Présidentielles 2017 – Le Pen – Macron : le dangereux non-choix de l’Eglise

EDITO. En 2002, les plus importants évêques appelaient à faire barrage au Front National. Aujourd’hui, l’Eglise renvoie dos à dos les deux finalistes.

L’obs 26/04/2017
L’affaire ne fait pas – pas encore ? – la Une des médias. Elle est pourtant extrêmement grave. En avril 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s’est retrouvé au deuxième tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac, plusieurs des plus importants évêques de l’Eglise de France avaient clairement appelé à faire barrage au Front National. Ainsi, le président de la commission sociale de l’épiscopat français, Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis, déclarait : « Aucun catholique clairvoyant ne peut voter Le Pen héritier d’une tradition totalitaire et antichrétienne. »
Tandis que le président de la Conférence des évêques de France, Jean-Pierre Ricard, appelait « à l’intelligence plutôt qu’à l’instinct, au discernement plutôt qu’à la seule spontanéité, à la sérénité plutôt qu’à la peur ». Si bien que, le 3 mai 2002, « Libération », journal pas toujours tendre avec les catholiques, écrivait un long article intitulé : « l’Eglise joue les vigies morales ». Ce n’est plus le cas aujourd’hui.  A tel point que le quotidien catholique « La Croix », « déplore » le « relatif silence » de l’Eglise.
Dans un communiqué alambiqué, la Conférence des évêques « n’appelle pas à voter pour l’un ou l’autre candidat » mais « souhaite donner à chacun des éléments pour son discernement propre ». Elle renvoie ainsi dos à dos les deux finalistes. Contre Emmanuel Macron, qui est favorable à la reconnaissance des enfants nés à l’étranger de la GPA, elle écrit : « C’est en soutenant la famille, tissu nourricier de la société, en respectant les liens de filiation, que l’on fera progresser la cohésion sociale. » Contre Marine Le Pen, elle demande : « Quand certains pays accueillent des millions de réfugiés, comment notre pays pourrait-il reculer devant la perspective d’accueillir et d’intégrer quelques dizaines de milliers de ces victimes ? »
Dès 1985, le très populaire cardinal Decourtray jugeait les thèses du FN « incompatibles avec la Bonne Nouvelle et l’enseignement de l’Eglise ». Aujourd’hui la Conférence des évêques refuse de trancher. Ce faisant, elle laisse le champ libre à sa frange la plus active bien que très minoritaire, « la Manif pour tous », qui appelle à s’opposer à Emmanuel Macron qualifié de « candidat ouvertement anti-famille ».
Cette position très ambiguë pourrait libérer certaines consciences. A droite, en faveur de la candidate frontiste. A gauche, pour l’abstention. D’ici au second tour, et à l’instar de 2002, des évêques peuvent encore faire entendre une parole claire contre le risque frontiste. Si ce n’est pas le cas, attention danger !
Vincent Jauvert

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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