Industrie – Le gouvernement nationalise «temporairement» les chantiers de Saint-Nazaire

Le Figaro 27/07/2017
 La décision est tombée : Bruno Le Maire a annoncé ce jeudi après-midi la préemption par l’État des parts restantes de STX France. Bercy maintient sa volonté de trouver rapidement un accord avec l’industriel italien Fincantieri, mais Rome fustige une décision «grave».
Le ministre refuse d’employer le mot de «nationalisation», pourtant, c’est bien ce que recouvre cette première grande décision de politique industrielle pour l’exécutif français. Pour un coût d’environ 80 millions d’euros, l’État s’apprête à devenir propriétaire à 100% des chantiers de l’Atlantique (STX France), avec pour objectif principal de «défendre les intérêts stratégiques de la France». Il possédait jusqu’à présent 33,33% des actions, assorties d’un droit de préemption courant jusqu’au samedi 29 juillet, soit dans deux jours.
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L’interventionnisme de l’Etat se décline autour de deux justifications : les intérêts économique et stratégique.

Le président Emmanuel Macron, lors de la cérémonie de livraison du paquebot« Meraviglia », contruit par STX France, le 31 mars, à Saint-Nazaire. Stephane Mahe / REUTERS
LE MONDE ECONOMIE | 27.07.2017 | Par Dominique Gallois
 « L’homme n’est ni ange, ni bête ; la nationalisation ni panacée, ni catastrophe. Sa réussite dépend des conditions précises et est intimement liée à l’évolution du pays ». Retrouvée à l’occasion d’une plongée dans les archives du Monde, cette formule en préambule d’un article sur les nationalisations publié en 1977 s’applique parfaitement à la politique industrielle menée depuis quarante ans. Le plus marquant, durant cette période, furent les nationalisations lancées par François Mitterrand dans le cadre de l’application du programme commun de la gauche, ensuite détricotées par les gouvernements de droite avec les privatisations.
En même temps, quel que soit leur bord politique, les pouvoirs publics ont toujours été interventionnistes brandissant l’arme de la prise de contrôle partielle ou totale selon les époques, pour des motifs politiques mais principalement économique. Il s’agit même d’une tradition républicaine remontant à 1848 comme le racontait le professeur d’histoire économique Hubert Bonin dans un article du 21 mai 2013. A l’époque l’Etat nationalisait la compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon. il s’agissait le plus souvent de sauver des entreprises assurant des services publics.
Les temps ont changé et c’est avant tout pour éviter la désindustrialisation ou le passage sous pavillon étranger de fleurons industriels que les gouvernements interviennent. Ainsi en 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre des finances, sauvait Alstom de la faillite en faisant entrer l’Etat au capital. Cette nationalisation partielle permettait de sauver l’entreprise.
Eviter la désindustrialisation
En 2012, au début du quinquennat de François Hollande, le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, tançait vertement en public les patrons et les actionnaires qui restructuraient. Il menaçait même Lakshmi Mittal, le patron indien d’ArcelorMittal, de nationaliser provisoirement Florange. Et c’est sous son impulsion qu’un décret était voté permettant à l’Etat de bloquer dans certains cas des investissements étrangers.
Son successeur à Bercy, Emmanuel Macron, changeait de méthode pour celle du gant de fer dans une main de velours, ne voulant pas faire fuir les investisseurs étrangers. Le résultat reste en demi-teinte. Le soutien décisif de l’Etat a permis de sauver le chimiste Kem One et, surtout, PSA, grâce à l’arrivée d’un partenaire minoritaire chinois. Le gouvernement a également pesé sur la recomposition du marché des télécoms avec la bénédiction de la reprise de SFR par Altice et le blocage de la fusion de Bouygues et Orange. Enfin, il a mis fin à la guerre larvée entre Areva et EDF en nationalisant une partie d’Areva. En 2015, l’Ex-Technicatome est passé sous contrôle direct de l’agence des participations de l’Etat.
Dimension stratégique
En revanche, les efforts publics n’ont pas pu empêcher non plus la vente d’un nombre élevé d’anciens fleurons tricolores : Lafarge est devenu suisse, ­Alcatel, finlandais, le Club Med, chinois, Norbert Dentressangle et Faiveley, américains. Technip a, lui, fusionné avec l’américain FMC et transféré son siège en Grande-Bretagne, tandis que la division « énergie » d’Alstom était cédée à l’américain General Electric.
Dans le cas de STX, ce n’est pas le sauvetage de l’entreprise qui justifie le recours à la nationalisation, mais le risque de voir des activités partir en Italie chez Fincantieri. A cela s’ajoute, la dimension stratégique. Les ex-Chantiers de l’Atlantique sont les seuls en France à pourvoir fabriquer des grandes coques nécessaires pour la flotte militaire.
Ce patriotisme économique n’est pas propre à la France. En Europe, les Etats veillent tous à ne pas voir leurs fleurons partir sous contrôle étranger. Une situation on ne peut plus contradictoire au moment où les dirigeants militent pour la construction européenne.

A propos kozett

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