FN – L’unité du Front national se fissure

L’échec de Marine Le Pen à l’élection présidentielle ravive les débats internes sur la ligne « ni droite ni gauche ».
LE MONDE | 09.05.2017  | Par Olivier Faye et Abel Mestre
C’est plus ou moins le même film qui se rejoue au Front national après chaque défaite. Les uns font le constat que le parti n’a jamais atteint un tel record de voix ; les autres estiment que la progression aurait dû être plus importante. Les premiers s’accrochent au positionnement « ni droite ni gauche » du FN, défini il y a une vingtaine d’années, et à sa proposition décriée de sortir de l’euro ; les seconds voudraient envoyer tout cela valser, et partir à la conquête de l’électorat de droite. Enfin, chacun se promet de prendre la parole publiquement et de régler ses comptes avec ceux d’en face, sans que deux camps homogènes ne se forment pour autant.
Le scénario avait été écrit ainsi après la défaite aux élections régionales de 2015 : il est en passe de se reproduire à l’identique aujourd’hui, alors que Marine Le Pen a échoué au second tour de l’élection présidentielle face à Emmanuel Macron, avec un score décevant de 33,9 % des voix. A la différence près que l’image personnelle de la présidente « en congé » du FN a été abîmée par sa prestation ratée lors du débat d’entre-deux-tours.
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Un poids lourd régional, favorable à ce que la formation lepéniste assume une identité de droite, résume la situation. « On a raté une occasion. Quand la droite a perdu les élections en 2012, on aurait pu dépecer la bête malade. Mais on n’y a pas touché, en partant à la conquête de l’électorat de gauche », dénonce cet élu, pour qui cette stratégie a trouvé son apogée lors de l’entre-deux-tours, quand Mme Le Pen a tenté d’attirer les électeurs de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
Selon Ipsos, seulement 7 % des soutiens de l’ancien sénateur socialiste se sont reportés sur la députée européenne, contre 20 % des électeurs du candidat du parti Les Républicains François Fillon. La promesse lancée par la patronne du FN d’une « transformation profonde » du parti en « une nouvelle force politique », qui serait couronnée par un possible changement de nom, fait donc doucement sourire les plus critiques. « On a atteint les limites de l’exercice, estime notre élu. On considère que c’est un problème de communication, on change de nom, de logo, de couleur, et puis après ? Si le contenu de la boîte est le même… Les Français ne sont pas idiots. »
« Il faut qu’on marche sur nos deux jambes »
Un poids lourd du marinisme, de l’autre côté, défend avec force l’efficacité de la stratégie qui a été développée par la fille de Jean-Marie Le Pen depuis plusieurs années, en collaboration avec son bras droit Florian Philippot. « Cette stratégie nous a permis de pulvériser tous les résultats obtenus par le passé, je ne vois pas pourquoi il faudrait changer ce qui marche. Et on est majoritaires chez les ouvriers, ce n’est pas franchement l’électorat filloniste, souligne ce dirigeant de la campagne présidentielle, qui répond à l’échec supposé de conquête des électeurs mélenchonistes. Il faut qu’on marche sur nos deux jambes, Marine l’a fait, et bien fait. »
Ce proche de la présidente du parti d’extrême droite met par ailleurs en garde la cohorte des contempteurs : « Si les gens sont pour l’euro, il faut qu’ils le disent. Mais il faut aussi qu’ils sachent que nous sommes un mouvement souverainiste. On peut aussi être pour l’immigration pour plaire aux gens, mais à ce moment-là, on perd notre identité politique. » Et ce dirigeant d’assurer qu’il prendra la parole à visage découvert après les élections législatives des 11 et 18 juin… Comme l’élu régional cité plus tôt.
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Une réunion devait se tenir, mardi 9 mai, à propos de ce scrutin, et caler l’accord avec le parti Debout de la France de Nicolas Dupont-Aignan. Le rêve de recomposition de la droite porté par certains risque d’attendre. « On n’a jeté aucun pont vers la droite, tout se passe sur les contacts personnels, reconnaît un haut dirigeant du FN. Les Républicains vont rester assez fédérés et auront un groupe consistant. Beaucoup de parlementaires de droite ne se retrouvent pas dans la démarche de Macron et resteront dans leur parti. »
« Philippot ne jouera pas sa tête »
Du résultat de cette élection dépend le niveau de tension à venir. En attendant, personne ne veut prendre le risque d’apparaître comme celui qui aura divisé la famille. « Personne ne va bouger avant le deuxième tour des législatives, croit savoir un soutien de la députée de Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen. De toute façon, Marine l’a dit dimanche : c’est parce que l’on a pas été assez “mariniste” que l’on s’est planté. Comme l’Union soviétique s’est plantée parce qu’il n’y avait pas assez de communisme… Le parti va garder pour l’instant la ligne Philippot. »
La députée européenne Sophie Montel, une proche du vice-président du FN, a en tout cas déjà plaidé en ce sens. « La ligne de Marine doit être suivie au doigt et à l’œil, a assuré Mme Montel sur France 3. Les sensibilités, c’est une chose, mais j’ai eu à un moment l’impression sur l’euro qu’un certain nombre de cadres à l’intérieur du Front étaient gênés pour aborder cette question. »
Pourtant, certains marinistes eux-mêmes estiment qu’un aggiornamento sur le sujet est nécessaire. « S’il y a un changement à faire, c’est sur le programme économique, et notamment la sortie de l’euro, avance un membre du bureau politique. On a créé de l’incompréhension et un vrai blocage. On doit tout revoir, tout le monde s’en rend compte, y compris Philippot. »
Sur cette question de la monnaie unique, « il est évident que les gens ont eu peur », reconnaît pour sa part le député du Gard, Gilbert Collard. « Il faut travailler sur cette peur. » Pour autant, « Philippot ne jouera pas sa tête », estime-t-on au sein du parti. « La contestation est forte en off, mais personne n’osera y aller à visage découvert. » Et pas question de s’en prendre à Marine Le Pen. « Marine nous a porté à 34 % de l’électorat, elle est la leader naturelle de l’opposition », avance Jean-Lin Lacapelle, secrétaire général adjoint du FN. Les critiques sont prévenus.
Le FN entre amertume et désillusion
Marine Le Pen annonce une « transformation profonde » du FN
Après sa défaite, la candidate frontiste a dit vouloir « constituer une nouvelle force politique », basée notamment sur une « stratégie d’alliances ».
Le Monde.fr avec AFP | 08.05.2017

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