Etats-Unis – Steve Bannon, le mauvais génie de Trump

L’éminence brune de Donald Trump

Un documentaire retrace l’irrésistible ascension du conseiller stratégique du président.
Notre choix du soir. Avec une minutie implacable, Michael Kirk dépeint l’irrésistible ascension du principal conseiller stratégique du président américain et sa capacité de nuisance (sur Arte à 21 h 50).
LE MONDE | 30.05.2017 Par Nicolas Bourcier
C’est un film terrifiant. Non qu’il abuse d’effets horrifiques, mais parce qu’il distille l’effroi et le malaise avec une cruauté et une violence verbale implacables : celle d’un idéologue incendiaire à l’ambition effrénée, arrivé au cœur du pouvoir de la première puissance mondiale.
Le documentaire de Michael Kirk, L’homme qui murmure à l’oreille de Trump, pourrait être un conte aux allures de cauchemar tant son personnage central, Steve Bannon, l’ex-rédacteur en chef du site complotiste, misogyne et ultranationaliste Breitbart News devenu le principal « conseiller stratégique » à la Maison Blanche, révèle une capacité de nuisance hors du commun.
Avec une minutie implacable, nourrie de récits de proches, d’ex-collaborateurs et de journalistes de renom, Michael Kirk retrace l’irrésistible ascension de ce propagandiste, guerrier de l’ombre, vite surnommé « Dark Vador ».
Lui-même parle peu en public. Mais son influence, ses directives, ses mots, repris à la lettre par Donald Trump ou relayés par ses proches, en disent long sur l’homme, sa mission et le mouvement qu’il a créé en vue de transformer le pays.
« Pour lui, perturber et être disruptif, c’est le pouvoir »
Le coup de théâtre provoqué par Donald Trump lorsqu’il se présenta, quelques minutes avant le débat avec la candidate démocrate Hillary Clinton, devant les caméras de télévision entouré de six femmes accusant l’ex-président Bill Clinton de les avoir agressées sexuellement ? C’est lui. Le discours d’investiture à Washington, violente diatribe où Trump parle de « carnage » pour évoquer la situation des Etats-Unis ? Encore lui. Le décret anti-immigration visant certains pays musulmans ? Toujours lui.
« Il sait que ces initiatives dérangent, il sait qu’elles entraîneront des réactions, mais Bannon veut provoquer ce genre de chocs, pour lui, perturber et être disruptif, c’est le pouvoir », résume un des protagonistes du film.
Pour le comprendre, Michael Kirk est remonté au Richmond des années 1950, cette capitale de la Virginie et du « vieux Sud », là où Steve Bannon a grandi au sein d’une famille irlandaise, travailleuse, traditionaliste et catholique. Son père est un grand admirateur de John F. Kennedy. Le jeune Steve suit des cours dans une académie militaire. Il a la réputation d’être un « bagarreur ».
A l’université, il est élu au conseil des étudiants en accusant ses opposants d’être des « candidats de la bureaucratie de Washington ». Puis il s’engage dans la Navy. C’est l’époque de la crise iranienne et des otages américains retenus à Téhéran. Après des mois de tensions, le président Jimmy Carter annonce qu’il a échoué à les faire libérer. Bannon dira plus tard que l’événement a été son tournant politique.
Après la Navy, Bannon entre à Harvard et décroche un poste chez Goldman Sachs. Mais au lieu de rester à Wall Street, il décide de faire du business à Hollywood, non sans succès. Survient le 11-Septembre. Son autre « grand » tournant politique, fondateur de sa matrice idéologique : un monde réduit à un combat entre les terroristes et les Etats-Unis.
Lutte contre l’islam et l’establishment américain
A Hollywood, dans le petit cercle conservateur de la ville, il croise Andrew Breitbart, un ancien du site Drudge Report et fondateur de Breitbart News. Bannon comprend l’intérêt de se rapprocher de ce provocateur issu de la droite dure, pour mener à bien sa lutte contre l’islam et l’establishment américain. A sa mort, Bannon reprend le titre. Il obtient 10 millions de dollars de la famille Mercer, mécènes ultradroitiers, et change l’orientation du site pour en faire une machine de guerre politique.
Les « unes » sur les affaires criminelles impliquant des Afro-Américains, le terrorisme islamiste, les immigrés, les élites corrompues se multiplient. Les controverses génèrent du trafic, et Bannon gagne en notoriété. Mais lui veut aller encore plus loin. Lorsque les républicains et les démocrates se rapprochent, en 2013, sur une réforme de l’immigration, son site redouble d’attaques et cible les républicains qui envisageraient de signer le texte. La loi sera finalement enterrée, faute de soutien.
A New York, un certain Donald Trump lit avec assiduité Breitbart News. La rencontre entre les deux hommes aura lieu en 2014, à la Trump Tower. Ils ne se quitteront plus. Pour Bannon, Donald Trump est « le guerrier politique » qu’il cherchait. Pour Ben Shapiro, ancien rédacteur en chef de Breitbart News, le socle qui lie Bannon à Trump repose sur une conviction commune, celle de « détruire les ennemis » : « C’est leur fond, c’est ce qu’ils sont, deux hommes à la recherche de la destruction d’ennemis. »
La suite est racontée dans le documentaire. Toujours avec autant d’habileté. Même lorsque le président décide de ne plus faire siéger Bannon au Conseil de sécurité nationale – un signe de déclin pour nombre d’analystes –, le film de Michael Kirk rappelle que c’est lui qui accompagnait Donald Trump à Harrisburg pour célébrer ses cent jours à la Maison Blanche. Le discours portait sa marque. A ses amis, il a simplement dit qu’il resterait bien en poste afin de continuer sa guerre pour changer l’Amérique.
L’homme qui murmure à l’oreille de Trump, de Michael Kirk (EU, 2017, 55 min).
Ce mercredi Documentaire sur Arte à 21 h 50
MANDEL NGAN/AFP/Getty Images by Charlie Spiering12 Apr 201777

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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