Inde – Bombay : Dernier hiver pour les flamants roses

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Un viaduc qui reliera le centre de la mégapole à un nouvel aéroport va être construit dans la mangrove.

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Le gouvernement Modi a autorisé la destruction de cent nouveaux hectares pour construire un aéroport
Le Monde | 11.11.2016  | Par Intérim (Bombay, correspondance)

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Les ornithologues scrutent le ciel de Bombay. Quelques phœnicoptéridés auraient été aperçus, jeudi 10 novembre, volant en altitude au-dessus de la capitale économique de l’Inde, signe que l’arrivée massive des flamants roses est imminente.

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Comme tous les ans à la mi-novembre, les pêcheurs de la baie qui a donné son nom à la mégapole pourront bientôt contempler le spectacle étonnant de 40 000 oiseaux plantés à marée basse dans la boue de Sewri, une localité au sud-est de la ville, telles des ballerines au repos, alors que la ligne d’horizon toute proche est hérissée d’innombrables torchères de raffineries. Ces volatiles font la fierté d’une ville plus habituée à lire dans les guides touristiques des horreurs sur son niveau de pollution que des louanges sur les petites merveilles animales et végétales qu’elle abrite encore.

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Les flamants roses viennent du Gujarat. Ils sont à 90 % de l’espèce naine, très répandue en Inde et en Afrique subsaharienne, le reste étant les grands flamants que l’on retrouve dans le sud de l’Europe. L’été, pendant que la mousson s’abat sur Bombay, ils s’adonnent à leurs amours dans le désert de sel de Kutch, qui chevauche la frontière pakistanaise, et dès que les nouveau-nés ont appris à voler, ils migrent en famille vers la grande agglomération insulaire. Mais, cette année, c’est peut-être la dernière fois qu’ils y prennent leurs quartiers d’hiver. Au mois de janvier, les pelleteuses débarqueront dans le marais de Sewri et donneront le coup d’envoi au Trans Harbour Link, un viaduc de 22 kilomètres appelé à traverser la mer, pour relier le centre-ville au futur aéroport dont l’entrée en service, côté continent, est prévue pour fin 2019.
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Les  flamants roses viennent du Gujara

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untitled-bmpinde-flamants-detailsIls sont à 90 % de l’espèce naine, très répandue en Inde et en Afrique subsaharienne, le reste étant les grands flamants que l’on retrouve dans le sud de l’Europe. L’été, pendant que la mousson s’abat sur Bombay, ils s’adonnent à leurs amours dans le désert de sel de Kutch, qui chevauche la frontière pakistanaise, et dès que les nouveau-nés ont appris à voler, ils migrent en famille vers la grande agglomération insulaire. Mais, cette année, c’est peut-être la dernière fois qu’ils y prennent leurs quartiers d’hiver. Au mois de janvier, les pelleteuses débarqueront dans le marais de Sewri et donneront le coup d’envoi au Trans Harbour Link, un viaduc de 22 kilomètres appelé à traverser la mer, pour relier le centre-ville au futur aéroport dont l’entrée en service, côté continent, est prévue pour fin 2019.
60 millions de passagers à terme
L’actuel aéroport Chhatrapati-Shivaji « approche la saturation », assure le cabinet de conseil KPMG. Privatisées il y a une dizaine d’années, les deux pistes se trouvent au beau milieu de Bombay et la densité urbaine ne laisse aucun espace disponible alentour pour une troisième piste. L’infrastructure a bien été dotée d’un terminal flambant neuf en 2014, mais les prévisions de fréquentation avaient été très largement sous-estimées et, en 2015, la baisse des prix du kérosène ayant fait chuter les tarifs des billets d’avion, près de 42 millions de passagers y ont transité, au lieu des 35 millions prévus.

