Des rêves connectés au Futur

INREES – 11/08/2017 – – Josselin Morisson  –
Pouvons-nous influencer notre vie en utilisant les synchronicités, en les appelant, voire en les provoquant ? Oui, d’après les pratiques chamaniques venues du fond des âges mais aussi selon la physique moderne ! Et si le futur pouvait être connecté ?
© T. Luadthong
Si les synchronicités ont un sens et que le temps est une illusion nécessaire à notre expérience dans la matière, alors il doit être possible de les utiliser à notre avantage, voire de les provoquer. Étonnamment (ou pas) on trouve cette approche à la fois dans les pratiques précivilisationnelles de certains courants du chamanisme et dans les réflexions de pointe de la physique contemporaine. Et pour cause, pourrait-on dire, car les deux s’appuient sur le même concept : la rétrocausalité. L’idée que le futur ait une certaine « solidité », sous forme de potentialité ou de réalité psychique, et soit capable d’agir sur le présent n’est en effet pas nouvelle et les chamanes ont toujours su en tirer profit, notamment par l’intermédiaire des rêves.
Le temps du rêve
Ainsi, dans la culture aborigène d’Australie, la notion de rêve est centrale et cette cinquième dimension a sa propre temporalité. L’anthropologue québécoise Sylvie Poirier explique que les Aborigènes vivent la continuité du « rêve ancestral », qui désigne le temps de la création, avec le rêve individuel : « Les rêves sont l’espace-temps privilégié de communication entre les humains et les Anciens, les humains et les esprits des morts. » Le rêve est un voyage de l’âme, il est actif et « représente une forme d’engagement », comme l’écrit de son côté Robert Moss, créateur du rêve actif : « On peut décider de l’endroit où on a envie d’aller et y aller consciemment. » Sylvie Poirier souligne que les Aborigènes distinguent les « rêves ombres », les moins importants et dont on se souvient à peine, et les rêves « porteurs d’un message », « ceux qui présagent d’un événement à venir ou confirment un événement déjà survenu. […] Les rêves peuvent aussi annoncer la visite d’un parent ou d’un étranger ; d’autres présagent d’un malheur prochain […] ; d’autres rêves avertissent d’événements déjà survenus dans une autre région mais dont la communauté du rêveur ne sera informée qu’après que le rêve se soit produit (1)…»
Le rêve oriente finalement les activités liées aux rencontres, à la chasse et à la cueillette, aux maladies, aux conflits, etc. Ce que l’Occidental nomme synchronicité est donc dans cette culture la marque de l’irruption constante du « temps du rêve » dans le temps ordinaire car, note Sylvie Poirier, « l’univers aborigène est un univers ‘‘où tout fait signe’’, ou pour reprendre l’expression de Foucault (1966), un univers où les signes font partie des choses ; les signes n’y sont donc pas des modes de représentation, ils sont des manifestations. Toute manifestation est potentiellement signifiante. »
Un puzzle temporel
En étudiant l’initiation des chamanes Shipibo-Conibo d’Amazonie péruvienne, l’ethnobotaniste Romuald Leterrier a de son côté découvert « une forme de cognition rétroactive avec des échanges d’information à rebours dans le temps, du futur vers le passé ». Là aussi, les chamanes utilisent différentes formes de conscience et donnent la même importance à l’état de veille, au rêve et à « l’expérience visionnaire provoquée par l’absorption de plantes psychoactives comme dans la préparation ayahuasca », explique-t-il.
Mieux, le chamane met en œuvre une logique dynamique d’échanges d’information entre rêves, conscience de veille et visions, et l’expérience initiatique se structure comme un puzzle temporel dans lequel les informations disparates et chaotiques du début de l’expérience prennent du sens dans le futur de l’initiation. « C’est à rebours du temps, par le biais de la rétrocognition, que l’initié non seulement comprend le sens de ses rêves, de ses visions et des synchronicités, mais est aussi susceptible, par l’effet des prises de conscience et de l’intention, de produire à rebours les synchronicités qui vont avoir un rôle d’attracteur et d’organisateur », souligne Romuald Leterrier. Lors d’un séjour chez les Shipibo, un chamane métis, Ernesto, lui apprend qu’il existe une façon de contrôler ses rêves à partir du futur, sur la base d’un travail de mémoire qui consiste à « se souvenir du futur ». Et de lui livrer l’exemple suivant : « Disons que tu as rêvé cette nuit d’un homme habillé en blanc qui te donnait de l’argent. […] Trois semaines plus tard, tu vas à ta banque et l’employé au guichet est habillé en costume blanc. Surpris, tu repenses à ton rêve. C’est cette énergie, ce frisson de la surprise qui parcourt ton corps et ton esprit qui, lorsque tu te souviens de ton rêve, lui donne sa forme et son contenu trois semaines en arrière dans le passé. »
Une science de la surprise
Là où d’autres n’y verraient qu’une forme de superstition, Romuald Leterrier a au contraire entrepris de mettre à l’épreuve cette modélisation des rêves par la rétrocognition, « le réel étant aussi souple que le rêve », selon Ernesto. Il s’agit en fait d’entraîner sa conscience extratemporelle (voir encadré) selon une véritable « science de la surprise ». « Il est important de bien mémoriser ses rêves et d’avoir ensuite une forme d’attention flottante, détachée, précise-t-il. L’effet de surprise provoqué par ce type de synchronicités active notre conscience extratemporelle qui influence le hasard. Nous sommes bien en présence d’une science de la surprise qui crée un acte d’observation et simultanément de création d’un événement. Le constat d’une synchronicité est un acte d’observation faisant intervenir nos sens et notre cognition en lien avec notre mémoire, mais aussi notre intelligence du cœur ou émotionnelle en provoquant dans notre organisme une cascade d’émotions qui nous amène presque à l’euphorie. Une bonne synchronicité provoque toujours de la joie et un sourire qui unifie l’observation, le mental, le cœur, et l’esprit. »
Le réel étant aussi souple que le rêve
En 2013, il met au point son premier protocole d’expérimentation pour créer des synchronicités, en s’inspirant de dispositifs divinatoires anciens tels que le Yi-Jing ou la cartomancie. Deux éléments sélectionnés « au hasard » sortent : l’animal rat et l’archétype cristal. Quelques heures plus tard, alors qu’il zappe devant sa télévision, un rat géant au dos recouvert de cristaux de quartz apparaît sur son écran ! Un second tirage effectué un mois plus tard donne le singe associé à la chauve-souris. Le lendemain, Romuald Leterrier se trouve dans un magasin de vêtements et remarque, côte à côte, un pull au motif de chauve-souris avec des perles de cristal et un autre figurant un singe…
À raison d’une expérience tous les deux mois, les synchronicités continuent de se manifester tout en se complexifiant et « en développant des condensations d’information par résonance entre elles » , observe-t-il. L’archétype cristal reste présent, comme un « ciment psychique et physique »  ; or il est le symbole d’une matière informée par l’esprit.

