouveau rendez-vous politique de France 2 – Léa Salamé « aboie » sur Sarkozy ? Non, elle lui a fait peur et c’est la bonne méthode

L’Obs LE PLUS  17-09-2016 Par Olivier Picard Chroniqueur politique
Sur Bygmalion, ils ont été trop tendres, laissant leur proie enfumer tout le monde et échapper au piège alors qu’il est bel et bien poursuivi par la justice.
LE PLUS. « L’Émission politique », le nouveau rendez-vous politique de France 2, est-il trop virulent ? Si l’on en croit les militants LR, qui ont regardé cette longue interview de leur chef par Léa Salamé et David Pujadas, c’est le cas. Ils n’ont pas supporté de voir Nicolas Sarkozy malmené, au point d’accuser la journaliste « d’aboyer ». Pourtant, pour Olivier Picard, elle n’a fait que son travail.
 « Qu’elle arrête d’aboyer ! » Sur les réseaux sociaux Les militants sarkozystes ont sorti la cravache vite fait pour flageller la journaliste qui avait osé  prendre leur champion à la gorge – verbalement s’entend. Léa Salamé n’a pas « aboyé ». Elle a simplement fait, bien fait, vigoureusement fait son travail face à un candidat qui, une fois de plus, n’a reculé devant aucun truc de voyou médiatique pour, d’un tournemain, faire disparaître les questions gênantes.

French journalists and TV hosts David Pujadas (L) and Lea Salame (C) sit with their guest former French president and candidate for the right-wing Les Republicains (LR) party primary ahead of the 2017 presidential election, Nicolas Sarkozy (C), on a TV set before taking part in  the new show "L'Emission politique" (The Politics Show) on French TV channel France 2, on September 15, 2016, in Saint-Cloud, west of Paris. / AFP PHOTO / Thomas SAMSON

Petits mensonges et dents qui grincent
On connait les ficelles du professionnel : caricature préventive et abusive du propos de l’adversaire pour mieux le discréditer, mensonge éhonté sur ses déclarations passées, sous-entendus grossiers mettant en cause la neutralité d’un interrogateur un peu trop efficace, statistiques détournées, citations tronquées, omissions calculées, indignation simulée, colère surjouée… Hier soir, tout cet arsenal y est passé.
« C’est mon émission », s’énerve Nicolas Sarkozy face à Léa Salamé #LEP pic.twitter.com/qIEiF24AUy — Jean-Luc Testault (@jltestault) 15 septembre 2016
Nicolas Sarkozy a ainsi pu recycler des reniements en adaptations, des volte-face en petits pas de côté, une mise en examen pour un dépassement présumé de 23 millions d’euros des comptes de campagne d’un président de la République sortant en une modeste petite étourderie d’un honnête homme, une spectaculaire conversion climatosceptique en une inflexion aussi légère qu’un petit nuage, des propos à tonalité islamophobe pour la voix la majorité silencieuse etc. Le tout avec un culot incroyable.
Avec lui, l’agressivité gratuite n’est pas efficace
À chaque pirouette, on se dit : cette fois, il ne va pas s’en sortir. Et il s’en sort. Avec cette mauvaise foi d’enfer qui, contre toute raison politique, lui permet jour après jour de regagner du terrain sur le bon élève Alain Juppé, fidèle, lui, à sa sagesse, mais d’un ennui mortel. Et tellement lisse qu’il n’inspire rien, ni désir, ni dégoût.
Sarko, lui, a un estomac de boxeur poids lourd, capable d’encaisser beaucoup, de cogner dur, de faire le gentil, et de mentir comme un arracheur de dents, avec un appétit de pouvoir pour dévorer ses adversaires un à un sur son chemin de retour vers l’Elysée.
Quand il a faim, un fauve politique de ce genre n’a aucune chance d’être mis en danger par une parole tranquille : il avale les mots déplaisants, matois, et les digère. L’agressivité gratuite n’est pas plus efficace : il devient alors méchant. Une furie intérieure que trahit (regardez en replay) un nouveau tic quand il est hors de lui. Un coin de sa lèvre supérieure se retrousse spasmodiquement. Un mauvais rictus qu’il contrôle difficilement mais – conscient de ses failles – il envoie un sourire la seconde d’après pour rétablir une (fausse) complicité, une bonne humeur de façade, une connivence frelatée. Un pro du maquillage, on vous dit !

