Election présidentielle – « La tragi-comédie pathétique de la droite »

Dans sa chronique hebdomadaire, Gérard Courtois, éditorialiste au « Monde » analyse la crise qui a secoué la droite et la candidature de François Fillon ces dernières semaines.
Le Monde | | Par Gérard Courtois (Editorialiste)
Racine en aurait fait une tragédie. Celle d’un homme, François Fillon, habité par son destin, déjouant tous les augures, triomphant de l’adversité, porté au pinacle par le chœur des siens il y a trois mois, faisant taire adversaires et rivaux, puis, soudain, plongé dans une terrible tourmente, harcelé, abandonné, lapidé et voyant irrémédiablement s’échapper les rêves de gloire élyséenne qu’il caressait déjà.
Au lieu de quoi nous est offerte, depuis plusieurs semaines, une tragi-comédie pathétique où s’affrontent un candidat prêt à tout pour le rester, ses partisans enrageant de le défendre, ses adversaires acharnés à l’abattre mais incapables d’y parvenir, des électeurs abasourdis, partagés entre accablement et colère, des clans qui rallument les vendettas qui ont traumatisé la droite depuis des années et des parrains qui, dans l’ombre, tentent de préserver leur pouvoir d’influence. Il suffisait d’observer, lundi 6 mars, au siège des Républicains, les sourires de circonstance accrochés au visage de la plupart des protagonistes, prêts à la curée la veille encore, pour mesurer le ridicule de cette affaire.

A l’issue du comité politique de LR, le 6 mars à Paris, Gérard Larcher, président du Sénat, annonce le soutien « à l’unanimité » de cette instance à la candidature de François Fillon. LAURENCE GEAI POUR LE MONDE
Festival de coups fourrés
« Quoi qu’il fasse, les Français retiendront peu ou prou ceci :  “M. Propre” avait les mains sales » 
Si l’on n’était à moins de sept semaines d’une élection présidentielle censée tracer l’avenir de la cinquième puissance mondiale, l’on pourrait éventuellement trouver cocasse ce festival de coups fourrés et de tartufferies. Comme chez Guignol, on pourrait rire de cette élection imperdable qui menace de tourner à l’humiliante déroute. Mais, précisément, l’on n’est pas chez Guignol et, au-delà de ce médiocre psychodrame et de ses rebondissements, le constat est là : une élection présidentielle qui, quoi qu’on en pense, reste le moteur de la vie politique nationale et qui se trouve, chaque jour davantage, embourbée, empêchée, déstabilisée et dénaturée.
« Quoi qu’il fasse, les Français retiendront peu ou prou ceci :  “M. Propre” avait les mains sales »  Car si M. Fillon, avec un cran qui force l’admiration de ses proches et un entêtement qui désole tous les autres, a sauvé sa tête, si un « comité politique » composé à sa main au lendemain de la primaire lui a renouvelé à l’unanimité sa confiance, il n’a résolu aucun des problèmes qui l’assaillent. « Le débat est clos », ont martelé ses amis. Il n’en est évidemment rien.
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Son image, tout d’abord, est en miettes, ce qui n’est pas tout à fait négligeable dans une élection présidentielle. Il s’était présenté à la primaire drapé de lin blanc et de probité… pas si candide puisqu’elle lui permettait de discréditer en douce ses deux principaux concurrents, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Avec lui, proclamait-il, la droite serait « irréprochable », vierge de toute affaire d’argent occulte, de tout arrangement coupable, de tout emploi fictif. Et le voilà, à son tour, mis en cause et, pis encore car c’est inédit, rattrapé en pleine campagne par la patrouille judiciaire.
Et le voilà acculé, pour se défendre, à réutiliser le kit de survie déjà expérimenté avant lui par Jacques Chirac puis par Nicolas Sarkozy. On a donc réentendu les mêmes arguments : contestation pied à pied des faits (non pas des salaires versés à son épouse et à deux de ses enfants, pour la raison qu’ils sont incontestables, mais de l’inanité du travail qu’ils étaient supposés rémunérer) ; invocation d’un statut particulier, celui de président en exercice hier, de candidat aujourd’hui, qui en ferait un justiciable différent des autres ; dénonciation d’une machination, voire d’un complot, judiciaire ou médiatique, ourdi contre lui… Mais quoi qu’il fasse, les Français retiendront peu ou prou ceci : « M. Propre » avait les mains sales et lui qui avait assuré que seule une mise en examen pourrait le conduire à renoncer a, sans sourciller, jeté cet engagement au panier. Bref, son image est devenue un boulet.
Camp fracturé
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Comités d’accueil hostiles
Enfin, la capacité du candidat à faire véritablement campagne, à aller au-devant des Français et pas seulement des militants, à les écouter et à leur parler, à leur expliquer son projet et son programme paraît bien improbable. Non seulement il doit constituer une nouvelle équipe capable de remplacer au pied levé celle qui vient de se déliter. Non seulement il risque de continuer à être reçu, lors de chaque déplacement, par des comités d’accueil hostiles. En outre, il reste à la merci des prochains épisodes de la procédure judiciaire en cours. Mais surtout, celui qui se présentait comme le Père la rigueur des finances publiques aura les plus grandes difficultés à convaincre les autres de se plier à une discipline dont il s’est lui-même affranchi.
François Fillon veut croire que sa ténacité dans l’épreuve lui vaudra l’absolution. Il veut se convaincre qu’il est capable de rééditer, en quelques semaines, l’exploit réalisé lors de la primaire de l’automne 2016. Ce serait bien la plus extravagante surprise de cette campagne, pourtant peu avare, jusqu’à présent, de coups de théâtre.
Gérard Courtois (Editorialiste) Journaliste au Monde

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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