L’action de l’intention
« Pensée magique, animisme, névrose obsessionnelle… », Freud ne nous a-t-il pas libérés de toutes ces fadaises ? Et pourtant, la physique moderne vient en renfort de cette lecture rétrocausale avec les propositions iconoclastes du physicien Philippe Guillemant, qu’il a lui aussi testées en maintes occasions et qui l’amènent aujourd’hui à affirmer : « Nos intentions causent des effets dans le futur qui deviennent les futures causes d’un effet dans le présent. » Le concept de rétrocausalité en physique a été défendu en son temps par Olivier Costa de Beauregard, ancien directeur de recherche au CNRS, plus ou moins marginalisé pour son soutien à la parapsychologie. Comme le fait observer Philippe Guillemant, cette notion « exigeait un futur déjà déployé, ce qui a longtemps paru impensable, mais c’est aujourd’hui le concept de causalité stricte, avec flèche du temps, qui est largement remis en question ».
Ainsi, une vingtaine d’articles ont été publiés dans les actes du Congrès international sur la rétrocausalité quantique qui s’est tenu à San Diego en juin 2011. « Les synchronicités et autres phénomènes extraordinaires nous dévoilent des dimensions intérieures où les lois physiques ne sont défiées qu’en apparence, observe Philippe Guillemant. L’action de la conscience traduit simplement la causalité inverse, la cause finale, qui est liée à l’intention et qui a volontairement été oubliée par la science parce qu’elle s’est construite en opposition aux religions. Cette cause inverse existe déjà dans notre réalité et la seule chose est d’en faire l’expérience. Le temps n’existe pas ; la sensation du temps correspond à une vague de densification de la conscience collective qui vient modifier localement la réalité à une ou plusieurs époques simultanées, comme illustré dans le film Cloud Atlas. »
Le temps n’existe pas
S’appuyant sur une expérience de simulation chaotique avec des boules de billard virtuelles, en cours de publication dans une revue scientifique, Philippe Guillemant en vient à proposer l’existence de six dimensions supplémentaires pour décrire notre futur : trois pour décrire le point par lequel il faut passer pour connaître les conditions finales (la destination), et trois pour décrire le chemin que l’on va prendre. « Pour décrire précisément ce qui se passe dans l’espace-temps, la physique a besoin de six dimensions supplémentaires, comme le propose la théorie des cordes, mais sans savoir à quoi elles servent », conclut-il.
Dans le cadre de la théorie de la double causalité qu’il propose, notre présent peut être sous l’influence du passé, comme le sens commun nous pousse à le croire de façon exclusive, mais il peut aussi être sous l’influence de notre futur. Même en restant dans une mécanique déterministe, cette théorie dit que nos lignes temporelles peuvent bouger dans le futur, sous l’effet de nos intentions et de certaines « qualités d’âme », ce qui est la source même des synchronicités. « N’y croyez pas, invite Philippe Guillemant. Testez-la ! »

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