L’Obs – 01/11/2016 –
Leonardo DiCaprio a mis gratuitement en ligne son documentaire « Avant le déluge ». Pendant trois ans, l’acteur a rencontré scientifiques, décideurs politiques et acteurs locaux, et a cherché des solutions contre le réchauffement climatique. Un cri d’alarme brillant à voir absolument, selon l’auteur Fréderic L’Helgoualch.
Pour son documentaire « Avant le déluge », Léonardo DiCaprio s’est entretenu avec Barack Obama. (Capture d’écran « Avant le déluge »)
Si son père, vendeur de bandes-dessinées underground, avait eu des goûts décoratifs plus conventionnels, peut-être la conscience du monde de Léonardo DiCaprio en aurait-elle été amoindrie. « Le Jardin des délices« , de Jérôme Bosch (peint vers 1500), a en effet accompagné chaque soir les rêveries et les cauchemars de l’enfant qu’il était, puisque le tableau était accroché sous forme de poster au-dessus de son lit. Le tryptique religieux représente dans un premier panneau un Eden heureux et stable. Le second illustre les péchés capitaux qui s’installent. Puis le troisième : le paradis détruit, irrémédiablement sali. Un paysage tourmenté, corrompu, dénaturé, annonciateur de l’Apocalypse imminente.
Le documentaire « Avant le déluge », produit par l’acteur et visible gratuitement en 45 langues depuis dimanche 30 octobre (en collaboration avec National Geographic) sur Dailymotion et Youtube, démarre par cette anecdote personnelle. Le monde aujourd’hui, s’il devait s’illustrer dans l’un de ces panneaux, s’incarnerait sans doute dans le dernier.
« Les terres du Mordor »
« On dirait les terres du Mordor », lance ainsi un DiCaprio effondré en survolant, à Alberta (États-Unis) une zone d’extraction de sables bitumeux, où l’on récupère le pétrole sablonneux. La technique, la plus dévastatrice existante, est utilisée par Shell et Exxon. Son interlocuteur ne relève pas, indifférent à la poésie de Tolkien. Forêts abattues, lacs et étangs empoisonnés, bio-diversité détruite, population locale mise en danger : le coût réel de l’exploitation de la mine est inchiffrable.
Pendant deux ans, la super-star a écumé le monde afin de filmer les ravages du changement climatique et de la surconsommation énergétique.
Le charbon, le pétrole, le gaz naturel : telles sont les énergies fossiles sur lesquelles les USA, par exemple, s’appuient. Or, comme le rappelle un expert interviewé, « il n’existe pas d’énergie fossile propre. »
Explosion de montagnes pour extraire le charbon, fracturation hydraulique pour le gaz naturel, forage offshore pour le pétrole : la surconsommation a un prix, mais nous ne serons bientôt plus solvables.
De Ban Ki-Moon aux acteurs locaux
Si le statut de l’acteur lui a permis d’obtenir des têtes-à-têtes avec Ban Ki-Moon, le pape François (à qui il offre d’ailleurs un livre illustré par le fameux « Jardin des Délices »), John Kerry et même Barack Obama, ce ne sont pas forcément les rencontres les plus intéressantes. Celles avec les acteurs locaux le sont davantage.
Par exemple avec le directeur de la politique énergétique chinoise, qui nous apprend que la Chine, pourtant très dépendante aussi des énergies fossiles (et souvent pointée du doigt en terme de pollution), s’oriente bien plus vite que les États-Unis vers le renouvelable comme le solaire. Pourquoi ? Tout simplement car la pollution liée à l’activité humaine (air irrespirable dans les grandes villes, explosion des cancers…) est directement ressentie dans leur quotidien par les Chinois et devient la première cause de manifestations et de soulèvements.
En terme d’adaptation, il ne faut pas compter sur l’altruisme des politiques, mais bien sur la pression populaire (et donc sur la prise de conscience) : tel pourrait être le message du documentaire.
De même, cet échange avec l’indienne Sunita Narain (l’Inde : est le 3e pollueur mondial) qui pointe du doigt l’hypocrisie des Occidentaux envers les pays en développement pour qui la croissance rapide est le but ultime. Comment culpabiliser ceux qui veulent sortir de la pauvreté, alors que les premiers sont eux-mêmes tellement en retard dans le développement de méthodes alternatives et ne veulent surtout pas changer leur mode de vie destructeur ?