Affaire Fillon : « vers une citation devant un tribunal » / Les patrons commencent à lâcher celui qu’ils avaient adoubé Décryptage.

Affaire Fillon : l’enquête avance prudemment. Le parquet national financier a écarté jeudi « en l’état » un classement sans suite de l’enquête sur le « Penelopegate », mais François Fillon, candidat de la droite à la présidentielle, entend passer outre cette pression judiciaire et s’en remettre « au seul jugement du suffrage universel ».
La Nouvelle République 17/02/2017

Compiègne

Une campagne suspendue à une décision judiciaire. – (AFP)
Le classement sans suite désormais exclu, un renvoi direct – d’ici plusieurs mois – semble le plus probable, selon le professeur de droit Didier Rebut.
Le feuilleton judiciaire qui rythme désormais la campagne de François Fillon a connu un nouveau développement jeudi. Auto-saisi pour des faits présumés de détournement de fonds publics, d’abus de biens sociaux et recel, le parquet national financier (PNF) a écarté « en l’état » un classement sans suite de l’affaire.
Information judiciaire ou tribunal correctionnel
Deux options s’offrent désormais à lui : l’ouverture d’une information judiciaire, confiée à un juge d’instruction, ou une citation directe de François Fillon devant un tribunal correctionnel. Didier Rebut, professeur de droit pénal à l’université Paris II (Panthéon-Assas) penche pour la seconde hypothèse. Et pour une procédure au long cours qui se poursuivra, très vraisemblablement, au-delà de l’élection présidentielle. Décryptage.
 > Que signifie l’ouverture d’une information judiciaire ? « Elle est décidée par le PNF quand celui-ci estime nécessaire de nouvelles investigations que seul un juge d’instruction est habilité à mener : expertise financière ou comptable, demande d’actes de coopération internationale, mise sous contrôle judiciaire », explique Didier Rebut. Pour ce spécialiste du code de procédure pénale, dans le dossier Fillon, « il n’y a pas de beaucoup de raisons objectives » pour qu’une telle mesure soit décidée. Pour rappel, information judiciaire ne veut pas dire mise en examen. « La mise en examen intervient quand le juge d’instruction veut saisir un tribunal », souligne Didier Rebut. François Fillon a déclaré fin janvier que seule une mise en examen pourrait le contraindre à retirer sa candidature à la présidentielle.
 > Quelle est la politique du PNF dans ce type d’affaires ? Créé en février 2014, à l’issue de l’affaire Cahuzac, le PNF « se pense comme une institution qui doit donner de la visibilité et de l’efficacité à la justice », indique Didier Rebut. Dans ce contexte, il n’a recours à un juge d’instruction que dans une affaire sur quatre. « Pour le PNF, l’information judiciaire contrarie cette exigence d’efficacité en allongeant les délais de procédure. Il n’y a recours que lorsqu’il ne peut pas faire autrement ».
 > Comment fonctionne une citation directe ? L’individu visé se voit remettre ou reçoit une convocation devant le tribunal correctionnel. « C’est l’équivalent d’une ordonnance de renvoi, mais prise par le procureur du PNF ». En l’occurence, Eliane Houlette.
 > Quels sont les délais ? Ils se comptent en mois. Il faut d’abord trouver de la place dans l’agenda très chargé du tribunal de grande instance de Paris. « Une affaire comme celle-là ne se juge pas en deux jours, il faut dégager plusieurs jours d’audience », selon Didier Rebut. Il faut ensuite accorder du temps à la défense pour se préparer. En tout état de cause, même si un créneau était trouvé avant le premier tour, le 23 avril, « les avocats de François Fillon demanderait immédiatement un premier renvoi, accordé de manière automatique dans ce type d’affaires. On repartirait alors pour plusieurs mois. Il est matériellement impossible que cette affaire soit tranchée avant plusieurs mois. Il est vraisemblable que l’enquête se poursuive pendant toute la campagne ».
La pique de François Hollande
« L’exemplarité, ça vaut pour tout et si, au sommet de l’État, il n’y a pas cette exemplarité, comment donner confiance, comment appeler à l’effort, comment donner des perspectives à notre pays ». En déplacement à Rennes, François Hollande s’est permis jeudi une allusion claire à l’affaire Fillon. « La première volonté qui doit être la nôtre, celle de l’État, c’est d’être exemplaires », a-t-il insisté sans toutefois citer nommément le candidat de la droite à la présidentielle.
« Le suffrage universel pour seul juge »
Le procureur du PNF (Parquet national financier), Eliane Houlette, a estimé jeudi que « les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d’envisager, en l’état, un classement sans suite de la procédure » lancée contre François Fillon. « Il n’y a rien de nouveau, ni poursuite ni mise en examen », a réagi le candidat, critiquant un « acte de communication qui nourrit le feuilleton médiatique ». Et d’affirmer : « Je m’en remets donc désormais au seul jugement du suffrage universel ». Une manière de dire qu’il ne se retirera pas même s’il est mis en examen, contrairement à ce qu’il a affirmé sur TF1 fin janvier ?
