Des queues de cerise pour le bio

Le Canard Enchaîné – 04/01/2017 – Christophe Labbé – 
Le plan avait été baptisé « Ambition bio 2017« . En mai 2013, lors de son lancement avec tambour et trompette, Stéphane Le Foll, notre ministre de l’agriculture annonçait : « Je veux impulser le développement de la production bio, particulièrement en grandes cultures. » Concrètement, il s’agissait de mettre la main à la poche et de multiplier par deux les aides annuelles, les faisant passer de 80 à 160 millions d’euros, pour encourager massivement les agriculteurs à se convertir au bio. Objectif : doubler, en quatre ans, les surfaces cultivées sans pesticides. Rien que ça !
Surfaces et farces
dessin_pac-golfSauf que Bruxelles, qui verse 75 % des aides agricoles – bio ou pas -, nous est tombé dessus à bras raccourcis. Les subventions étant calculées en fonction des surfaces cultivées, certains n’avaient rien trouvé de mieux que d’agrandir leurs champs en y intégrant chemins, taillis et autres haies… Après avoir vérifié les métrages, la Commission européenne a d’abord sommé Paris de rembourser 3 milliards d’aides indues versées entre 2008 et 2012. Bonne fille, elle a accepté de ramener l’amende à 1 milliard, à condition que le ministère de l’Agriculture recalcule, pour chaque ferme, la véritable « surface agricole utile », comme on dit dans le jargon. Et c’est là, comme « Le Canard » l’avait raconté (15/6), que le logiciel du ministère de l’Agriculture s’est mis à dérailler. Il faut dire que le système informatique devait, en plus, digérer une révision de la Politique Agricole Commune (PAC) avec la mise en place d’aides agroenvironnementales climatiques. Le gros bug a bloqué le paiement des aides, bio ou pas. Tout le monde au pain sec !
Contre-culture
76087250Les syndicats agricoles, FNSEA en tête, ont sorti les fourches et obtenu du ministre le versement d’une avance de 90 % de l’ardoise… mais sur les aides standard, sans tenir compte du label bio. Un céréalier converti au bio en 2016, aujourd’hui dans la panade s’est confié au » Canard » : « On voulait changer de système, on en avait marre de manipuler des bidons de pesticides, avec mon épouse, on a décidé de passer au bio, raconte Sylvain Merlot, à la tête d’une ferme de 250 hectares en Charente-Maritime. On a déboursé en tout près de 76 000 euros pour payer la certification et le matériel adapté. Si on cumule la baisse de rendement, divisé par deux, et l’interdiction, pendant la période de conversion, de mettre en vente notre production sous le label bio, on perd 500 euros par hectare. Une perte qui n’a pas, à ce jour, été compensée par les aides, contrairement à ce qu’on nous avait promis. » Or, comme quasiment tous les agriculteurs, Sylvain Merlot traîne un emprunt. « On doit rembourser 7 000 euros par an, explique-t-il, ce qui nous laisse à deux, pour vivre, 1 400 euros par mois. »
Le ministre fait des avances
Histoire de compliquer encore un peu les choses, depuis une loi du 7 août 2015, ce sont les régions, et non plus l’État, qui sont chargées de distribuer l’oseille aux agriculteurs. En janvier 2016, on est passé de 21 à 12 régions. Sylvain Merlot, par exemple, qui avait signé sa conversion bio en région Poitou-Charentes, relève désormais – sans quoi ce serait trop simple –  de la Nouvelle-Aquitaine, laquelle distribue les aides agricoles selon des règles différentes. Avec, pour les nouvelles aides, 1 500 types de contrats différents selon les cultures et les régions, personne n’y retrouve ses petits…
Conscient que son plan « Ambition bio 2017 » prenait l’eau, Le Foll s’est fendu, le 22 décembre, d’un communiqué annonçant le paiement, d’ici à la fin du mois de janvier, de 80 % des aides « bio ». Le règlement du solde, lui, est promis pour fin mars.
Comme on dit : pour le étrennes, mieux vaut tard que jamais…

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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