Education – Jean-Michel Blanquer :  » Nous devons ouvrir grand les fenêtres « 

La Nouvelle République 01/06/2017

Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, aujourd’hui en visite à Poitiers, dessine ce que doit être l’école sous le quinquennat Macron.
Tous les ministres de l’Éducation, depuis Jules Ferry, s’engagent à réformer en profondeur. Chez vous, c’est l’autonomie qui paraît être le mot-clé. Celle des collectivités lorsqu’il s’agit des rythmes scolaires, celle des établissements et de leurs responsables, celle, aussi, des enseignants.
Jean-Michel Blanquer : « Aujourd’hui, le défi, c’est de créer les conditions de la confiance pour donner à chacun la capacité d’agir. Le ministère de l’Éducation nationale doit être en soutien des acteurs de terrain, beaucoup plus que dans la production de normes et de contrôle. Il s’agit de faire réussir les élèves, en soutenant les professeurs et toute la communauté éducative. C’est une nouvelle logique : pragmatique et qui repose sur la confiance. C’est d’abord cela que je mets derrière la notion d’autonomie. »
Quel écho recueillez-vous auprès des professeurs, ordinairement prudents à l’égard des bouleversements annoncés par leurs ministres de tutelle ?
« Nous sommes dans un contexte totalement inédit. L’élection du président de la République offre une occasion de dépasser les clivages, le clivage gauche droite mais aussi d’autres clivages qui ont fait du tort à l’école. L’éducation peut être un moteur du nouvel optimisme français. Pour faire progresser l’école, nous devrons aussi rétablir la notion de respect. Les professeurs et les adultes qui participent à la vie de l’école doivent être respectés. Notre société en a besoin. »
La réussite des élèves est votre priorité. Comme pour chacun de vos prédécesseurs. Quelle différence sous votre ministère ?
« Le mot d’ordre, c’est de mener chaque élève au plus loin de son excellence et de ses talents. Cela passe d’abord par l’attention aux plus fragiles, mais c’est l’ensemble des élèves qui doivent être tirés vers le haut… » Mener chacun au bout de son excellence
 Et cela commence dès la maternelle ?
« Oui, parce que s’y pose la question clé du vocabulaire. La maternelle doit être encore davantage l’école du langage, de sa maîtrise pour que les enfants entrent au cours préparatoire avec tous les atouts pour réussir l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Nous avons près de 800.000 élèves de CP en France et nous visons 100 % de réussite à cette étape-clé qui est celle des apprentissages fondamentaux. L’une des mesures phares de la prochaine rentrée sera le dédoublement des cours préparatoires (CP) en REP + (éducation prioritaire). C’est un engagement du président de la République car il veut ainsi agir à la racine des problèmes. »
En laissant aussi de l’autonomie aux collèges, par exemple, dans la gestion de leurs classes bilangues.
« Elles ont été supprimées ce qui est à mes yeux une grande erreur. À partir du moment où l’on affirme accorder davantage d’autonomie aux établissements, on ne doit pas abîmer les initiatives ou les dispositifs qui pouvaient développer l’attractivité des établissements. C’est l’argument de l’égalitarisme qui a fondé la disparition de ces classes bilangues. Pour moi, la véritable égalité passe par l’excellence offerte à chacun. »
Et c’est sous cet argument de l’égalitarisme que vous préconisez le retour des devoirs en classe. Certains syndicats de profs grincent des dents.
« D’un point de vue pédagogique, il faut des exercices et des devoirs. Leur exécution crée des inégalités ? Je l’admets et c’est la raison pour laquelle je souhaite qu’ils puissent être faits dans le cadre scolaire, encadrés par des professeurs, des associations et des bénévoles formés. Ce sera au bénéfice des familles les plus défavorisées, mais aussi, en réalité, de toutes les familles. »
Même attitude à l’égard des rythmes scolaires ?
 « Le maître mot, c’est le pragmatisme et le respect des acteurs au plus près des réalités du terrain. Dès lors qu’apparaît un consensus entre la commune et le conseil d’école, l’inspecteur d’académie, qui est l’arbitre de proximité, est fondé à valider. Le critère, c’est bien entendu l’intérêt de l’élève avec une cohérence entre le temps scolaire et le temps périscolaire. »
Pragmatique, c’est le contraire de dogmatique, non ?
« En matière de rythmes, comme pour les autres dossiers, nous devons nous fonder sur des faits et sur des réalités. Nous devons ouvrir les fenêtres pour prendre en compte toutes les expériences, françaises et internationales, qui nous aident à trouver un chemin de réussite. Nous devons retenir aussi le meilleur de notre tradition et le meilleur de la modernité. Il faut dépasser les vieilles querelles pour faire vivre le nouvel optimisme français. »
biographie
Ministre, mais piroguier aussi
Le ministre de l’école est juriste d’abord. Docteur en droit, agrégé de droit public, Jean-Michel Blanquer, 52 ans, est aussi titulaire d’une maîtrise de philosophie. Pour aller « jusqu’au bout de son excellence » peut-être, ce multidiplômé a pris les rênes de l’Essec un moment, mais il aurait adoré diriger Sciences Po Paris. Dans l’intervalle, il a fait du cabinet ministériel. A l’Éducation, justement, sous Robien en 2006 puis avec Chatel où il a dirigé le grand département des enseignements pendant les années Sarkozy.
Recteur à Créteil, il a pirogué jusqu’au plus profond de l’Amazonie lorsqu’il était chargé de la Guyane. De la première étape, restent quelques initiatives jugées audacieuses comme la cagnotte récompensant l’assiduité aux cours ou la mallette destinée aux parents de collégiens. De la seconde, il conserve le souvenir d’un chavirage sur l’Amazone et le souci de l’équilibre des territoires. Ses deux ouvrages consacrés à l’école le rapprochaient un peu plus du ministère de l’Éd’ Nat’. Villepin y avait songé, la sphère filloniste l’envisageait, Macron l’a fait.
(Interview réalisée par téléphone et relue par le cabinet du ministre de l’Éducation)

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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