L’annonce du PNF est intervenue alors que Benoît Hamon faisait acte de transparence, en dévoilant spontanément sa déclaration de situation patrimoniale et en présentant dix mesures pour moraliser la vie politique. On y apprend notamment que le candidat est propriétaire de deux appartements, dont un de 108 m² acquis en 2016, dont il possède 46,14 %. Acheté 700.000 euros, il a souscrit un prêt de 580.348 euros pour le financer.
Woerth remonte le moral des troupes 
Éric Woerth était jeudi soir à Tours : les responsables des Républicains avaient vu trop petit pour la venue du porte-voix de François Fillon. La salle de l’hôtel de ville était comble bien avant le début du meeting. Accueilli par tous les poids lourds de la droite locale (Philippe Briand, Claude Greff, Jean-Gérard Paumier, Hervé Novelli, Serge Babary), Éric Woerth a remonté le moral des troupes.
Avec un message clair, appuyé par la présence des élus : tous unis derrière celui que les responsables de la droite (et du centre) appellent François. Et avec un autre message aussi clair : pas le moment de baisser les bras. « Il y a sans doute eu des erreurs », a-t-il concédé. « Mais François s’est excusé. Est-ce que ça mérite l’élimination ? Derrière tout ça, il y a la volonté d’éliminer François Fillon, un candidat que l’on juge trop dangereux ! »
Pour Éric Woerth, soutenir François Fillon relève de l’évidence : « A-t-il la stature pour être président ? Incontestablement. A-t-il la légitimité pour être le candidat de la droite et du centre ? Évidemment. Donc François Fillon est un candidat incontournable. La seule question que doivent maintenant se poser les électeurs de droite et du centre, c’est : veut-on gagner ou perdre ces élections… »
Et pour que les électeurs répondent positivement à la première alternative, Éric Woerth a recentré son propos sur le programme de François Fillon, « un beau programme » qui a soulevé l’enthousiasme de la salle ponctuant son discours par des « Fillon président ».
Une salle composée principalement de gens convaincus. Le discours d’Éric Woerth leur donnera-t-il la force d’aller sur le terrain « reconquérir les cœurs et les esprits », comme il leur a demandé ?
Propos recueillis par Julien Proult
Les patrons commencent à lâcher celui qu’ils avaient adoubé
«  …Ce qui est problématique, c’est ce système où les élus et les députés noient les entreprises et les citoyens sous les réglementations mais ne s’appliquent jamais les mêmes contraintes à eux-mêmes.
|Le Monde  Par Sarah Belouezzane et Audrey Tonnelier
Au Medef, où l’on déplore le tour que prend la campagne, « tout le monde est sous le choc, personne ne s’y attendait ».
Ils l’avaient applaudi à tout rompre lors des universités d’été du Medef, en août 2016. Ils avaient, pour la plupart, adhéré à son programme, estimant qu’il était le seul à pouvoir mener les réformes économiques jugées « nécessaires au redressement de la France ». Deux mois après son élection triomphale au second tour de la primaire de la droite, et quelques jours à peine après l’éclatement de l’affaire de l’emploi fictif présumé de son épouse, voilà que les patrons, petits et grands, commencent à lâcher leur champion, François Fillon.
Les sommes en jeu ne sont pas négligeables, presque un million d’euros en tout, selon le Canard enchaîné, « surtout pour des entrepreneurs et des patrons qui ne se paient pas toujours quand ils lancent leur affaire, et n’ont pas les rémunérations mirifiques que l’on croit », confie une source au Medef.
« Le mal est fait »
Avenue Bosquet, à Paris, au siège de l’organisation patronale, nombreux sont ceux qui s’inquiètent. « Tout le monde est sous le choc, personne ne s’y attendait », témoigne un membre du conseil exécutif. « La justice doit suivre son cours, mais si c’est confirmé c’est fâcheux. Ce qui est problématique, c’est ce système où les élus et les députés noient les entreprises et les citoyens sous les réglementations mais ne s’appliquent jamais les mêmes contraintes à eux-mêmes. Si un patron faisait ça, il se ferait crucifier », poursuit-il. Votera-t-il quand même pour François Fillon s’il se maintient ? Rien n’est moins sûr. « Comme d’autres, je suis tiraillé entre l’intérêt de son programme que je ne remets pas en cause et l’énormité de cette situation », confie-t-il.
Ancien vice-président du Medef, Jean-Claude Volot, patron de Dedienne Aerospace, un équipementier aéronautique basé à Toulouse, tire à boulets rouge sur le candidat de la droite : « Nous nous sommes pris un coup dans l’estomac », souffle-t-il. Certes il faut attendre la parole des juges, reconnaît-il, mais pour lui « le mal est fait ». Il indique que le « choc est d’autant plus grand que François Fillon s’était positionné sur le terrain de la probité, donnant même des leçons aux autres. Quand on se présente comme un saint homme, on le paye ».
Fidèle parmi les fidèles, Viviane Chaine-Ribeiro, présidente de la fédération Syntec (services) tient à nuancer ces propos. « Chaque réunion que nous animons rencontre autant de succès qu’auparavant…
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Le Monde | 04.02.2017 | Par Sarah Belouezzane et Audrey Tonnelier

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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