Toussaint 2016 – Huit cimetières qui valent le voyage

Sépultures de personnages célèbres, curiosités architecturales, allées arborées… les cimetières recèlent de nombreux trésors. Nous en avons sélectionné huit, en France et ailleurs.
Le Monde | 27/10/2016 |
Bien sûr, il y a la Vallée des Rois, en Egypte, ou le Taj Mahal, en Inde. Mais qui dit tombeaux ne dit pas forcément cimetières. Lieux ouverts, villes des morts dans les villes des vivants, jardins et promenades, les cimetières sont tout cela à la fois.
Certains d’entre eux méritent bien plus que la visite rituelle du jour des défunts, le 2 novembre – jour officiel de la Fête des morts en Europe. Il existe d’ailleurs une association européenne des cimetières remarquables, l’ASCE (Association of Significant Cemeteries in Europe), qui regroupe 22 pays et pas moins de 179 cimetières.
Le plus poétique : Sète

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C’est le poème de Paul Valéry, Le Cimetière marin, qui rendit caduc le premier nom du plus ancien cimetière de Sète, construit en 1843 sous le nom de cimetière Saint-Charles. Des années plus tard, Georges Brassens, dans une célèbre ritournelle où il dit lui préférer la plage de la Corniche comme dernière demeure, en conteste d’ailleurs le caractère maritime : « Déférence gardée envers Paul Valéry, Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris, Le bon maître me le pardonne. Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens, Mon cimetière soit plus marin que le sien. »
Valéry eut des obsèques nationales en juillet 1945, et il repose dans le tombeau de sa famille maternelle, d’origine italienne. Si sa tombe est bien la vedette du Cimetière marin, Georges Brassens, lui, repose sous un cyprès – et non un pin parasol, comme demandé dans sa Supplique – en face de l’Espace qui lui est consacré, dans l’autre cimetière de Sète, plus populaire, le cimetière Le Py.
Le Cimetière marin est celui des bourgeois : familles belges, suisses, italiennes, les caveaux racontent les vagues d’immigration, et les protestants se mêlent aux catholiques. En visitant ces morts, on profite d’une admirable vue sur la Méditerranée, et on se souvient des vers de Valéry : « La mer, la mer toujours recommencée !/O récompense après une pensée/Qu’un long regard sur le calme des dieux ! » Le vendredi 28 octobre, le festival 22V’laGeorges organise une visite intime des lieux de séjour de Brassens à Sète, guidée par des Sétois.
Tourisme-sete.com
Le (faux) plus grand : Limoges

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Non, le cimetière de Louyat, à Limoges, n’est pas le plus grand de France. Ses 34 hectares ne pèsent pas lourd face aux 107,6 hectares du cimetière parisien de Pantin, qui occupe la première marche de ce drôle de podium. Mais alors, d’où vient la légende ? Du cinéma, et plus précisément d’un dialogue du film de Patrice Chéreau, Ceux qui m’aiment prendront le train, une histoire de famille rassemblée à l’occasion d’un enterrement, tournée en partie au milieu des 40 000 tombes du cimetière municipal de Limoges. Au nord de la ville, le long de la rivière Aurence, cette mer de tombes offre un paysage incroyable, comme une cité HLM miniature, qui donne beaucoup de crédibilité à sa réputation usurpée. On y trouve des tombes de porcelainiers (la famille Haviland, Léonard Bernardaud), celle du peintre nabi Paul-Elie Ranson et, dans la petite section juive, celle du cinéaste François Reichenbach, mort en 1993.
Limoges-tourisme.com
Le plus visité : le Père-Lachaise, à Paris

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C’est une des attractions de la Ville Lumière. Avec plus de 3 millions de visiteurs par an, le Père-Lachaise est le cimetière le plus visité au monde. Situé au nord-est de Paris, dans le 20e arrondissement, il doit son nom au confesseur de Louis XIV, l’abbé François d’Aix de La Chaise. Mais ses 44 hectares et ses 70 000 concessions en font surtout une admirable balade, en toutes saisons, entre parc à l’anglaise et name dropping. Car il y a du monde au Père-Lachaise, et du beau : de A comme Apollinaire à W comme Oscar Wilde, les personnalités du monde des arts, de la politique ou des sciences se bousculent six pieds sous terre.
Caveaux gothiques, tombes haussmanniennes, petites colonnades à l’antique, l’architecture est éclectique, et l’imagination sans borne. Erotique – la tombe du journaliste Yvan Salmon, dit Victor Noir (1848-1870), fait l’objet d’un culte –, le Père Lachaise raconte aussi un des derniers grands drames de la capitale. A partir de 1988, avec notamment Jean-Paul Aron et Guy Hocquenghem, les morts du sida sont accompagnés par leurs amis au crématorium à un rythme tragiquement soutenu.
Cimetière du Père-Lachaise, 16, rue du Repos, 75020 Paris. Pere-lachaise.com
Le plus émouvant : Auvers-sur-Oise

