Après les emplois fictifs, les lois fictives…

Charlie Hebdo – 15/02/2017 – Guillaume Erner –
Quand les politiques enfreignent la loi, ils ébranlement l’édifice légal qu’ils ont contribué à bâtir. En outre, ils détruisent la maison commune sur laquelle ils sont censés veiller, puisqu’ils sont les garants de la « décence commune ».
Ils ont trouvé la solution : ne plus pouvoir embaucher sa femme, ou son mari, ou sa sœur. Excellente réponse à une question mal posée… Comme si le problème consistait à « en finir avec les privilèges des élus » ainsi que le propose le magazine L’Express cette semaine, en préconisant un renforcement de la législation. Mais ce qui est reproché à Pénélope Fillon, rappelons-le, ce n’est pas d’avoir épousé François Fillon, c’est d’avoir bénéficié d’un emploi fictif. Dans ces conditions, toute nouvelle loi est inutile. Qui ignore encore que tout travail mérite salaire et réciproquement ?
Comme si chaque infraction du politique devait déclencher une inflation de règles. Grâce à l’affaire Cahuzac, nous jouissons désormais d’un parquet national financier – elle n’est pas belle la vie ? Et pour les grincheux, on a également songé à un renforcement des mesures de transparence de la vie publique. Le cas Fillon pourrait bien accoucher de la même façon d’une poignée de lois en plus. Mais à quoi sert cette prolifération ? Montrer que l’on n’est pas inerte, que l’on répond – et sévèrement – à ces infractions. Et surtout, exhiber des gages de probité en durcissant la législation que l’on devra s’appliquer. Mais imagine-t-on le ministre Jérôme Cahuzac profiter du formulaire destiné à déclarer son patrimoine pour porter à notre connaissance son compte en Suisse ou à Singapour ? Et une fois que l’on aura interdit l’embauche du conjoint, faudra-t-il également légiférer sur le recrutement des sex-friends, des ex ou des futurs ex ?
Il y a la loi, mais la loi est connue de tous, il est même prévu en démocratie que nul ne puisse l’ignorer, surtout pas ceux qui la font. La compléter paraît donc bien inutile. Va-t-on rappeler par exemple à Claude Guéant – qui été ministre de l’Intérieur ! – que l’on n’a pas de droit de payer en liquide avec des billets venus de nulle part ? pourquoi ne pas interdire aux politiques de toucher des billets, on ne les autoriserait qu’à payer en pièces jaunes. Et encore, cela pourrait donner des idées à Mme Chirac…
imageproxyLes contribuables associés – Les Enquêtes du contribuable n°7, octobre/novembre 2014
Désastre
On a tort de rêver devant les démocraties du Nord qui poussent à la démission un politique ayant payé sa barre chocolatée avec une carte de crédit professionnelle. C’est ce qui est arrivé à Mona Ingebord Sahlin qui avait dû renoncer à son poste de ministre du Travail parce qu’elle avait fait quelques emplettes personnelles avec l’argent public. a trop vouloir gouverner par des saints, on risque d’être dirigés par de diables. Mais surtout, la question relève moins de la loi que de ce que Georges Orwell, l’auteur de 1984, appelait la « décence commune ».
François Fillon n’a peut-être enfreint aucune loi. Le statut d’assistant parlementaire est peut-être si flou que toute assistance psychologique suffirait à justifier un salaire. Rien n’empêche non plus la Revue des Deux Mondes de salarier une collaboratrice à 5 000 euros par mois pour pondre deux entrefilets, qui auraient eu du mal à justifier une pige de 200 euros. Mais ce n’est pas le légal qui est seul en cause ici, c’est la « décence commune ». Voilà ce qui est en jeu : il y a ce que redoute le justiciable, et puis il y a l’honorable.
Il n’est pas indifférent que les politique se soumettent à la décence commune, car ce sont eux qui président à la cohésion sociale. leur morale st en quelque sorte le ciment de la société : qu’elle cède et c’est le lien social dans son ensemble qui s’en trouve fragilisé. Voilà pourquoi l’affaire Fillon est un désastre non pour un politique mais pour la politique. Parce qu’elle donne l’impression que, chez ces gens là, les règles élémentaires de la morale peuvent être piétinées au profit de seules considérations personnelles.
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Il y a eu l’affaire de l’arbitrage Crédit Lyonnais-Adidas, pour laquelle Bernard Tapie et cinq autres acteurs ont été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée  » et pour laquelle Christine Lagarde, chantre l’austérité vient d’être jugée coupable par la Cour de Justice de la République tout en étant dispensée de peine ! Cette saga judiciaire et politico-financière permet de découvrir un capitalisme à la française : un capitalisme opaque qui met à l’épreuve les institutions de la République et les principes de démocratie dont elle se revendique.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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