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Un terminal de l’aéroport international Chhatrapati-Shivaji, à Bombay. – David Pearson/REX/REX/SIPA
« C’est clairement l’un des aéroports les plus congestionnés au monde », reconnaît un cadre de la société GVK qui gère la plate-forme. Un argument qui pousse les pouvoirs publics à accélérer la construction d’un deuxième aéroport capable de recevoir, à terme, 60 millions de passagers. Un appel d’offres est en cours et doit aboutir, fin décembre, au choix d’un constructeur. Parmi les entreprises en compétition, on trouve le français Vinci, associé pour la circonstance au conglomérat indien Tata.
A titre de compensation, une réserve de 1 700 ha vient d’être créée un peu plus au nord, pour offrir refuge aux oiseaux
Le marché du viaduc d’accès, lui aussi, doit être attribué à la fin de l’année. Il représente un investissement de 177 milliards de roupies (2,4 milliards d’euros) et sera financé à 80 % par l’Agence de coopération internationale du Japon. Il s’agira du plus long ouvrage d’art maritime jamais réalisé dans le sous-continent. S’il était dans les cartons depuis les années 1970, il a obtenu récemment tous les feux verts nécessaires du ministère de l’environnement, du conservatoire du littoral et du comité consultatif des forêts.

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Avant de s’élancer vers la mer, les travaux vont se dérouler en grande partie dans la mangrove de Sewri. A titre de compensation, une réserve ornithologique de 1 700 hectares vient d’être créée un peu plus au nord, au fond de la baie, pour offrir refuge aux flamants, mais également aux deux cents espèces qui donnent à la région un caractère exceptionnel, selon l’ONG BirdLife International. Parmi elles, l’avocette élégante, l’aigrette à gorge blanche et le bécasseau cocorli, ainsi que des espèces menacées tel que l’aigle criard ou le vautour africain, actuellement en cours de réintroduction à Bombay.

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En outre, le développement anarchique de la ville ayant occasionné la destruction de 40 % des mangroves au cours de la dernière décennie, les 300 hectares nécessaires aux pistes du futur aéroport, ainsi que les 47 hectares requis par le pont, devront donner lieu à des reboisements. Il en va de la protection contre les effets du réchauffement climatique d’une population de 21 millions d’habitants.
« Dialogue scientifique serein »
Les dés, toutefois, ne sont pas encore complètement jetés. « Nous tentons de convaincre la municipalité de déplacer le viaduc de 500 à 700 mètres plus au sud », confie ainsi Isaac Kehimkar. Directeur adjoint de la Société d’histoire naturelle de Bombay (BNHS), ce dernier prône « un dialogue scientifique serein » avec les autorités pour sauver l’habitat des flamants roses. « Cela fonctionne plutôt bien et nous avons une oreille attentive des élus, car aucun électeur ne réside dans cette partie de l’agglomération encore très sauvage », ironise-t-il.

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D’après Isaac Kehimkar, un simple déplacement du tracé du viaduc ferait l’affaire, tant les oiseaux s’avèrent tenaces, face à l’environnement urbain qui les entoure.

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Certes, la mangrove, de l’espèce Avicennia marina, supporte sans broncher les fortes concentrations en métaux lourds, d’où l’importance de la sauvegarder. « Elle fonctionne comme une éponge et forme un bouclier biologique capable de retenir les marées à fort coefficient, de stocker le carbone, de filtrer les polluants et de protéger ainsi une immense biodiversité », rappelle Narayan Vasudevan, conservateur des forêts tropicales pour le compte de l’agence gouvernementale Mangrove Cell.

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Mais les flamants roses montrent, eux aussi, une résistance étonnante. Une sorte d’équilibre s’est mis en place, selon la BNHS : la mangrove fournit nourriture et abris aux oiseaux, lesquels oiseaux, en retour, aident la mangrove à grandir, en lui offrant leurs excréments. « Personne ne sait vraiment pourquoi, depuis la fin des années 1990, les flamants roses viennent à cet endroit précis, raconte Isaac Kehimkar. Il semblerait qu’ils soient attirés par une algue bleue qui prospère grâce au phénomène d’eutrophisation, et par de minuscules crevettes qui vivent cachées dans la boue. »

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Si l’on en croit l’International Journal of Oceanography, le site de Sewri n’est d’ailleurs pas aussi sale qu’on le pense. Au sein des sédiments dans lesquels les flamants roses trouvent à s’alimenter, la concentration en hydrocarbures aromatiques polycycliques tourne autour de 17 nanogrammes par gramme de vase. C’est huit mille fois moins que les pics enregistrés ailleurs à Bombay.
© Le Monde

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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