Ukraine – l’Europe ne doit pas se dérober / 18e sommet UE-Ukraine : un sommet « en demi-teinte »

Editorial. Craignant que son pays ne soit sacrifié sur l’autel du réalisme face à la Russie, le président Petro Porochenko se rend jeudi à Bruxelles pour plaider la cause de l’Ukraine.
Le Monde | 23.11.2016
Editorial du « Monde ». Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler ce qui, il y a trois ans, le 21 novembre 2013, a amené les Ukrainiens à se soulever. Ce jour-là, Viktor Ianoukovitch, alors président de cette ex-République soviétique, rejette abruptement l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne, une semaine avant sa signature, prévue à l’occasion d’un sommet européen à Vilnius. Il propose, à la place, la création d’une commission commerciale tripartite avec la Russie.
Cette décision jette spontanément les Ukrainiens dans la rue. A Kiev, les manifestants se réunissent à Maïdan, la grand-place du centre de la capitale, qu’ils parent de drapeaux aux couleurs de l’UE. Ils ne vont plus la quitter pendant quatre mois. En décembre, M. Ianoukovitch se rend à Moscou, où Vladimir Poutine lui promet un prêt de 15 milliards de dollars pour sceller un accord de rapprochement économique avec la Russie.
Le conflit se poursuit
L’insurrection contre le régime corrompu s’étend en Ukraine, se transforme en « révolution de la dignité » et aboutit en février, au prix d’une centaine de morts, au renversement du régime de M. Ianoukovitch, qui s’enfuit en Russie, où il vit toujours. En mars 2014, M. Poutine annexe la Crimée. Dans le sud-est de l’Ukraine, la guerre éclate entre l’armée ukrainienne et les rebelles séparatistes appuyés par des forces russes. Les Etats-Unis et l’UE décident de lourdes sanctions économiques contre la Russie.
Trois ans et près de 10 000 morts plus tard, le conflit se poursuit et les accords de Minsk, conclus entre Kiev et Moscou pour y mettre fin, sous l’égide de Berlin et de Paris, ne sont toujours pas pleinement appliqués.
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Jeudi 24 novembre, Petro Porochenko, élu président en 2014, se rend à Bruxelles pour plaider la cause de l’Ukraine. A Kiev, l’humeur n’est pas au beau fixe. L’élection de Donald Trump et ses ouvertures à l’égard de M. Poutine font craindre aux Ukrainiens que leur pays ne soit sacrifié sur l’autel du réalisme. La perspective de voir un autre homme favorable à Vladimir Poutine, François Fillon, se présenter à l’Elysée dans une élection où une admiratrice déclarée du président russe, Marine Le Pen, est déjà candidate, ajoute à l’inquiétude.
Sanctions contre Moscou
Aux Pays-bas, les électeurs ont rejeté l’accord d’association avec l’Ukraine au cours d’un référendum. Des partisans du rapprochement avec la Russie ont récemment été élus à la tête de la Moldavie et de la Bulgarie. Plus grave sans doute, plusieurs personnalités réformatrices importantes de l’équipe ukrainienne au pouvoir ont jeté l’éponge ces derniers mois, avouant leur impuissance face au système de corruption, hérité du soviétisme, et accusant M. Porochenko, au mieux, de passivité dans ce combat.
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A Berlin, le 18 novembre, le président Obama a pris les devants et, avec les dirigeants européens réunis autour de lui, il a réaffirmé la nécessité des sanctions contre Moscou. Il voudrait parvenir à un règlement de la crise ukrainienne avant la fin de son mandat, en janvier, car il sait que la souveraineté de l’Ukraine ne figurera pas au rang des priorités de son successeur.
Le délai est court : c’est donc sur l’Europe que risque de reposer désormais cette responsabilité. Elle ne doit pas s’y dérober. L’Union a su, depuis trois ans, se montrer remarquablement solidaire sur ce dossier, dont les enjeux portent sur des questions existentielles et les valeurs qu’elle défend. Quelles que soient les difficultés, les Européens ont tout intérêt à réaffirmer cette solidarité.
Le Monde 25/11/2016 : Ukraine-UE, un sommet « en demi-teinte »
Le président ukrainien, Petro Porochenko, s’est rendu à Bruxelles jeudi pour le 18e sommet UE-Ukraine. Un sommet qui s’est déroulé presque trois ans jour pour jour après le soulèvement proeuropéen de la place Maïdan à Kiev, qui avait provoqué un changement de régime dans le pays. RTBF

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Le président ukrainien Petro Porochenko, entouré par le président du Parlement européen, Martin Schulz (à gauche), le président du Conseil européen, Donald Tusk (troisième à droite) et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en ouverture du sommet, à Bruxelles, le 24 novembre. EMMANUEL DUNAND / AFP
« Depuis, on a l’impression que l’enthousiasme des Européens pour l’Ukraine est nettement retombé. Derrière les sourires et les accolades de circonstances, on sent que l’ambiance de ce sommet est un peu plombée », relève ce média belge.
Les dirigeants des institutions européennes ont assuré que l’UE resterait intransigeante à l’égard de la Russie, accusée d’entretenir la guerre civile dans l’est du pays. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est exprimé en faveur de la prolongation des lourdes sanctions économiques qui visent Moscou depuis son annexion de la Crimée en mars 2014. Suissinfo.ch
L’autre sujet sensible pour les 45 millions d’Ukrainiens évoqué hier est l’exemption de visas pour les séjours dans l’UE. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a promis sa mise en œuvre effective « avant la fin de l’année », alors que les 28 en ont approuvé le principe le 17 novembre. Mais qu’en sera-t-il dans les faits ?
A l’agenda du sommet figurait aussi le sujet de l’avenir de l’accord d’association UE-Ukraine. L’accord a été ratifié par 27 Etats membres mais son application reste menacée par le vote des Néerlandais, qui l’ont rejeté par référendum en avril.
  1. Porochenko a insisté sur l’importance de trouver une solution politique au problème du référendum néerlandais, rappelant que la révolution de la place Maïdan en 2013 avait justement commencé lorsque l’ancien régime a rejeté ce pacte de l’UE. EU Observer
Enfin, Kiev n’a pas réussi à obtenir une nouvelle tranche d’aide de 600 millions d’euros, très attendue, parce qu’il n’a pas rempli toutes les conditions requises (l’interdiction de l’exportation du bois brut n’a notamment pas été levée). En revanche, l’UE devrait verser à l’Ukraine 15 millions d’euros dans le cadre de la lutte contre la corruption et 104 millions pour réformer la fonction publique. Oukraïnska pravda
Pour autant, il ne faut pas considérer ce sommet comme un échec pour l’Ukraine, cherche à relativiser ce journal en ligne, constatant que sur tous les dossiers cruciaux pour le pays ont été trouvées des « décisions en demi-teinte », ne permettant certes pas à M. Porochenko de revenir chez lui avec de grandes annonces.
Contrairement à l’Ukraine, où on a tendance à « sacraliser » les sommets, l’approche européenne est bien plus pragmatique, poursuit ce journal. Il faudrait donc considérer ce sommet comme une réunion de travail ordinaire qui a quelque peu déçu les attentes ukrainiennes.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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