Turquie – L’hyperprésidentialisation en marche

­Le Monde 18/01/2017

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Recep Tayyip Erdogan touche du doigt le rêve qu’il nourrit depuis longtemps : celui d’endosser le costume d’hyperprésident. Le Parlement turc vient d’adopter en première lecture un projet de nouvelle Constitution qui donnerait au chef de l’Etat des prérogatives illimitées, sans contrepoids. BBC
Concrètement, cette réforme, dont les membres de l’AKP (le Parti de la justice et du développement, fondé par M. Erdogan en 2001) soutiennent qu’elle est impérieuse pour faire face aux soubresauts économiques et sécuritaires qui agitent le pays, prévoit que le président puisse nommer et révoquer les ministres, redevenir chef de parti et gouverner en théorie jusqu’en2029, voire 2034. The Independent, Middle East Eye
Autre innovation importante, le poste de premier ministre serait appelé à disparaître. Ce qui ne semble pas troubler outre mesure l’actuel titulaire du poste. « Il faut qu’il n’y ait qu’une autorité au sein de l’exécutif », a déclaré Binali Yildirim la semaine dernière lors d’un débat.
Les membres de l’opposition et ceux qui militent en faveur de la démocratie voient dans cette législation, qui remplacerait la Constitution de 1982, une dérive supplémentaire vers l’autoritarisme. Depuis 2014, année où il a été élu au suffrage universel – une première en Turquie –, M. Erdogan, 62 ans, n’a cessé de renforcer son autorité en mettant au pas ceux qui se dressent sur sa route, à commencer par la presse libre.
Les dix-huit articles du texte feront l’objet d’un nouveau débat, puis d’un vote en seconde lecture, ce mercredi. Si la réforme est approuvée par au moins 330 des 550 membres de l’assemblée, un référendum national sera organisé au printemps.
Pour Ilter Turan, professeur de science politique à l’université Bilgi d’Istanbul, il y a fort à parier qu’à ce moment-là le pouvoir, plutôt que de se concentrer sur le contenu même du texte, cherchera à transformer cette consultation populaire en référendum pour ou contre l’AKP. The Media Line
Dans le climat abrasif qui prévaut depuis le coup d’Etat manqué du 15 juillet – atmosphère marquée par une chasse aux sorcières d’une ampleur inédite –, cette évolution législative n’augure pas de lendemains plus stables, avance Serkan Demirtas, du quotidien Hürriyet. Quant à Sami Selcuk, ancien président de la Cour de cassation, qu’il cite, il prédit un basculement d’un « Etat constitutionnel » vers un « Etat avec une Constitution ». Tout un symbole…

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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