Nucléaire : les rats quittent le navire

La Décroissance – mars 2017 – Stéphane Lhomme –
Nous vous avons déjà entretenu des déboires de l’industrie du nucléaire, en pleine déconfiture ces dernières années. Il semble bien que les choses s’accélèrent, alors que les multinationales de l’atome sont en train de tomber et que des projets de centrales sont abandonnés.Pendant ce temps, EDF a annoncé la suppression de 5 000 postes d’ici 2019. A qui le tour ?
Vous vous souvenez peut-être de cet officier irakien déclarant que l’armée glorieuse de Saddam Hussein avait mis en déroute les Américains alors que, tout au fond en arrière-plan, on apercevait les colonnes de chars US entrer dans Bagdad… Eh bien c’est à peu près la même situation quand lorsque l’on entend Jean-Bernard Lévy, actuel PDG d’EDF, assurer que l’avenir atomique est radieux. Car, pendant que ce monsieur fait de jolie phrases et mène gaillardement EDF à la faillite (il faut dire que c’est notre argent qu’il dilapide, surtout pas le sien), les acteurs industriels de l’atome quittent le navire.

Ainsi, le 14 novembre dernier, le journal de l’environnement signale : « Le Vietnam abandonne le nucléaire« . Et de préciser : « Hanoï a mis un terme, le 9 novembre, à son programme électronucléaire jugé trop cher. » Programme qui n’est d’ailleurs absolument pas commencé, malgré des annonces tonitruantes faites en 2010 : pas moins de 14 réacteurs devaient sortir de terre, les travaux étaient prévus dès 2014. Aujourd’hui, tout est annulé.
D’autre part, le 23 décembre, une dépêche Reuters nous apprend que, « Engie veut se retirer de son projet nucléaire en Turquie« . Rappelez-vous : en mai 2013, tous les « grands » médias français célébraient un immense succès de l’atome hexagonal, la vente à la Turquie de 4 réacteurs de type Atméa.
Vous ne connaissez pas ce réacteur bien moins célèbre que le pauvre EPR (ruineux et impossible à construire) ? C’est normal, c’est un machin virtuel qui n’existe que sur le papier (et qui n’a donc servi, en toute logique, qu’à faire vendre du papier !) Ces réacteurs fantômes devaient être construits à Sinop, au bord de la Mer Noire, mais les premières annonces pour ce site datent de 1980… Le projet a été annoncé et annulé une bonne dizaine de fois, jusqu’à ce retrait piteux d’Engie.
Le 2 février, Radio-Canada informe que le japonais Tepco (heureux propriétaire de la centrale de Fukushima) résilie son contrat géant avec le fournisseur canadien d’Uranium Cameco : les 54 réacteurs nippons sont quasiment tous à l’arrêt depuis 2011 et la perspective de les voir revenir en service s’estompe avec le temps : plus besoin d’uranium !
Faillite atomique
Continuons : le 15 février dernier, Le Monde titre : « Le nucléaire entraîne Toshiba au bord de la faillite » et annonce « L’industriel nippon va cesser de construire des réacteurs. » Mieux (ou pire, à vous de choisir) : Toshiba est l’actuel propriétaire de l’américain Westinghouse, l’entreprise historique du développement du nucléaire aux USA et dans le reste du monde, en particulier en France : savez-vous que 54 des 58 réacteurs « français » sont en réalité des modèles achetés à Westinghouse ? Le même jour, Les Échos, soutien inconditionnel de l’atome, s’inquiète en effet en titrant : « Westinghouse, un pionnier du nucléaire en pleine tourmente« . Et en ajoutant : « La filiale américaine de Toshiba est à l’origine des difficultés du conglomérat japonais. Elle a connu de lourdes difficultés pour construire ses réacteurs de nouvelle génération.« 
Ce n’est donc pas Fukushima cette fois qui est à l’origine des problèmes, mais bien l’incapacité de Westinghouse à fabriquer son « nouveau » réacteur l’AP1000, de la même façon qu’EDF avec son EPR. Nouveau entre guillemets, car ces réacteurs ont été conçus au siècle dernier et son en réalité des dinosaures impossibles à construire  et à financer.
Le même jour, Les Échos signalent que la déconfiture atomique de Toshiba met aussi en cause le projet de construction d’une centrale nucléaire à Moorside, dans le Nord-Ouest de la Grande-Bretagne, projet dont le japonais détient 60 %, le reste appartenant à… Engie, qui se retire de ses projets atomiques ! Inutile de dire que cette centrale-là ne verra pas non plus le jour… On pourrait continuer sans fin à décrire les déboires, déconvenues et autres désastres industriels de l’aome, les projets annoncés avec tambours et trompettes puis annulés piteusement.
Seule la Chine semble faire encore bonne figure, mais en réalité, les quelques dizaines de réacteurs annoncés ne permettront de produire que 3% de l’électricité du pays, c’est-à-dire 1 % de la consommation d’énergie de la Chine. Et encore, les deux EPR en chantier à Sendaï sont dotés de cuves mal fabriquées par Areva et qui doivent normalement être recalées… sauf si l’Autorité de sûreté nucléaire chinoise a aussi peu d' »autorité » que la française… Mais rien de tout cela ne saurait perturber Jean-Bernard Lévy, qui s’est assurément donné pour mission de couler EDF et si possible de nous irradier tous : après ses méfaits, il trouvera bien un autre point de chute pour se remplir les poches tout en nuisant à la population.
Mais peut-être que lui et se pairs, à commencer par la regrettable Anne Lauvergeon, devront un jour payer pour leurs fautes atomiques. Il est d’ores et déjà acquis qu’ils méritent la pire des sanctions. La peine de mort ? Non, bien pire encore : gardienner les déchets radioactifs en étant payés au Smic : 1 153 euros par mois. Oui, Anne et Jean-Bernard, c’est bien par mois, pas par jour !

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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