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Ce vendredi matin, les commentaires ont parlé d’une « grande tension » entre l’ex et ses interlocuteurs. Bof, rien de bien explosif… Mes valeureux confrères l’ont asticoté, certes, mais ils ont été au final plutôt inoffensifs, anesthésiés à l’usure par les tours de passe-passe de l’artiste et presque indulgents pour ce bonimenteur qui va toujours plus loin.
Léa Salamé l’a défié psychiquement
Ils s’arrêtent toujours trop tôt avec lui. Lâchent le morceau trop vite. Sur Bygmalion, par exemple, ils ont été trop tendres, laissant leur proie enfumer tout le monde et échapper au piège alors qu’il est bel et bien poursuivi par la justice, sous l’épée de Damoclès d’un possible renvoi en correctionnelle. Et pas sur la base de rumeurs infondées.
 Sauf Léa Salamé. Elle a su tendre au « Français de sang mêlé » de 2007, le miroir qui lui renvoie en pleine figure sa métamorphose disgracieuse en réactionnaire populiste façon Trump. Elle l’a défié physiquement, engageant un combat sans concession, coupant sa parole avant qu’elle ne dégage du chloroforme. Les yeux dans les yeux, pour le coup. Mais ce fut un des rares moments de vérité de cette Emission politique qui ressemble à DPDA en encore plus classique avec un Pujadas, désormais vintage et toujours accroché au fauteuil, comme le lui a fait malicieusement fait remarquer Charline Vanhoenacker.
La carte blanche de « la belge la plus française du royaume » @charlineaparis #LEP https://t.co/Y8pUiCsMnP— L’Emission politique (@LEPolitique) 15 septembre 2016
Non, Léa Salamé n’est pas mal élevée et elle est restée polie, d’ailleurs. Comme elle l’avait déjà fait avec François Hollande, elle utilise la méthode forte, la seule adaptée à un caïd comme Sarkozy qui, comme tous les vrais caïds, ne respecte que le rapport de forces. Cette fois, il avait le temps pour lui, et le savait, à l’aise dans ces face-à-face successifs trop courts pour être consistants et qu’il a pu déguster comme des amuse-gueules, quand il aurait fallu laisser Léa Salamé (qui a perdu de précieuses minutes avec cette histoire mal ficelée de Constitution) le cuisiner dans la durée.
Avec son mièvre happy end – « Vive la politique » – (c’est à hurler), « L’Émission politique », comme tous les programmes du genre qui l’ont précédé, est décidément trop aimable avec ses invités. Invariablement, ils détournent la recette à leur avantage. À la fin, d’ailleurs, ils rient toujours. Et jamais jaune. Ne partent jamais en claquant la porte, d’un bonsoir furibard. C’est louche, vous ne trouvez pas ?
Édité par Henri Rouillier  Auteur parrainé par Aude Baron
Europé 1 17/09/2016
Nicolas Sarkozy dénonce « l’arrogance » de L’émission politique de France 2 (et se réjouit de sa prestation)
L’ancien ministre de l’Intérieur, ancien chef de l’Etat, l’ancien conférencier international a joué, lors de la première de L’émission politique sur France 2, la stratégie de la victimisation face à un plateau qu’il s’est plu à dépeindre comme hostile.
Ces saillies font suite à une petite embrouille entre l’entourage de l’ancien président de LR et la direction de France Télévisions au sujet de la diffusion d’un reportage de France 2 potentiellement explosif sur l’affaire Bygmalion. Un reportage qui sera diffusé fin septembre, le temps que les journalistes d’Envoyé Spécial finalisent leur enquête.

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L’émission politique (France 2) : Sarkozy juge Léa Salamé et David Pujadas d’arrogants
19/09/2016 – Lors d’un meeting dans les Alpes Maritimes ce vendredi, Nicolas Sarkozy est revenu sur sa participation à « L’émission politique » sur France 2. L’ancien chef de l’Etat n’a pas forcément apprécié la manière dont il a été reçu par David Pujadas, Léa Salamé et Karim Rissouli.
Note : mais quel culot. Là,  pas de cour, pas de groupies … ?

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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