neuf-quinze – l’affaire Cahuzac

neuf-quinze@arretsurimages.eu 09/12/2016.
Cahuzac : peine à moitié pleine ? A moitié vide ?
09h15 – Trois ans ferme ! s’exclame Frédéric Seys, éditorialiste politique sur France Culture. Et il est vrai que ces trois ans ferme, prononcés la veille contre Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale, et omission de déclaration de son patrimoine, provoquent dans l’immédiat, à l’unisson du Monde qui titre sur la « fermeté » de la peine (1), un réflexe de sidération. Trois ans ferme ! Ainsi donc, oui, les politiques peuvent aller en prison. Vraiment en prison. Ferme. Ainsi donc, tout procès intenté contre des puissants, pour des actes de délinquance financière, ne dure pas forcément dix ou vingt ans. Ainsi donc, les rares politiques qui se retrouvent devant un prétoire ne sont pas octo ou nonagénaires. En voilà, une bonne nouvelle, pour tenter de lutter contre les progès du « populisme ».
Jérôme Cahuzac ira-t-il « vraiment » en prison ? Oui, mais non. Mais oui, peut-être. Tout dépend de ce que l’on appelle « vraiment ». L’ancien ministre est « vraiment » condamné à de la vraie prison ferme, ce qui ne signifie pas qu’il ira « vraiment » en prison. Oui : le tribunal a jugé que la peine ne serait pas aménageable. Mais non : si Cahuzac fait appel (et son avocat a annoncé que ce serait le cas), cet appel sera suspensif, c’est à dire qu’il suspendra la peine. Ce n’était pas une fatalité. Le tribunal aurait pu délivrer un mandat de dépôt à l’audience. Il ne l’a pas fait.
Frédéric Seys a-t-il entendu, quelques minutes plus tôt, sur sa propre antenne, la réaction enregistrée de Monique Pinçon-Charlot ? La sociologue des riches et des puissants (voir ici son débat avec Hubert Védrine sur la gouvernance mondiale de l’oligarchie) (2), a assisté au procès Cahuzac. Elle rappelle que Cahuzac encourait en fait une peine de sept ans de prison (législation alourdie depuis…l’affaire Cahuzac). La peine prononcée, trois ans, est non seulement très inférieure à ce maximum, mais même inférieure au maximum qui était encouru…avant l’affaire Cahuzac (cinq ans). Mais alors ce procès ? La dureté du réquisitoire ? La dureté des termes du jugement ? « Nous sommes face à une classe sociale avec des effets de manche, des concurrences, de fausses querelles, qui reste malgré tout extrêmement solidaire et mobilisée dans la défense de ses intérêts » expliquait-elle lors du réquisitoire (3). Peine à moitié pleine, peine à moitié vide ? Tout est affaire de perspective.

original_95036_demi

(1) http://abonnes.mobile.lemonde.fr/politique/article/2016/12/08/le-tribunal-preside-par-peimane-ghaleh-marzban-a-marque-une-opportune-distinction-entre-ce-qui-releve-de-son-role-la-fermete-de-la-condamnation-penale-et-ce-qui-ressort-de-l_5045853_823448.html?xtref=&xtref=http://www.lemonde.fr/teaser/
(2) http://www.arretsurimages.net/emissions/2016-08-12/Le-systeme-mediatico-mondial-ne-supporte-pas-la-discretion-id8934
(3) http://www.francetvinfo.fr/politique/affaire/cahuzac/proces-cahuzac-il-y-a-un-decalage-entre-le-discours-du-parquet-et-ses-requisitions-regrette-monique-pincon-charlot_1825015.html
Daniel Schneidermann

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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