Pub et narcissisme

La Décroissance – septembre 2016 – Jean-Luc Coudray / Dominique Lachosme –
On dénonce avec raison l’infantilisation du citoyen par la publicité. En effet, la réduction de sa conscience au plaisir immédiat, sans projection dans l’avenir et sans esprit critique, l’enferme dans un narcissisme béat. Mais il ne faut pas oublier non plus le narcissisme structurel de l’industrie publicitaire elle-même. 
ob_70dd02_publicite-3suissesL’habitude nous masque le surréalisme de notre société envahie de messages d’autosatisfactions et de d’autoproclamations. La publicité, ce sont des marques qui prétendent qu’elles sont meilleures que les autres, comme les gamins dans les cours de récréation. La course effrénée au bénéfice et à la puissance témoigne d »un archaïsme du développement de l’individu. Ce prédateur est resté au stade du fantasme de possession et de toute puissance du nourrisson qui ‘a pas encore le sens de la loi et des limites.Cette dimension narcissique des multinationales s’exprime dans les dépenses délirantes que ces entreprises, qui pourtant calculent au centime près, sont prêtes à engloutir pour dorer leur image.
Infantilisation générale
Les deux budgets les plus importants du monde, qui sont celui de l’armement et ensuite celui de la publicité, correspondent aux deux fantasmes de la puissance et de l’image de soi. Ainsi, il s’avère que le narcissisme n’atteint pas uniquement les dominés du système, infantilisés par la propagande publicitaire, mais aussi les dirigeants. La preuve de cette infantilisation est qu’ils ont accepté de se soumettre à la dictature du marché et aux aléas de la Bourse, renonçant à diriger quoi que ce soit. On peu s’interroger sur l’origine de cette pathologie qui touche autant les bourreaux que les victimes…
jaime-ma-banque-fortuneo-160x130N’oublions pas que nous vivons dans un monde technicien. Avant d’être dépossédés de notre pensée par la publicité, la culture de masse, la société du spectacle et l’industrie du divertissement, nous avons été défaits de nos savoir-faire. Impossible de boire sans robinet, abonnement à la Lyonnaise des Eaux, compte bancaire, domicile officiel. Chaque geste nous soumet au diktat d’un champ technique, à la fois technologique et organisationnel, parfaitement centralisé. Cette dépossession du rapport aux choses infantilise chacun même les dominants. Parce que, plus quelqu’un réussit, gagne de l’argent, obtient du pouvoir, plus il devient dépendant du système technicien.
Ainsi , l’infantilisation est générale. Et si les narcissiques internationaux infantilisent les citoyens avec leur propagande, c’est peut-être parce qu’ils ne supportent pas chez les gens une maturité qui leur échappe. Quand on dit que nous sommes une civilisation de l’image, il faudrait préciser : de l’image de soi.
La « joie de vivre » dans tout ça ? C’est ce « flux mystérieux » qui par moments nous saisit en contemplant la voie lactée par une belle nuit d’été, loin de la civilisation. Lorsque l’on échappe un instant à ce monde de la marchandise et que l’on mesure tout le plaisir qu’il y a à le combattre, une chose est certaine : cette joie là est inaccessible aux chasseurs de Pokemons.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Consumérisme, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.