Education – 10 bonnes raisons d’apprendre le latin – “Les langues anciennes font de meilleurs informaticiens”

L’Obs Publié le 04 /12/ 2016 /
Avec la réforme du collège 2016, le latin et le grec disparaissent comme disciplines à part entière. Mais que vont y perdre les élèves? Revue de détail.
Il n’était pas question, pour Najat Vallaud-Belkacem, de laisser les collégiens français continuer d’apprendre le latin, qui n’était pourtant plus qu’une option. Une «option facultative», comme on disait au ministère, car le ministère aime à redonder. Dans un élan de civisme, elle le réduisit à l’état d’EPI, comprenez enseignement pratique interdisciplinaire. Par exemple, le professeur de latin et le professeur d’arts plastiques pourraient élaborer un cours sur les temples de Rome.

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C’est plus attrayant («attractif», dit le ministère) que les verbes déponents et l’ablatif absolu. Sur huit EPI proposés (environnement, corps, santé et bien-être…), un collégien doit faire au moins six EPI dans sa scolarité, à raison de deux par an, ou trois dans le meilleur des cas. Un EPI doit déboucher sur une réalisation pratique: une expo, un temple en carton, un blog, une affiche (sur tablette, le plus souvent, vu l’emprise de Microsoft sur la Rue de Grenelle).
Mme Vallaud-Belkacem, qui a «fait du latin», et connaît les vertus de cet apprentissage, a déclaré: «Il ne s’agit pas de supprimer un droit ou une possibilité pour quelques-uns. Il s’agit de le généraliser.»
Jacques Drillon  Lire 87 % restants
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“Les langues anciennes font de meilleurs informaticiens”
L’obs 06/12/2016
Emmanuel G., professeur de latin dans un lycée, plaide pour l’efficacité de son enseignement.
« En décapitant l’enseignement des langues anciennes, le ministère se trahit doublement. D’abord il avoue que la fin de l’Education nationale est programmée. Bientôt, il n’y aura plus qu’une vague institution publique, assurant le minimum, et une multitude de petits établissements privés et payants, où les futurs meneurs feront de véritables études. Ensuite, il montre sa volonté de rompre avec le passé. Il ne sait plus que le commémorer. Un anniversaire par-ci par-là…
Pendant vingt siècles, on n’a rien commémoré: on avait l’Antiquité dans le sang. De Montaigne à Baudelaire, de Louis XIII à Léon Blum, les hommes politiques, les savants, tout le monde respirait par le latin et le grec. La fameuse photo de Gide, couché avec son bonnet de nuit, lisant un petit Virgile, dit cela: une intimité, un silence, une méditation, un émerveillement.
Il y a mille manières de détruire le passé: il n’est pas nécessaire de brûler des bibliothèques, il suffit de les vider. Dans cette nouvelle trahison des clercs, je vois la peur que les élèves inspirent. En fait, l’Etat rêve d’une Education nationale sans élèves: ils gênent tout le monde, ils parlent mal, ils sont violents, ils téléphonent, on ne sait plus comment les prendre. Et surtout ils coûtent horriblement cher.
Je vois aussi qu’on veut adapter l’enseignement aux besoins de l’industrie. C’est à la fois criminel et stupide, car ces besoins ne sont absolument pas analysés, pas plus que les moyens de les satisfaire. Les langues anciennes font de meilleurs scientifiques, de meilleurs vendeurs et même de meilleurs informaticiens. Je le sais ! Je fais du bien à mes élèves, à tous !
Laisserons-nous mourir le grec et le latin ?
D’ailleurs, voyez où sont élevés les enfants des petits génies de la Silicon Valley, les enfants des patrons de Google, d’Amazon, de Wikipédia ! Dans des écoles Montessori, des écoles Waldorf: pas de connexion internet, des tableaux noirs, des livres… Vous pouvez être sûr qu’eux ne vont pas faire d’EPI [enseignements pratiques interdisciplinaires] une heure par semaine. Steve Jobs interdisait les écrans à ses enfants. Nous, on nous les impose.»
Propos recueillis par Jacques Drillon

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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