Antonio Tajani, le lieutenant de Berlusconi devenu président du Parlement européen

Libération – 18/01/2017 – par Eric Jozsef Correspondant à Rome –
Ancien royaliste, ce proche collaborateur du fondateur de Forza Italia vient d’être élu à la tête de l’hémicycle strasbourgeois.
984582-000_par7479681Antonio Tajani le 19 février 2013 à Bruxelles. Photo Thierry Charlier. AFP
Traité de «kapo» par Silvio Berlusconi en 2003, l’allemand Martin Schulz sera remplacé à la présidence du Parlement européen qu’il occupait depuis deux ans et demi par un lieutenant du «Cavaliere». L’Italien Antonio Tajani, candidat du Parti populaire européen (PPE), a été élu mardi au quatrième tour de scrutin par 351 voix contre 282 pour son compatriote socialiste Gianni Pittella. Agé de 63 ans, le nouveau président de l’hémicycle strasbourgeois n’a jamais été l’un des hommes forts du berlusconisme : ni idéologue ni dirigeant de son empire de communication, encore moins figure médiatique. Mais collaborateur appliqué et fidèle, il a été régulièrement récompensé par son protecteur. Jusqu’à occuper parmi les plus hautes fonctions européennes : commissaire chargé des transports de 2008 à 2010 puis en charge de l’Industrie de 2010 à 2014 après avoir été eurodéputé depuis 1994, l’année où il entre en politique, directement dans le clan Berlusconi.
Antonio Tajani a alors 40 ans. Il travaille comme journaliste à Il Giornale, le quotidien de la famille Berlusconi, après une expérience à la Rai, le groupe audiovisuel public. «Je connaissais Berlusconi parce que je l’avais interviewé plusieurs fois», racontera-t-il quelques années plus tard. «Je me suis mis à sa disposition et il m’a téléphoné. Le 2 janvier 1994, je m’installais à Arcore», la majestueuse villa lombarde de l’homme d’affaires. Celui-ci prépare son entrée en politique. Tajani fera ainsi partie du petit cercle des fondateurs de Forza Italia qui triomphe deux mois plus tard aux législatives. Il est nommé porte-parole du chef et est parachuté coordinateur du parti dans le Latium, sa région d’origine.
«Silvio comme unique monarque»
Pour Antonio Tajani, c’est un retour à sa passion pour la politique initiée à la fin des années 60 sur les bancs du collège dans les rangs du Front de la jeunesse monarchique: «C’est mon intérêt pour le Risorgimento [l’unité italienne, ndlr] qui, en quatrième, m’a poussé vers les royalistes. Les années suivantes ont été importantes pour ma formation. C’était des années turbulentes.» Aux côtés des néo-fascistes du Front de la jeunesse, les royalistes en viennent très souvent aux mains avec les «rouges». Tajani qui prend souvent des coups, selon le Corriere della Sera, est finalement contraint de changer de lycée.
Il s’éloigne du militantisme politique pour passer une maîtrise de droit, s’engage dans l’armée (comme son père, officier) pour devenir contrôleur du ciel avant d’abandonner l’uniforme pour le journalisme. Envoyé pour le compte d’Il Giornale à Palerme durant les années 80, celles de la guerre des clans, il participe activement à la campagne de presse menée contre le pool anti-mafia dirigé par Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, les deux magistrats assassinés par la Pieuvre en 1992. De retour à Rome comme chef de la rédaction du quotidien dans la capitale, l’ancien royaliste devenu adulte choisit «Silvio comme unique monarque», souligne La Repubblica.
A l’origine, Antonio Tajani aurait dû embarquer en 1994 avec les troupes de Forza Italia dans le nouveau Parlement italien. Mais une erreur administrative va décider de son aiguillage vers Bruxelles. Sa liste électorale est exclue des législatives de mars. Pour le consoler, Silvio Berlusconi lui offre un siège à Strasbourg trois mois plus tard.
Manque de charisme
Au cours des années suivantes, Antonio Tajani multipliera les tentatives pour rentrer en Italie. En vain. Il rate l’entrée à la chambre des députés en 1996 puis perd aussi les élections municipales de Rome. Résigné, il pose ses valises en Europe. D’autant que Silvio Berlusconi, en vue de son retour au pouvoir, lui confie le soin de préparer l’entrée de Forza Italia dans le PPE, scellée en 1998. Antonio Tajani va alors commencer à tisser son réseau auprès des conservateurs et des démocrates-chrétiens à Bruxelles. Il prend des cours de langue et sait rester à l’abri de la tempête italienne lorsque l’étoile du Cavaliere commence à pâlir à partir de 2011, sous les coups des scandales sexuels et judiciaires.
Commissaire européen, il s’engage dans la lutte contre la contrefaçon, ouvre une procédure d’infraction contre l’Italie pour les retards des paiements de l’administration ou encore parvient à sauver des emplois à Gijon après une longue tractation avec l’entreprise américaine Tenneco. Pour le remercier de sa médiation, une «calle Antonio Tajani» a été inaugurée en Espagne. L’homme de Berlusconi parvient ainsi à s’imposer dans le paysage politique européen malgré son manque de charisme. «C’est une nullité, un incapable», va jusqu’à lâcher un ancien dirigeant de Forza Italia.
En 2011 et 2012, Antonio Tajani œuvre en coulisses au sein de la famille populaire pour maintenir des rapports entre le Cavaliere et Angela Merkel, devenus exécrables. Ce qui lui permettra en 2014 d’être désigné vice-président du groupe du PPE avant d’être élu mardi au fauteuil de Martin Schulz. «C’est la revanche du bûcheur», affirme il Giornale. Pour y parvenir, Antonio Tajani a cherché à faire un peu oublier son passé berlusconien. «Sur son site personnel, il ne cite ni Forza Italia ni le Cavaliere auquel il doit tout», fait remarquer La Repubblica. Une manière de rassurer sur ses intentions à n’être que le «porte-parole» et le «garant des décisions des députés européens».

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