Témoignage – A Tours, ils se découvrent frères

La Nouvelle République 15/09/2017 05:35

Trésor et Patelvy viennent tous deux du Congo, se retrouvent  » par hasard  » dans la même entreprise en Touraine… avant de réaliser qu’ils ont le même père !

C’est Gainsbourg qui parlait de la « pudeur des sentiments ». Et il en parlait bien. Les deux jeunes gens que l’on retrouve cet après-midi-là au siège de la société d’interim Temporis ont quelque mal à se livrer. Surtout le plus jeune qui laisse parler l’aîné.

Eux ? Eh bien, ce sont Trésor et Patelvy. Et s’ils se retrouvent sous les feux de l’actualité, c’est qu’il leur arrive quelque chose de « pas courant », « d’extraordinaire », « de magnifique », comme dit Trésor.

Pour Patelvy et Trésor, du temps à rattraper, de la tendresse à partager… – (Photo NR, Julien Pruvost)

Leur histoire, on va vous la raconter. Tous deux inscrits à la même agence, Trésor, en mars dernier et Patelvy, deux mois plus tard. On leur offre le même travail : agent de quai chez DPP, entrepôt de chargement et déchargement de camion, à Sublaines (Indre-et-Loire).

Là-bas, ils se lient d’amitié. « D’où tu viens ? » « Et toi ? »… Trésor est arrivé de la RDC, République démocratique du Congo en 2011. Patelvy, du Congo-Brazzaville en 2012. Puis, ils se montrent des photos. Et là, c’est la surprise : sidérés, ils s’aperçoivent qu’ils ont le même père ! A 32 ans pour l’un, 24 pour l’autre, ils viennent d’apprendre qu’ils sont frères : « En Afrique, on ne dit jamais demi-frère », précise Trésor.

Passé, présent, avenir…

Un peu de bonheur partagé, un peu moins de solitude pour Patelvy qui est arrivé en France à peine majeur. Peu de diplômes, beaucoup de volonté pour s’en sortir. Il s’installe en Touraine. Pour Trésor, la vie est la même. Malgré des études universitaires et un diplôme en ingénierie électroménager, il a dû fuir son pays pour des raisons politiques.

Pas facile, aujourd’hui, de faire ce retour dans le passé. Avec cette question lancinante : pourquoi ne le savaient-ils pas ? : « Chez nous, on ne pose pas de questions aux parents. Donc, on ne sait rien de leur vie. Notre père, on ne le voit pas. Il avait ses raisons personnelles pour se taire. » Tout, pourtant, pouvait les rapprocher.

A commencer par la géographie : les deux capitales, Kinshasa et Brazzaville, ne sont qu’à dix minutes de distance. « Seul le fleuve Congo nous séparait. » Du temps perdu qu’ils rattrapent maintenant, les deux frères ne se quittent plus : « On se voit tous les jours, au boulot, la nuit car on travaille de 23 h à 6 h et on se retrouve chez nous. La nature réserve des surprises. En bien, en mal. C’est une histoire qui nous apprend qu’il ne faut rien cacher et dire la vérité car on s’est manqué longtemps », insiste Trésor, qui sera bientôt papa.

Une vraie famille pour Patelvy… Et l’avenir ? « On va partir là-bas rencontrer les grands-parents, se bâtir une identité », confie l’aîné qui aimerait bien écrire un livre. Leur histoire. Un jour…

Cor. NR, Marie Gosselin