Conversation imaginaire : « Si ça se trouve, on va nous regretter »

Dimanche soir, une fois Benoît Hamon désigné candidat à la présidentielle, François Hollande appelle Nicolas Sarkozy. Conversation (imaginaire).
LE MONDE | 31.01.2017 |

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Nicolas Sarkozy et François Hollande, le jour de leur passation de pouvoir, le 15 mai 2012. PATRICK KOVARIK / AFP
Coup de téléphone (imaginaire) entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, dimanche 29 janvier, après l’officialisation de la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche.
« Allo, Nicolas, pas encore couché ?
– Non, je regarde le DVD de la version restaurée du Guépard avec Carla. Quel souffle ! Quel génie, ce Visconti ! Tu l’as vu ?
– Peut être… Je ne me souviens plus. J’ai jamais eu beaucoup le temps d’aller au cinéma.
– Ça va changer (petit rire sarcastique). Je dis ça pour blaguer, hein ?
– Moi, je suivais la soirée électorale de la primaire de la gauche sur BFM. La poignée de main entre Hamon et Valls avec Camba en arbitre de boxe, ça valait le coup.
– Tu dois en avoir gros sur la patate. Se faire ratatiner par ces gamins. Au moins, moi, j’ai échappé à cette humiliation : j’ai été éliminé par un type de mon âge.
– Attends, j’ai un double appel. »
Silence. François Hollande reprend la parole :
« Je croyais que c’était Hamon ou Valls. Mais, pour le moment, personne ne se manifeste. Finalement, j’aurais dû rester faire la fête avec les handballeurs. Tu as entendu quand j’ai dit au micro de TF1, en parlant du public et des joueurs : « Ils sont tous pour la France » ? Ça pourrait faire un bon slogan ça, « Tous pour la France ». Ça te rappelle rien ?
– Ben non…
– Mais si, ça devait être ton slogan en 2017. Enfin, c’est ce qu’on m’a raconté.
– J’ai oublié. Tu verras, finalement la retraite, c’est génial. On voit les choses d’un autre œil. C’est le premier mois qui est difficile. Après, le temps passe tellement vite. Et puis, on peut continuer à bosser, hein ! On s’emmerde pas à déjeuner avec des cons. On n’a plus les journalistes sur le dos matin, midi et soir. Enfin, pour toi je sais pas. Tu les aimais bien, je crois. »
Silence pincé au bout de la ligne. Sarkozy reprend :
« Je rigole ! Tu as vu la photo de mon anniversaire postée par Carla ? Moi en peignoir, elle pendue à mon cou… Du noir et blanc un peu surex, très classe. Un couple moderne, quoi ! Surtout que c’était juste avant le meeting de Fillon qui devait justifier l’emploi de sa femme comme assistante parlementaire. Quel gagne-petit ! Nous, peinards et souriants. Eux tendus et la larme à l’œil… C’est pas la même musique (Petit rire étouffé au bout de la ligne). Ça lui apprendra à m’avoir fait poireauter un mois pour me voir alors que j’ai même pas mis un quart d’heure pour le soutenir. Et toi, qu’est-ce que tu vas faire : Hamon ou… Macron ?
–…
– Bon j’insiste pas, hein ? C’est pas ta journée. Tu sais, si ça se trouve, on va nous regretter.
– Oui, mais alors il va falloir attendre un peu.
– Qui que ce soit en mai, il va se vautrer en trois mois. Ils sont tellement nuls.
– Je te ferai remarquer que c’est ce que tu disais de moi…
– Désolé. Tu sais ce que c’est. Des propos de campagne quand il faut durcir le jeu. Attends ! Là, c’est mon passage préféré. Chérie, tu peux me passer la télécommande que je monte le son.
– Pardon ?
– Non je parle à Carla. Ecoute. Ecoute bien. »
La voix de Burt Lancaster récite : « Nous étions les guépards, les lions. Ceux qui nous remplaceront seront les chacals, les hyènes. Et tous, tant que nous sommes, guépards, lions, chacals, brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la Terre. »
« C’est tout nous, hein ?
– Oui. Peut être… Je dois raccrocher. Des fois qu’on m’appelle. »
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Par Philippe Ridet

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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