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L’image est poignante, et il doit falloir un cœur de pierre pour ne pas être saisi par l’émotion face à ces deux stèles symétriques gravées de noir : à gauche, il est écrit « Ici repose Vincent Van Gogh – 1853-1890 », à droite « Ici repose Théodore Van Gogh – 1857-1891 ». Nous sommes au cimetière d’Auvers-sur-Oise, un petit village du Val-d’Oise, à 30 km au nord de Paris. Van Gogh y vécut les derniers mois de sa vie, et il y peint plus de 70 toiles, considérées comme autant de chefs-d’œuvre.
Le cimetière est de ceux que l’on visite pour un nom, et ici deux prénoms. En hommage, en pèlerinage, mais aussi pour visiter Auvers et ses rues chargées d’histoire : dans le village, la maison du docteur Gachet et l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, qui ont servi de sujets au maître, se visitent toujours. Il faut aller à Auvers après avoir lu les Lettres à Théo, de Vincent Van Gogh, publiées pour la première fois en 1914 par la veuve du jeune frère du peintre. Elles disent toute l’affection qui liait ces deux Néerlandais qui moururent en France, un pays qui n’était pas le leur, mais qui fut celui de leurs courtes vies.
Auvers-sur-oise.com
Le plus « carte postale » : Boulbon

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Imaginez une terrasse sur le Rhône. Sur la rive gauche du fleuve, entre Avignon et Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, le village de Boulbon est logé dans un creux, une petite falaise entre pins et cigales. A Boulbon, les morts dorment au-dessus des vivants, en haut du village. A l’entrée du cimetière, la jolie chapelle Saint-Marcellin, construite au XIe siècle, a la simplicité tranquille de l’architecture romane provençale.
ET AUSSI…
A Gênes, le cimetière monumental de Staglieno

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genes_3_0009C’est sans doute le cimetière le plus spectaculaire d’Europe : le nombre de statues au mètre carré est impressionnant ! Ces figures humaines, hommes, femmes, enfants, figées dans la souffrance et le chagrin, forment un peuple fantôme proprement saisissant. Staglieno dit (presque) tout de l’Italie, de son histoire et de son rapport monumental à la mort. La ville de Gênes est, par ailleurs, une destination idéale pour s’échapper deux ou trois jours. Tous les week-ends, vous pouvez visiter le centre historique de la ville et certains palais des Rolli, inscrits par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité en 2006. Les visites ont lieu en français.
Visitgenoa.it
A Prague, le vieux cimetière juif et son chaos

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old_jewish_cemetery_prague-662x463Le vieux cimetière juif de Prague est régulièrement classé parmi les plus beaux cimetières du monde. Il faut dire que ce chaos de pierres debout inclinées par la neige et le temps, dans l’ancien quartier juif de Josefov – dans la vieille ville –, ressemble plus à une installation d’art contemporain ou à un cimetière de dessin animé qu’au Père-Lachaise. Utilisé par la communauté juive entre la fin du XVe et la fin du XVIIIe siècle, il rassemble plus de 10 000 tombes. C’est parce que les nazis voulaient faire de Prague un « musée de la race disparue » que beaucoup de monuments juifs de la ville, dont le vieux cimetière, ont survécu à la guerre. Emotion anachronique, sa visite rappelle immanquablement le souvenir des 80 000 juifs de Bohème et de Moravie morts en déportation pendant la Shoah.
Jewishmuseum.cz
A Brooklyn, Green-Wood regarde Manhattan de haut

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greenwood_valentine_sLes films d’Hollywood ont fait des cimetières américains des images symboliques des Etats-Unis. Battle Hill est le plus haut point de Brooklyn, et cette colline plantée de tombes est l’attraction du très beau cimetière de Green-Wood, à New York. Magnifique jardin anglais où les animaux vivent en liberté, Green-Wood est un lieu de promenade typiquement new-yorkais, d’où on a une vue parfaite sur l’île de Manhattan. Mémorial de la guerre de Sécession, caveaux gothiques comme dans Batman, tombes de Jean-Michel Basquiat ou de Leonard Bernstein, les raisons ne manquent pas d’aller jusqu’à Green-Wood par le train. Une des plus jolies balades de la ville.
Green-wood.com
Thomas Doustaly Journaliste au Monde

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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