Etats-Unis d’Amérique – Maison Blanche et CIA : une histoire tumultueuse.

« Donald Trump entame sa présidence en très mauvais termes avec le service de renseignement le plus étroitement attaché à sa fonction », relève Le Temps. Pour autant, indépendamment de leur appartenance aux camps démocrate ou républicain, les relations des présidents américains avec la CIA ont depuis toujours oscillé entre enthousiasme, déception et scandales. Le Monde 20 janvier 2017

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Le Temps 19 janvier 2017
Maison-Blanche et CIA: états d’urgence
Donald Trump entame sa présidence en très mauvais terme avec le service de renseignement le plus étroitement attaché à sa fonction. Un conflit qui s’inscrit dans une longue histoire d’enthousiasmes, de déceptions et de scandales
Un président élu, Donald Trump, qui humilie la CIA «urbi et orbi», en déclarant se méfier de ses rapports et en encensant l’une de ses bêtes noires, le fondateur de Wikileaks Julian Assange. Un directeur de la CIA, John Brennan, qui lui conseille à la télévision, comme à un enfant, de «se discipliner». Jamais encore pareil échange n’avait eu lieu en public. Il s’inscrit pourtant dans une longue histoire de relations compliquées entre la Maison-Blanche et le service de renseignement qui lui est le plus étroitement attaché.
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La CIA a été créée il y a 70 ans pour offrir au président des Etats-Unis un résumé des informations récoltées par la communauté américaine du renseignement. «Je recevais des nouvelles de quelque 200 sources différentes et il n’y avait personne pour me les apprêter», s’est expliqué l’initiateur de l’agence, le président Harry Truman. Une situation risquée. La Seconde Guerre mondiale s’était à peine achevée que s’esquissait déjà la guerre froide. Et chacun sentait à Washington que les services d’espionnage allaient être soumis à forte contribution.
La nouvelle institution s’est si bien imposée qu’elle a rapidement étendu ses activités au-delà de la récolte du renseignement pour se lancer dans des actions clandestines, pudiquement appelées à l’origine «opérations psychologiques». C’est qu’elle offre un formidable avantage à la Maison-Blanche. Elle lui permet de livrer dans le plus grand secret, et sans demander quelque aval que ce soit, une large gamme d’activités qui se situent, selon l’expression consacrée, «entre la diplomatie et la guerre».
Les événements que la CIA n’a pas pu prédire
Le bilan de la CIA en matière d’espionnage est étonnamment maigre. Malgré ses moyens considérables, l’agence a été surprise par les principaux événements géopolitiques de ces dernières décennies. Elle n’a anticipé ni la révolution iranienne, ni l’invasion de l’Afghanistan par l’armée rouge, ni l’écroulement de l’Union soviétique, ni les attentats du 11-Septembre, ni les «Printemps» arabes. Comme l’a expliqué il y a quelques années le «correspondant défense et diplomatie» de la BBC Jonathan Marcus: les services de renseignement «sont de grands compteurs: ils peuvent repérer des missiles, estimer la production d’usines d’armement, etc. Mais les dynamiques politiques et sociales qui parcourent les sociétés sont beaucoup plus difficiles à lire.»
Peu visionnaire, l’agence s’est révélée très utile, en revanche, pour diffuser de fausses informations au profit des administrations en place. Son exploit le plus célèbre dans le domaine est la publication de rapports sur la présence d’armes de destruction massive en Irak. Des rapports qui se sont révélés erronés mais qui ont permis à l’administration Bush de défendre son projet d’invasion de l’Irak devant le Conseil de sécurité des Nations unies en 2003 et de convaincre le peuple américain de la légitimité de cette guerre.
De l’influence des élections aux tentatives d’assassinats
L’institution s’est surtout fait connaître, cependant, par ses actions clandestines. Un résultat paradoxal qu’elle doit au nombre et à l’agressivité de ces opérations, qui ont compris toutes sortes d’interventions dans des processus électoraux, des aides parfois massives à des guérillas et à des militaires putschistes, ainsi que des tentatives d’assassinats plus ou moins réussies de dirigeants, de militants et de sympathisants de partis ennemis. Et ce dans des dizaines de pays situés sur les cinq continents, de l’Italie à l’Australie, en passant par le Chili, le Congo, le Vietnam, etc.
Ces opérations ont-elles été menées systématiquement sur ordre de la Maison-Blanche? Ou ont-elles parfois été décidées au sein de la CIA? La question est récurrente. Le sénateur Frank Church, qui a présidé en 1975 une commission parlementaire chargée d’enquêter sur certains abus des services de renseignement, a lui-même accusé l’agence de se comporter en «éléphant dévoyé». Mais d’autres personnalités «proches du dossier» le contestent, en rappelant qu’il est parfois dans l’intérêt du président d’accuser ses services de l’avoir débordé.

« Les républicains débarquent toujours en disant: « Ce sont nos gars » »

Protéger la Maison-Blanche est l’une des missions primordiales de la CIA. L’agence ne doit pas seulement accomplir ses basses œuvres, elle est aussi censée la couvrir lorsqu’une affaire tourne mal. Pour ne pas l’avoir suffisamment assimilé, le premier directeur de l’institution, Roscoe Hillenkoetter, a été sèchement mis à la porte par Harry Truman: il avait eu le malheur de déclarer que si l’exécutif s’était laissé surprendre par l’invasion de la Corée du Sud, la faute n’en revenait pas à ses services.
La Maison-Blanche ne peut pas pour autant tout espérer de la CIA. Le président Richard Nixon en a fait l’expérience lors du Watergate, l’énorme scandale qu’il a provoqué en ordonnant la pose de micros dans les locaux du parti démocrate à Washington. Quand il a demandé au directeur de l’agence, Richard Helms, de défendre les «cambrioleurs» arrêtés en flagrant délit et d’évoquer des problèmes de sécurité nationale pour écarter le FBI de l’enquête, son interlocuteur s’est contenté de botter en touche.
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Les présidents américains sont arrivés au pouvoir avec des attentes très différentes à l’égard de la CIA. Et ils ont réalisé à son contact des expériences variées. Un ancien de l’agence, Stephen Kaplan, en a donné un résumé intéressant, il y a quelques années, au magazine américain The Atlantic. «Les démocrates arrivent toujours sceptiques, a-t-il observé. Les républicains débarquent toujours en disant: «Ce sont nos gars». Les républicains finissent toujours déçus et les démocrates impressionnés.»
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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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