La plupart des 35 000 personnes déplacées des quartiers est de la ville syrienne aspirent à se rendre en Turquie.
LE MONDE | 23.01.2017 |
Depuis la reprise de l’est d’Alep par l’armée syrienne et ses alliés mi-décembre 2016, plusieurs milliers d’habitants ont fait leur retour dans les ex-quartiers rebelles, où les destructions causées par les frappes russo-syriennes et les combats ont été moins importantes.
Mais « Oum Moudar », un surnom choisi par notre interlocutrice, n’y songe pas. « Impossible, dit-elle, de revenir dans une zone contrôlée par le régime », de crainte d’être arrêtée. Cette Alépine a fait partie des quelque 35 000 personnes évacuées du dernier carré insurgé, au terme d’un accord parrainé par Moscou et Ankara.
Leur départ s’est achevé le 22 décembre 2016, avant la sortie de l’ultime convoi de combattants anti-Assad. « Ce sont les habitants qui avaient le plus peur [de représailles] qui ont été évacués », rappelle une source humanitaire qui a suivi les opérations. Parmi eux figuraient des familles de rebelles et des militants de l’opposition.
C’est de Reyhanli, une localité turque proche de la Syrie, qu’« Oum Moudar », 35 ans, raconte par téléphone son périple depuis la chute d’Alep. Après un bref passage dans la province d’Idlib, elle a traversé clandestinement la frontière avec ses trois enfants, en payant un passeur. « Beaucoup de familles évacuées veulent partir en Turquie. Mais c’est cher et très dangereux », s’inquiète Saïd Ahmad Eido, chercheur au Syrian Institute for Justice, une organisation proche de l’opposition qui documente les violations des droits de l’homme en Syrie.
Les évacuations à Alep. REUTERS/Abdalrhman Ismail/File Photo
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Car dans le nord du pays, les zones sous contrôle rebelle où ces habitants ont trouvé refuge restent sous le coup de bombardements aériens réguliers, malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis la fin décembre 2016. Beaucoup y dépendent de l’aide humanitaire, alors que l’hiver est glacial. « La plupart des personnes évacuées ont rejoint la campagne à l’ouest d’Alep, poursuit M. Eido. Seule une minorité [notamment les activistes] a gagné la province d’Idlib. Tout le monde redoute que cette région soit la prochaine cible d’une vaste opération militaire, comme à Alep. » Le bastion rebelle d’Idlib, où les djihadistes du Front Fatah Al-Cham (l’ex-Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaida) constituent l’une des forces les plus puissantes, est déjà visé par les aviations russe et syrienne, ainsi que par des appareils de la coalition internationale menée par Washington.
Pour les militants, malgré la détermination affichée à « poursuivre la révolution contre le régime [de Bachar Al-] Assad », comme l’affirme « Oum Moudar », un temps d’incertitude s’est ouvert. Elle restera en Turquie pour subir une opération chirurgicale. Après, ce sera Idlib. Elle entend y continuer, sans savoir encore comment, les « projets éducatifs » qu’elle menait à Alep. Des militants dénoncent la mainmise des factions radicales de la rébellion sur la région, et leurs violentes intimidations. La jeune maman préfère évoquer « les manifestations anti-régime » tenues depuis la fin décembre 2016 dans la zone d’Idlib, ou « l’existence de structures civiles de l’opposition », qui la rendent « optimiste. »
« Qui est derrière [les assassinats anonymes] chaque semaine ? Des espions du régime ? Des groupes armés ? Des gangs ? », dit Monther Etaky, militant de l’opposition