Présidentielle : le verrou antidémocratique des grands partis »

Désireux de faire entendre leur voix dans le débat de la présidentielle, six aspirants à l’Elysée dénoncent « le verrou antidémocratique des grands partis »
Des « petits » candidats en quête d’attention
LE MONDE | 23.02.2017  | Par Jérémie Lamothe et Adrien Pécout
Ils veulent la parole. Lassés de rester dans l’ombre, six « petits » candidats à la présidentielle ont donné rendez-vous aux médias, dans la matinée du jeudi 23 février, à Paris. Tous dénoncent « le verrou antidémocratique des grands partis » qui menace, selon eux, de les bloquer. Malgré leurs ressources limitées, ils ne désespèrent pas de parvenir au but : déposer 500 parrainages d’élus entre le 25 février et le 17 mars pour pouvoir se présenter à l’élection.

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La campagne présidentielle ? Une gageure pour Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste, NPA), Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), Alexandre Jardin (Bleu Blanc Zèbre), Charlotte Marchandise-Franquet, issue d’un vote en ligne sur Laprimaire.org, Oscar Temaru, indépendantiste tahitien, ou encore Christian Troadec, régionaliste breton.
Pour certains, la course contre la montre a commencé il y a presque un an. M. Troadec s’est lancé en avril 2016, sous la bannière du mouvement Régions et peuples solidaires. Depuis, il se retrouve « en voiture » à parcourir le pays, avec l’aide d’une quinzaine de bénévoles : « J’essaie de rester plusieurs jours sur un même territoire pour organiser le maximum de réunions publiques et rencontrer des élus, explique-t-il au Monde. On se lève tôt le matin et on se couche tard le soir, il y a une vraie fatigue physique qui s’installe. »
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« Certains maires ont peur de nous parrainer »
Le chef de file des « Bonnets rouges » a également envoyé un courrier aux quelque 42 000 élus habilités à le soutenir : maires, surtout, mais aussi parlementaires, députés européens, conseillers généraux et régionaux. « Certains maires ont peur de nous parrainer », regrette le candidat Troadec, lui-même édile de Carhaix-Plouguer (Finistère). A ce jour, l’élu revendique 251 promesses de parrainage, à peine plus de la moitié du total requis.
Cette année, une difficulté s’ajoute. Pour la première fois dans une présidentielle, le Conseil constitutionnel publiera les parrainages en intégralité et en continu. Auparavant, il divulguait seulement le nom de 500 élus tirés au sort après la liste définitive des candidats.
« Un scandale démocratique », déplore Rama Yade (La France qui ose), également candidate à la magistrature suprême. Selon l’ancienne secrétaire d’Etat sarkozyste, qui refuse d’être considérée comme « une candidate de Ligue 2 », cette nouvelle loi a été adoptée en 2016 « exprès pour éviter les candidatures alternatives » et dissuader d’éventuels soutiens.

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Autre changement, au lieu de les faire transiter par les candidats, le nouveau règlement demande aux élus de faire parvenir eux-mêmes leur formulaire de parrainage au Conseil constitutionnel. La procédure pourrait entraîner une déperdition plus importante qu’à l’accoutumée, selon Jean Lassalle (ex-MoDem), lui aussi candidat : « Des maires vont se tromper inévitablement », redoute le député des Pyrénées-Atlantiques. L’ancien proche de François Bayrou affirme glisser « progressivement vers les 500 » promesses de parrainage, mais souhaite en obtenir encore 250 pour disposer d’une marge suffisante.
« Plus grande fermeture des médias »
Jean Lassalle, Rama Yade ou encore l’écologiste Antoine Waechter, tous interrogés par Le Monde, ont un point commun avec les six candidats qui ont invité les médias jeudi. Ils regrettent leur manque de visibilité médiatique. « Vous, les journalistes, vous avez choisi vos candidats », estime Mme Yade, qui a pourtant annoncé sa candidature sur TF1 au journal télévisé de 20 heures, en avril 2016 : « Je ne suis pas dans les sondages. Est-ce qu’il y a des candidats qui sont légitimes et d’autres qui ne le sont pas, alors qu’ils ont traversé 80 000 kilomètres dans le pays, travaillé depuis deux ans, écrit un programme ?… »
Antoine Waechter, lui, a déjà atteint une fois le seuil des 500 candidatures. En 1988, il se présentait à la présidentielle sous l’étiquette des Verts. Vingt-neuf ans après, désormais représentant du Mouvement écologiste indépendant, il ressent une « plus grande fermeture des médias ». « Il y a eu, constate M. Waechter, une grande focalisation sur les primaires, ces “radiocrochets” qui ont conduit à une saturation dans l’opinion. Il y a désormais peu de places pour les autres candidats. » En lice pour le parti Nouvelle Donne, Pierre Larrouturou confirme de son côté : « On a zéro seconde sur TF1, France 2, Canal+, RTL… Je me demande si l’élection est vraiment sincère. »
Une chose est sûre : faire campagne a un coût. « Les factures de campagne sont prises en charge par le mouvement, explique Antoine Waechter. En contrepartie, les militants et moi-même faisons des dons qui permettent d’être pris en compte dans le cadre des déductions fiscales. »
Pour l’heure, l’écologiste assure avoir seulement dépensé environ 3 000 euros en réunions publiques : « Je me déplace en train avec ma femme, et des militants m’attendent sur le quai de la gare. » De son côté, Rama Yade table déjà sur une somme plus substantielle, un budget prévisionnel de « 500 000 euros pour toute la campagne ». Le tout, sans emprunt bancaire : « Il m’a fallu quatre ans pour rembourser les 30 000 euros que j’avais empruntés au moment des législatives de 2012 [elle avait été éliminée au premier tour dans les Hauts-de-Seine]… »
Désireux de faire entendre leurs voix dans le débat, certains « petits » candidats voient même plus loin que la présidentielle. Christian Troadec, qui a déjà investi près de « 20 000 euros » en vue du scrutin d’avril et mai, espère aussi que le mouvement Régions et peuples solidaires présentera une centaine de prétendants aux législatives du mois de juin. « On entame un travail sur plusieurs années, il y aura ensuite les municipalités, les intercommunalités. Avoir des élus permettra ensuite de faciliter notre recherche de parrainages. » Manière de se projeter jusqu’à la présidentielle… de 2022.
Jérémie Lamothe Journaliste au Monde
Adrien Pécout Journaliste au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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