François qui ?

Charlie Hebdo – 07/12/2016 – Marie Darrieussecq –

Un jour, on était sous Sarkozy, j’étais à l’anniversaire d’un journaliste qui connaissait du monde. Et je ne savais pas quoi dire au type qui se tenait devant moi. On était là debout nos verres à la main, il était grand, son visage me disait vaguement quelque chose, alors pour causer je lui ai demandé d’où il était. Il a eu l’air un peu surpris et il m’a dit qu’il était de la Sarthe. Je me suis dit : « Ah oui, c’est le Premier ministre. » Je cherchais son nom dans ma tête mais je ne trouvais pas. On n’avait décidément rien à se dire. Aujourd’hui, je vois partout la tête du même type et tout le monde dit qu’il va être élu président et je n’en reviens pas.

Mais je ne comprend décidément rien à la politique (genre : je n’ai pas cru à Trump). Alors je me dis qu’aussi bien (ou aussi mal) ce type qui ne me disait rien, à tous les sens du terme sera élu président. Il paraît qu’il nous sauvera de Le Pen mais – moi qui ne comprend rien à la politique – il me semble qu’il ne fera que nous y précipiter. Parce que, à force, les pauvres ne seront pas contents. Pas contents du tout. Et un pauvre pas content est un pauvre qui vote mal. C’est ce que j’ai cru comprendre à la politique.

Le type dont j’avais oublié le nom adore les courses automobiles. Il aime son terroir, la chasse et la corrida. Il veut moins d’enseignants, moins d’infirmières, moins de postiers. Il veut faire travailler les gens plus longtemps, dans la journée, dans la semaine et dans la vie. Il veut supprimer 100 milliards par an d’argent public. Il veut que les riches payent moins d’impôts. Il veut que les propriétaires payent moins d’impôts. Il veut que les fortunés ne payent plus leur impôt. Il veut davantage d’écoles privées. Il veut que les pauvres paient eux-mêmes leurs maladies, sauf les graves, mais il faut discuter de ce que c’est, une maladie grave. Il ne veut plus que la Sécu rembourse les lunettes, les dents, les oreilles. Il veut que les syndicats aient moins de pouvoir. Il veut que les patrons aient plus de pouvoir. Il veut que ça soit plus facile de licencier. Il veut instaurer un nouveau motif de licenciement qui sera une « réorganisation« . Il veut négocier avec Bachar el-Assad. Il veut prolonger les centrales nucléaires jusqu’à soixante ans (toujours moins que l’âge de la retraite pour les humains). Il veut qu’on arrête avec le principe de précaution. Il préfère Poutine à Obama. Il veut une Europe des nations. Il veut qu’elle ne se mêle de rien, l’Europe, sauf pour limiter l’immigration. Il refuse une France « où l’on ne pourrait plus porter une croix dans rue, un tee-shirt à l’effigie du pape, une kippa, un turban ou un voile ». Il veut lâcher la bride aux loyers. Il veut que les collectivités locales se démerdent. Il ne veut pas que les couples homosexuels adoptent pleinement les enfants. Philosophiquement et compte tenu de sa foi, il est contre l’avortement. Il veut interdire la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes. Il veut plafonner les indemnités chômage. Il veut supprimer le RSA. Il veut soumettre les aides sociales à la recherche d’emploi qui n’existe pas. Il croit que la richesse « ruisselle » depuis le haut. Il ne parle pas de lutter contre l’évasion fiscale. Il veut augmenter de deux points la TVA. Il veut que les jeunes étrangers nés et élevés en France n’aient pas automatiquement la nationalité française mais la demandent à 18 ans. 

(Un étranger né et élevé en France ? Mais c’est quoi alors un étranger ? Et c’est qui les Français ? )

Au moins, il nous rappelle ce que veut la gauche…