Plongée caustique dans les coulisses de l’Assemblée nationale

L’Opinion 12/03/2017 Caroline Vigoureux

Hélène Bekmezian, J’irai dormir à l’Assemblée, chez Grasset, apporte un regard peu conventionnel sur les coulisses du Palais Bourbon
Les Faits Hélène Bekmezian, journaliste parlementaire pendant plusieurs années, publie J’irai dormir à l’Assemblée, chez Grasset. Sur 300 pages, elle décrit l’institution mais raconte également ce qui ne se voit pas au premier abord : l’art de la mise en scène, les ruses des députés et autres charmes discrets de la vie au Parlement.

C’est un ouvrage qui permet d’apprendre ce qui ne se lit habituellement pas dans les livres. Dans J’irai dormir à l’Assemblée, paru mercredi (Grasset), Hélène Bekmezian, journaliste au Monde, ne décrit pas seulement tout le fonctionnement institutionnel de l’Assemblée. L’auteure raconte aussi et surtout les codes du Palais Bourbon, cette part d’indicible qui ne peut se constater qu’après avoir passé des mois dans les couloirs du Palais, dans son hémicycle, dans les restaurants attenants, à observer et échanger avec les députés et leurs collaborateurs.
Comment gérer sa réputation, comment être audible dans l’hémicycle, les astuces pour influer sur la procédure parlementaire… Les nouveaux prétendants à la députation en 2017 trouveront là les réponses qui ne figurent pas dans le règlement de l’Assemblée nationale. Ce livre, truffé d’anecdotes drôles et savoureuses sur les députés, apporte un regard peu conventionnel sur l’Assemblée. En vrac, on y apprend qu’il existe un service du verre d’eau pour les orateurs dans l’hémicycle, que le député LR de Haute-Savoie Lionel Tardy est l’un des pionniers du hashtag #DirectAN, qu’il existe un syndic des journalistes retraités au sein de l’Association des journalistes parlementaires (AJP)…
Mais surtout, ce qui compte par-dessus tout au Palais Bourbon, c’est la mise en scène. Les oppositions sont surjouées, les divisions exacerbées. Les orateurs y sont classés par types : le scolaire, le citeur, le torero (Manuel Valls), l’inspirée (Christiane Taubira), le professeur (Bernard Cazeneuve), l’humoriste (François de Rugy, Jean Lassalle) ou même le pilier de bar (Jacques Myard).
Si les pratiques des députés donnent à plusieurs égards une image peu reluisante de l’Assemblée, cet ouvrage permet aussi de battre en brèche les idées reçues sur le Parlement. À commencer par celle, très répandue, selon laquelle les députés ne travailleraient pas dès lors qu’ils ne sont pas présents dans l’hémicycle. Il y a aussi les réunions de commissions, les missions ou encore le travail en circonscription, rappelle l’auteure, qui a suivi sept députés sur le terrain. Loin des dorures du Palais Bourbon, leur permanence est ainsi « leur fenêtre sur le monde réel » et leur travail s’apparente parfois à celui d’une « assistante sociale ».
L’Assemblée, en plus des 577 députés, c’est aussi « 510 millions d’euros qui transitent chaque année au Palais Bourbon, ce qui en fait l’un des plus gros postes budgétaires dans les pouvoirs publics, loin devant le Sénat (environ 320 millions d’euros) et l’Elysée (100 millions d’euros) », mais 1 300 fonctionnaires, 300 propositions de lois déposées par session, soit environ une par jour.
L’auteur dresse aussi, non sans ironie, le portrait-robot du député : bavard (Philippe Doucet, Daniel Fasquelle), en retard (Razzy Hammadi, Olivier Faure), susceptible (Jérôme Guedj, Carlos da Silva, Patrick Mennucci), orgueilleux (Bruno Le Maire, François Loncle), préoccupé (tous), bosseur (Christophe Sirugue, Gilles Carrez), jovial (Philippe Gosselin, Guillaume Garot), ringard ou enfin ex-délégué de classe.
Ce qui est plus cruel pour le député, c’est de voir que son utilité est parfois minime. « Qu’ils le veuillent ou non l’exécutif aura toujours le dernier mot », rappelle Hélène Bekmezian. Les rapports produits par les députés constituent un travail conséquent et laborieux, dont le retentissement est parfois faible, pour ne pas dire nul.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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